L’Angola veut remettre la main sur Isabel dos Santos, accusée d’avoir pillé son pays

La justice angolaise a averti lundi qu’elle utiliserait « tous les moyens » pour ramener la milliardaire Isabel dos Santos en Angola, après la publication d’une enquête internationale accusant la fille de l’ex-président Jose Eduardo dos Santos d’avoir « siphonné les caisses du pays ».

Dimanche soir, le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) a dévoilé une série de documents qui mettent en lumière les montages financiers mis en place par Mme dos Santos pour, dit-il, détourner l’argent des sociétés publiques du pays.

Mme dos Santos, 46 ans, a aussitôt nié ces allégations sur les réseaux sociaux et dénoncé des « mensonges ».

Déjà baptisée « Luanda Leaks », le travail des 120 journalistes issus d’une vingtaine de pays de l’ICIJ est venu confirmer celui de la justice angolaise, qui enquête aussi sur les « affaires » de celle qui est baptisée la « Princesse » dans son pays.

« Nous utiliserons tous les moyens possibles et nous activerons tous les mécanismes internationaux pour ramener Isabel dos Santos dans le pays », a déclaré lundi le procureur général Helder Pitra Gros à Luanda.

Ses services, a ajouté le magistrat, ont demandé « le soutien international du Portugal, de Dubaï et d’autres pays » pour obtenir le retour d’Isabel dos Santos, qui vit essentiellement entre Londres et Dubaï.

Le mois dernier, un tribunal de Luanda a bloqué les comptes bancaires et des avoirs angolais d’Isabel dos Santos.

La justice angolaise la soupçonne d’avoir détourné, avec son époux d’origine congolaise Sindika Dokolo, plus d’un milliard de dollars des comptes des entreprises publiques Sonangol (pétrole) et Endiama (diamant) pour nourrir ses affaires privées.
Mme dos Santos a démenti ces allégations et affirmé ne jamais avoir été informée des poursuites lancées contre elle.

Le procureur général l’a contredite lundi en affirmant qu’elle avait « reçu un jour notre notification (de poursuites) et la nuit suivante elle a quitté le pays », sans préciser de dates. « Les raisons pour lesquelles elle n’a pas répondu à nos notifications sont très claires ».

Fondée sur l’exploitation de 715.000 documents piratés dans les ordinateurs de la société de gestion financière d’Isabel dos Santos basée au Portugal, l’enquête des médias internationaux, dont la BBC, le New York Times et Le Monde, semble accabler la femmes d’affaires angolaise.

Grâce à ce que Le Monde décrit comme une « nébuleuse composée de 400 sociétés identifiés dans 41 pays », Isabel dos Santos avait mis en place un véritable « schéma d’accaparement des richesses publiques ».

L’enquête de l’ICIJ révèle que des grands cabinets d’audit et de conseil internationaux comme PwC et Boston Consulting Group, ont « apparemment ignoré les signaux d’alarme », en l’aidant à cacher des biens publics.

L’investigation s’appuie sur des lettres censurées qui montrent comment de grands noms chez les consultants ont cherché à lui ouvrir des comptes bancaires non transparents.

Dans un communiqué, PwC a dit avoir « immédiatement » lancé une enquête et « pris des mesures pour cesser tout travail en cours pour des entités contrôlées par des membres de la famille dos Santos ».

Début janvier, la justice portugaise a elle aussi annoncé l’ouverture d’une enquête sur la femme d’affaires, qui détient des intérêts dans de nombreuses entreprises du pays, pour blanchiment d’argent public.

– Vendetta familiale –

Celle qui est fut proclamée comme la première milliardaire d’Afrique par le magazine américain Forbes en 2013, a elle-même dénoncé auprès de BBC Afrique une « chasse aux sorcières », destinée à les discréditer, elle et son père.

« Ma +fortune+ est née de mon caractère, mon intelligence, éducation, capacité de travail, persévérance », a-t-elle poursuivi sur son compte Twitter.

Son avocat a également réfuté les accusations de l’ICIJ, dénonçant auprès du journal britannique The Guardian une « attaque parfaitement coordonnée » par l’actuel président angolais Joao Lourenço.

Celui-ci a succédé en 2017 à Jose Eduardo dos Santos, qui a dirigé le pays d’une main de fer pendant trente-huit ans (1979-2017). Ses adversaires accusent l’ancien chef de l’Etat d’avoir mis l’économie du pays, un des plus pauvres du monde, en coupe réglée au profit de membres de sa famille.

Depuis deux ans, M. Lourenço a écarté les proches du « clan » dos Santos des institutions, des entreprises publiques et de l’appareil sécuritaire angolais, au nom de la lutte contre la corruption.

Au premier rang de cette charrette ont pris place Isabel dos Santos, qui dirigeait depuis un an la compagnie pétrolière nationale Sonangol, et son demi-frère, Jose Filomeno dos Santos, qui présidait le fond souverain du pays.

Ce dernier est jugé depuis décembre à Luanda pour détournements de fonds publics.

Le clan dos Santos dénonce depuis une vendetta familiale. Il souligne notamment que l’ancien vice-président du pays, Manuel Vicente, menacé d’un procès pour corruption au Portugal a vu ces poursuites abandonnées à la faveur d’un accord diplomatique signé par M. Lourenço.