Alger, qui ne digère pas le revirement de Madrid en faveur de la position marocaine sur le Sahara occidental, a menacé mercredi de rompre le contrat de fourniture de gaz à l’Espagne, si cette dernière venait à l’acheminer « vers une destination tierce ». Le gouvernement espagnol avait annoncé en février qu’il allait aider Rabat à « garantir sa sécurité énergétique ».
Le ministère algérien de l’Énergie a menacé, mercredi 27 avril, de rompre le contrat de fourniture de gaz à l’Espagne si cette dernière venait à l’acheminer « vers une destination tierce », dans un contexte de tensions diplomatiques avec Madrid et Rabat autour du Sahara occidental.
Le géant algérien des hydrocarbures Sonatrach a fourni en 2021 plus de 40 % du gaz naturel importé par l’Espagne, dont l’essentiel lui parvient à travers le gazoduc sous-marin Medgaz, d’une capacité de 10 milliards de mètres cubes par an.
Une autre partie du gaz algérien arrivait jusqu’en octobre en Espagne à travers le Gazoduc Maghreb Europe (GME) passant par le Maroc. Mais Alger l’a fermé après la rupture en août de ses relations diplomatiques avec Rabat, privant ainsi le Maroc du gaz algérien qui transitait par son territoire.
Selon un communiqué du ministère algérien de l’Énergie et des mines, le ministre Mohamed Arkab a été informé « ce jour (mercredi) (…) par son homologue espagnole, Teresa Ribera, de la décision de l’Espagne d’autoriser le fonctionnement, en flux inverse, du Gazoduc Maghreb Europe » et que « cette opération interviendra ce jour ou demain ».
Le communiqué n’a pas précisé le nom du pays qui bénéficierait de ce fonctionnement du pipeline en « flux inverse » mais le gouvernement espagnol avait annoncé en février qu’il allait aider Rabat à « garantir sa sécurité énergétique » en lui permettant d’acheminer du gaz à travers le GME après qu’Alger a cessé de l’alimenter.
Tout acheminement de « quantités de gaz naturel algérien livrées à l’Espagne, dont la destination n’est autre que celle prévue dans les contrats, sera considéré comme un manquement aux engagements contractuels, et par conséquent, pourrait aboutir à la rupture du contrat liant la Sonatrach à ses clients espagnols », a averti le ministère algérien.
Cette mise en garde survient dans un contexte de tensions entre Alger et Madrid sur la question du Sahara occidental. Ancienne colonie espagnole, cette vaste zone désertique considérée comme un « territoire non autonome » par l’ONU, oppose depuis des décennies le Maroc – qui en contrôle 80 % – aux indépendantistes sahraouis du Front Polisario.
L’Espagne, très dépendante d’Alger pour ses approvisionnements en gaz, a opéré le 18 mars un changement de position radical sur ce dossier sensible, en apportant publiquement son soutien au projet d’autonomie marocain et suscitant la colère d’Alger, principal soutien du Polisario.
Alger a rappelé le 19 mars son ambassadeur en Espagne et Sonatrach évoqué une hausse des prix du gaz livré à l’Espagne, en raison de la flambée enregistrée sur les marchés sous l’effet de l’invasion de l’Ukraine par la Russie.
Samedi, le président algérien Abdelmadjid Tebboune a qualifié d' »inacceptable moralement et historiquement » le revirement de Madrid, mais avait assuré que l’Algérie ne « renoncerait jamais à ses engagements de fourniture de gaz à l’Espagne, quelles que soient les circonstances ».