Pour le cas du gendarme Abdoulaye , on ne saurait dire s’il a perdu ses facultés mentales ou s’il est atteint de schizophrénie. Mais le mobile qui l’a poussé à tuer son ami et voisin de chambre, Kébé, reste en tout cas un mystère, jusque devant la Chambre criminelle de Dakar, où il a comparu hier pour assassinat. A l’issue d’une hallucination au cours d’un sommeil, en 2015, à Yarakh, il a asséné un coup de couteau à l’abdomen de la victime qu’il a confondu avec un «djinn». Il sera édifié sur son sort le 28 janvier prochain et risque 15 ans de travaux forcés.
Ancien militaire (de la classe 2009), Abdoulaye encourt 15 ans de travaux forcés devant la Chambre criminelle de Dakar où il comparaissait hier pour assassinat. Ce militaire, qui en son temps a servi en Basse Casamance où il participé à 3 combats, a tué son ami et collègue de chambre, Kébé. Sur les faits qui remontent à la nuit du 7 au 8 août 2015, à Yarakh, l’accusé avait fait des hallucinations au cours de son sommeil. Ainsi, lorsqu’il s’est réveillé, vers les coups de 4h du matin, il a pris un couteau qu’il avait caché sous le matelas et a asséné un violent coup à Kébé qu’il dit avoir confondu à un «djinn». Surprise, la victime qui s’est brusquement réveillée a alerté les voisins par ses cris de détresse. Ces derniers, ayant rappliqué, ont trouvé Abdoulaye debout dans un coin dans la pénombre et Mayoro baignant dans son sang. C’est ainsi que les agents de Grand-Yoff ont été informés du drame. Malheureusement, la victime a succombé après avoir été transportée à l’Hôpital général de Grand-Yoff.
Interpellé et interrogé, Abdoulaye a reconnu avoir poignardé son voisin de chambre. il révèle que depuis qu’il a dessiné et accroché des photos des guides religieux dont Serigne Saliou, Serigne Touba et Modou Kara Mbacké dans la chambre, il ne dort plus. Pis, il ne faisait qu’entendre des cris d’oiseaux. Aussi, précise-t-il, il souffrait constamment de céphalées. C’est ainsi qu’il a été conduit à l’hôpital du Camp Thiaroye où le Dr Boubacar Diène l’a examiné avant de conclure dans son rapport qu’il est atteint de schizophrénie. Curieusement, ce rapport médical a été écarté par le juge, parce que, selon lui, il n’est pas démontré qu’il souffrait de cette maladie lors de la commission des faits.
Inculpé pour assassinat, Abdoulaye Sankaré a réitéré les mêmes déclarations devant la Chambre criminelle. Le célibataire sans enfant a expliqué au juge avoir confondu son voisin de chambre et ami à un «djinn» qu’il a vu lors de ses hallucinations. «Avant ce jour fatidique, je suis resté 10 jours sans dormir. Dans la chambre, j’avais accroché les fresques de Serigne Touba, Serigne Modou Kara Mbacké que j’avais moi-même dessinées. Mais une nuit, j’ai vu Samba Laobé et le djinn qui sortait de l’eau sur la photo. Parfois, lorsque je faisais des rêves, j’entendais des voix» dit-il et de poursuivre : «je n’avais plus mes facultés mentales. Je pensais avoir poignardé autre chose et non une personne cette nuit-là. Ce sont les rêves que je faisais qui me tourmentaient. Mais depuis que j’ai tué Mayoro, j’ai arrêté de voir cette chose-là dans mes rêves. Ce jour-là, après m’être réveillé de mon sommeil, j’ai vu un djinn de dos qui était assis. C’est là que je l’ai poignardé sur le flanc», a laissé entendre l’accusé.
La famille de la victime réclame 1 milliard
Frère du défunt, Abdou Aziz Kébé, qui a réclamé 1 milliard de dommages et intérêts, d’ajouter : «il venait juste de se marier. D’ailleurs, son épouse a avorté après avoir appris la nouvelle de son décès. Il était un soutien de famille». Le représentant du ministère public a indiqué à propos de l’accusé : «même si un document attestant qu’il est atteint de schizophrénie a été versé au dossier, il n’est pas établi qu’il était atteint de cette maladie au moment où il lui assenait le coup de couteau. Il avait l’intention d’attenter à sa vie et rien ne prouve qu’il a vu un djinn. La démence qu’on va tenter de plaider ne peut pas prospérer. La schizophrénie ne se guérit pas parce que ce ne sont que des calmants qui sont donnés aux personnes atteintes de cette maladie».
Comme bouée de sauvetage, les avocats de la défense se sont accrochés à l’article 50 (la démence) qu’ils ont plaidé pour faire acquitter leur client. «Il a souligné que le djinn s’était emparé de son corps. Même ses compagnons de cellule ont été déplacés parce qu’il les prenaient pour des djinns. Le Dr Boubacar Diène de l’hôpital de Thiaroye a dans son rapport conclu qu’il souffrait de schizophrénie. Comment peut-on balayer d’un revers de main ce document établi par un sachant ?», demande Me Nidal Kamal, qui est suivi par son confrère Me Makhfouss Thioye, qui a émis le même souhait. Délibéré le 28 janvier prochain.
Fatou D. DIONE