Si l’homosexualité est encore considérée comme criminelle dans de nombreux pays d’Afrique, d’autres adoptent des positions progressistes tendant à changer la donne. C’est le cas du Botswana, qui redonne espoir aux activistes LGBT du continent.
Depuis 1965, les relations entre personnes du même sexe étaient passibles, au Botswana, de peines de prison pouvant aller jusqu’à 7 ans. La Haute Cour du pays a mis fin à cela mardi 11 juin. Une personne anonyme, dont on ne connaît que les initiales LM, était à l’origine de cette requête et a été vivement soutenue par les associations LGBT du pays.
« Une victoire pour toute l’Afrique »
« Ce n’est pas seulement une victoire pour le Botswana, mais aussi une victoire pour toute l’Afrique », explique à France 24 Neela Ghoshal, chercheuse auprès de la divison LGBT de l’ONG Human Rights Watch. « Cette victoire change la donne, et apporte de l’espoir aux gens après les récentes déceptions ». En effet, la décision intervient quelques semaines après que le Kenya a refusé d’abroger les lois criminalisant l’homosexualité.
Le 24 mai dernier, trois juges de la Haute Cour à Nairobi votaient le maintien de textes datant de la colonisation britannique, il y a près d’un siècle. « Nous estimons que les sections contestées du Code pénal ne sont pas inconstitutionnelles », avait déclaré l’une des juges, Roselyne Aburili, lors de l’audience. Au Kenya, l’homosexualité est passible de 5 à 14 ans de prison.
L’homosexualité toujours passible de la peine de mort
Le Botswana est le 22e des 49 pays de l’Afrique subsaharienne à décriminaliser l’homosexualité. Dans certains pays comme la Mauritanie, le Soudan ou le Nigeria, les relations entre personnes du même sexe sont encore passibles de la peine de mort, bien que cette sanction n’ait plus été appliquée en Mauritanie depuis 1987. Neela Ghoshal pense que la décision du Botswana « peut inspirer tout le continent ».
« Le Kenya, par exemple, peut revenir sur sa décision. Les activistes kenyans ont fait appel, et la cour d’appel est plus objective et progressiste que la Haute Cour. » La chercheuse parle également d’un « espoir au Malawi, puisqu’une requête a été déposée il y a plusieurs années », et que le gouvernement du pays est similaire à celui du Botswana, « en terme d’ouverture d’esprit ».
Dans certains pays d’Afrique – la Namibie, le Zimbabwe, le Ghana, Sierra Leone ou encore le Swaziland –, l’homosexualité n’est illégale que si l’on est un homme. « Souvent, les lois datent de l’époque victorienne. Donc l’idée même que deux femmes puissent faire l’amour n’était pas envisagée, c’est pour cela qu’elles ne figurent pas dans ces lois. Certains pays comme le Botswana ont ‘modernisé’ ces lois (en 1998), pour y mentionner les femmes. Mais dans d’autres pays, les lois sont restées inchangées. » Aussi, certains des textes prohibent les « rapports anaux, qu’il se déroulent entre deux hommes ou entre un homme et une femme ». Mais la chercheuse précise qu’en réalité, « les couples hétérosexuels ne sont pas arrêtés pour ça ».
Les activistes ont encore du chemin à faire avant que l’intégralité du continent décriminalise l’homosexualité, comme c’est le cas en Afrique du Sud où le mariage homosexuel est même autorisé depuis 2006. Pour autant, l’opinion publique dans le pays reste mitigée à ce sujet. « C’est arrivé juste après l’anti-apartheid. Beaucoup de personnes LGBT ont soutenu le mouvement, et les anti-apartheid ont soutenu les LGBT. Mais la population n’était pas forcément au courant de cette entraide, il y avait peu d’éducation à ce sujet et les gens avaient la tête ailleurs. Ces lois sont arrivées par surprise, ce qui a provoqué un retour de bâton de la part de l’opinion publique », détaille Neela Ghoshal. « Aujourd’hui, les activistes du continent ont appris de leurs erreurs, ils savent qu’en plus des demandes envoyées à la justice, ils doivent réaliser un vrai travail d’éveil des consciences pour que les LGBT se sentent en sécurité ».