« La justice est-elle indépendante ? » : les magistrats réfléchissent sur la question

« La justice est-elle indépendante ? » : les magistrats réfléchissent sur la question
« La justice est-elle indépendante ? » : les magistrats réfléchissent sur la question

Des évènements qui ont conduit à l’arrestation de certains politiciens sont-ils la preuve que la justice sénégalaise souffre d’un manque d’indépendance ? Les magistrats qui sont au cœur du fonctionnement du service public de la justice, organisent ce jeudi un atelier autour du thème : «État de droit et indépendance de la justice : enjeux et perspectives de réformes».

Au Sénégal où la fonction de juger est confiée à un pouvoir dénommé Judiciaire, son indépendance par rapport à l’exécutif suscite constamment des débats nourris et passionnés. Si la question du comment assurer l’indépendance de la justice est posée à chaque changement de régime, c’est parce que, quelque part, on pense justement que cette indépendance est soumise à rudes épreuves.

Si du temps des Présidents Me Abdoulaye Wade, Abdou Diouf et Senghor, des cas flagrants de manquement à l’indépendance de la Justice ont été notés, avec le Président Macky Sall, des incriminations, arrestations de personnalités de l’opposition font dire à certains que la justice n’est pas indépendante.

Ainsi, à force de subsister, la question de l’indépendance ne se pose plus sur le plan politique, mais s’inscrit également dans un débat plus vaste, d’ordre constitutionnel, sur l’organisation des pouvoirs et la place du Judiciaire dans l’organisation de l’État. On aura beau invoquer la règle de l’inamovibilité du juge du siège, nommé par un pouvoir

Exécutif qui ne peut les révoquer, hors cause de forfaiture, en tenant compte de limites d’âge, mais force est de constater qu’elle n’est pas suffisante pour garantir l’indépendance de la justice. Telle qu’elle est vantée lors des discours de rentrée solennelle des Cours et Tribunaux.

Garanties Statutaires En Question
En plus, au siège, l’inamovibilité ne résiste pas au bon vouloir du Conseil supérieur de la magistrature, dirigé par le président de la République et le ministre de la Justice. S’y ajoute que l’inamovibilité appliquée dans les faits, peut s’accompagner d’une servilité à l’égard du pouvoir en matière de contentieux à connotation politique.

Les évènements récents qui ont conduit à l’emprisonnement de certains opposants donnent quelque part ce sentiment que la Justice a encore besoin de plus d’indépendante. Ceux qui plaident cette position, estiment que pendant que ces derniers subissent la rigueur de la loi, d’autres qui ont été présentés comme des hors la loi de grand acabit ne soient pas inquiétés.

Quant aux magistrats du parquet qui ne sont pas inamovibles, ils peuvent donc être déplacés sur décision discrétionnaire de l’autorité exécutive. Ils sont hiérarchiquement soumis à l’autorité du ministère de la Justice qui peut décider librement d’une révocation ou d’une sanction.

C’est pour éviter que cette hiérarchisation du parquet se transforme en blocage pour l’indépendance des procureurs, qu’il est consacré la maxime selon laquelle «la plume est serve mais la parole est libre».

Celle-ci dont on se demande si elle le serait devenue, s’applique habituellement aux procureurs qui peuvent s’exprimer à l’audience selon leurs consciences, mais qui, à l’écrit, ont l’obligation de suivre les instructions de la hiérarchie.
En tout cas, chez les parquetiers, chaque nouveau régime peut épurer le personnel en faisant valser les procureurs à sa guise.

Les archives relatives aux nominations, révocations, démissions, se retrouvent dans les dossiers personnels des magistrats. Le Conseil supérieur de la Magistrature présidé respectivement par le président de la République et le ministre de la justice, montre une dépendance absolue vis-à-vis du pouvoir exécutif. Et ceci peut, d’une part, entacher l’objectivité dans le choix des juges appelés à statuer sur le sort des citoyens, et d’autre part, favoriser des calculs politico-judiciaires concernant les dossiers judiciaires dits « politiques ».

Si les magistrats, via l’Union des magistrats du Sénégal (Ums), réclament l’indépendance, c’est qu’ils ne sont pas unanimes à réclamer le départ du président et du chef de la chancellerie. Mais ce qui est constant, c’est que leur départ au sein du Conseil supérieur de la magistrature a été exigé par l’Union des Magistrats du Sénégal dans un communiqué en date du 12 juillet 2016.

La question de l’indépendance de la ustice, c’est-à-dire l’absence de toute soumission des magistrats dans l’exercice de leur fonction juridictionnelle à des pouvoirs extérieurs, est encore actuelle.

Ce qui motive la réflexion de l’Ums sur la question ce jeudi.
En France, le président de la République et le ministre de la Justice ont quitté le Conseil supérieur. Si la question de l’indépendance de la justice reste délicate, c’est qu’aucun système judiciaire ne peut fonctionner de manière juste et efficace s’il ne contient pas des garanties propres à assurer son indépendance, le respect des normes auxquelles sont tenus les juges.
Tribune