Jusqu’à présent, l’opinion publique s’est focalisée exclusivement sur l’arrêt de la Cour de Justice de la CEDEAO, en date du 29 juin 2018. Il est vrai qu’en concluant que «le Droit à l’assistance d’un conseil dès l’interpellation, le droit à la présomption d’innocence et à un procès équitable de Khalifa SALL et des 5 autres requérants ont été violés», la Cour de Justice de la CEDEAO a balisé le terrain pour la libération du détenu politique, Khalifa Sall.
Mais ce que les membres du gouvernement ignorent ou feignent d’ignorer, c’est que même en s’abritant sur les lois nationales, le 1er président de la Cour d’appel Demba Kandji n’a d’autre choix que de libérer le député-maire de Dakar (détenu politique).
En effet, la Loi n°2016-30 du 8 novembre 2016, modifiant la loi 65-61 du 21 juillet 1965, portant code de procédure pénale, promulguée et publiée au journal officiel le 26 novembre 2016 (JO N° 6976) ne lui laisse aucune marge de manœuvre. L’article 55 du code de procédure pénale est libellé comme suit : «L’officier de police judiciaire informe la personne interpellée de son droit de constituer conseil parmi les avocats inscrits au tableau ou admis en stage. Mention de cette formalité est faite obligatoirement sur le procès-verbal d’audition, à peine de nullité». Or, Il a été prouvé que le procès-verbal de la Division des Investigations Criminelles N°146/DIG/BAC du 02 mars 2017 ne mentionne nullement la présence d’un Conseil au moment de l’interpellation.
Par conséquent, le juge Demba Kandji dispose de 2 options pour libérer le Maire de Dakar :
1. Soit il se conforme à l’arrêt de la CEDEAO du 29 juin 2018 (règlement n°05/CM de l’UEMOA relatif à l’harmonisation de la profession d’avocat qui rend obligatoire la présence d’un conseil dès l’interpellation, durant l’enquête préliminaire) pour prononcer la nullité du Procès-verbal de la DIC N°146/DIG/BAC du 02 mars 2017,
2. Soit il convoque l’article 55 du code de procédure pénale (Loi nationale) pour prononcer la nullité du procès-verbal de la DIC N°146/DIG/BAC du 02 mars 2017.
En réalité, le juge Demba Kandji est doublement lié. Quel que soit son choix (Arrêt de la CEDEAO ou Loi nationale N°2016-30 du 08 novembre 2016), tous les chemins mènent à Rome et à la libération du maire, le 18 juillet 2018. Juridiquement, aucune échappatoire n’est possible. Si toutefois le Juge Demba Kandji éprouve des difficultés à prendre une décision en Droit, nous lui recommandons de lire la brillante contribution de M. El Hadji Birame FAYE, magistrat à la Cour suprême, en date du 09 janvier 2018, intitulée «Droit à un conseil dès l’interpellation: de la portée de la réforme du code de procédure pénale», qui fait suite au séminaire sur l’indépendance de la Justice, organisé par l’Union des Magistrats Sénégalais (UMS) les 28 et 29 décembre 2017 au King Fahd Palace (Dakar). Les propos du magistrat à la Cour suprême sont terrifiants : «Les officiers de police judiciaire, sans doute confortés par des magistrats qui ont quelque scrupule à prononcer la nullité du procès-verbal d’enquête de police, rechignent à notifier à l’interpellé ses droits et se refusent catégoriquement à admettre la présence de l’avocat dès la première heure de la garde à vue». Le message est clair : certains magistrats violent la loi, en refusant d’annuler des procès-verbaux d’enquête, établis par les officiers de police judiciaire.
Tous les magistrats et policiers qui ont participé à cette cabale politico-judiciaire contre Khalifa Sall, doivent rendre des comptes au peuple sénégalais. Le 18 juillet, le Juge d’appel ne pourra affirmer qu’il ignore l’existence de la loi n°2016-30 du 8 novembre 2016. Il doit appliquer la loi, rien que la loi, toute la loi. On voit mal le juge Demba Kandji désavouer publiquement le procureur près la Cour d’appel de Dakar, et ses pairs (Union des Magistrats Sénégalais), pour satisfaire les désirs du prince Macky Sall. Au-delà du détenu politique Khalifa Sall, la crédibilité de la Justice sénégalaise écornée, est entre les mains du 1er président de la Cour d’appel, le 18 juillet 2018.
Seybani SOUGOU
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