La découverte de 751 tombes anonymes à proximité d’un ancien pensionnat pour enfants autochtones en Saskatchewan, dans l’Ouest canadien, a ravivé un peu plus l’indignation face aux blessures subies par les Premières nations et les Inuits au Canada. D’autant plus qu’un autre cimetière contenant les sépultures sans noms d’enfants a été trouvée, il y a un peu moins d’un mois, en Colombie-Britannique.
Le site du pensionnat pour autochtones de Marieval était géré par l’Église catholique jusque dans les années 1970. La majorité des tombes trouvées seraient celles d’enfants, mais il y en aurait aussi d’adultes.
« C’était accablant, c’était effrayant ». C’est ainsi que l’archevêque de Regina, de la province de Saskatchewan, Donald Bolen, a qualifié la découverte de plus de 750 sépultures non identifiées sur le site de l’ancien pensionnat, sur le territoire de Première nation de Cowessess. Un endroit qui était tenu par les sœurs de Notre-Dame des missions de Lyon en France, puis les sœurs de Saint-Joseph de Saint-Hyacinthe au Québec.
Des excuses du pape ?
Monseigneur Donald Bolen a expliqué que les pierres tombales ont été détruites dans les années 1960 par le père Houblard, chargé de ce pensionnat. « Le père Houblard, qui était là, a pris un bon bulldozer et a enlevé les pierres tombales ». Un geste que le président de la Conférence des évêques catholiques du Canada, l’archevêque Richard Gagnon, n’arrive pas à comprendre. « Ce cimetière devrait être considéré comme un endroit spécial, un lieu sacré », a-t-il estimé.
Partout au Canada, de nombreux autochtones réclament des excuses de la part du pape. L’archevêque de Regina, qui a déjà présenté des excuses au nom de son diocèse, affirme que le pape a planifié de rencontrer pendant plusieurs jours une délégation d’autochtones du Canada cet automne. « Ça va être un long voyage, mais il faut savoir la vérité, même si c’est extraordinairement difficile ».
Nombreuses réactions politiques
Plusieurs femmes et hommes politiques canadiens ont, eux aussi, partagé leur tristesse, leur douleur et leur honte pour montrer aux autochtones qu’ils les soutiennent, rapporte notre correspondante à Montréal, Pascale Guéricolas. Plusieurs maires de ville ont d’ailleurs mis leurs drapeaux en berne, notamment à Ottawa et à Montréal pour se souvenir de ces enfants qui sont morts loin de leurs parents.
Le Premier ministre, Justin Trudeau, a témoigné de sa grande tristesse pour les communautés autochtones et reconnu que le Canada est responsable de la douleur et de la peine immense qu’ils ressentent. Aux yeux de la ministre des Relations avec les autochtones, cette découverte de tombes anonymes constitue un rappel honteux du racisme systémique que subit cette catégorie de la population. Le chef de l’Assemblée des Premières nations du Québec et du Labrador, Ghislain Picard, fait remarquer, pour sa part, que la vérité se manifeste enfin.
Cela fait plusieurs décennies que les survivants des pensionnats autochtones tentent de faire entendre leur voix pour parler de leurs frères et sœurs ou amis qui n’ont jamais revu leurs parents à la fin des classes. L’Association des femmes autochtones du Canada espère, de son côté, qu’on mette au jour cette réalité trop longtemps ignorée.
C’est vraiment grave. Il faut une enquête sérieuse et aussi des excuses à fournir comme réparations aux familles et à la société des victimes, et aussi de prendre des mesures de non répétition. L’Eglise doit avoir des archives. Il peut y avoir des responsables encore en vie, il faut les juger évidemment
Fabian Salvioli, le rapporteur spécial de l’ONU sur la promotion de la vérité et de la justice demande une enquête
Des recherches menées à l’aide d’un géoradar
La technique employée pour parvenir à retrouver des restes humains ou des tombes qui n’ont pas de sépultures est relativement simple. Un géoradar, aussi appelé radar à pénétration au sol, est employé, ce qui permet de balayer une zone préalablement définie.
En ce qui concerne la découverte rendue publique, jeudi 24 juin, de plus de 750 tombes anonymes, les techniciens ont réalisé des recherches sur une surface de 44 000 mètres carrés. Au moins 600 tombes ont été trouvées grâce à cette technique. Un chiffre qui est ensuite revu à la hausse, car la machine employée, le géoradar, a une marge d’erreur de 10% à 15%, d’où cette estimation de 750 tombes.
Par ailleurs, si cette technique permet de confirmer qu’il existe bien des restes humains à un endroit précis, elle ne permet pas de savoir si un ou plusieurs corps ont pu être enterrés au même endroit. Des recherches exhaustives vont donc désormais être menées pour déterminer le nombre exact de corps retrouvés et tenter de les identifier. Une phase de l’enquête qui s’avère d’ores et déjà très complexe, car les registres des institutions qui accueillaient des enfants autochtones ont, en grande partie, été détruits.