Pour des milliers d’enfants victimes d’agressions sexuelles en Australie dans une série d’institutions publiques ou religieuses depuis les années 1950, c’est la fin du déni. Mercredi 13 juin, le Premier ministre Malcolm Turnbull a détaillé son plan : des excuses officielles, des réparations financières et une réforme des institutions qui accueillent les mineurs. Objectif : sortir le pays de la culture de l’abus sexuel.
De notre correspondante à Melbourne,
Les annonces du Premier ministre australien font suite au rapport glaçant d’une commission indépendante qui a enquêté pendant cinq ans. Plus de 8 000 victimes de professeurs, de prêtres, de responsables en tous genres sont venues témoigner devant cette commission. Majoritairement des hommes, agressés sexuellement entre 10 et 14 ans dans des orphelinats, des écoles, des internats, des lieux de culte… Malcolm Turnbull a salué la « bravoure » de ceux qui, devenus adultes, ont rompu le silence.
Toutes les institutions qui n’ont pas protégé les mineurs à leur charge doivent cotiser
Plus de 2 500 dossiers ont été référés à la police pour engager des poursuites. Pour les autres, et tous les Australiens qui n’ont pas eu la force de parler de leurs agressions, le gouvernement va présenter des excuses officielles en octobre. Canberra a lancé une consultation en ligne, ouverte à tous, pour définir le contenu de ces excuses. Il est aussi question de construire un monument en hommage aux enfants violentés. Mais au-delà de la reconnaissance symbolique, il y aura des réparations financières…
Toutes les institutions qui n’ont pas protégé les mineurs à leur charge doivent en effet cotiser à une caisse nationale : gouvernement fédéral, gouvernements des Etats, mais aussi les Scouts, l’Eglise anglicane, l’Eglise protestante unie ou encore l’Eglise catholique… Chaque victime pourra bénéficier de 49 000 euros en moyenne (dès le 1er juillet). Un montant assez bas, mais qui permet aux victimes d’éviter de passer par un tribunal et de revivre leur traumatisme.
L’une d’entre elles, Robyn Knight, a été agressée sexuellement par un professeur dans une école publique. Pour elle, les réparations financières sont la meilleure garantie que les institutions ne fermeront plus les yeux sur les abus. « Si cela ne leur fait pas mal au porte-monnaie, elles ne changeront jamais », affirme-t-elle. Mais le gouvernement veut aussi réformer ces institutions, légiférer tous azimuts…
Sur 8000 victimes entendues, près de 36% agressées dans des institutions catholiques
L’Etat va d’abord se réformer lui-même, pour renforcer la surveillance des adultes qui encadrent les mineurs, avec la création d’un ministère et d’un bureau fédéral de protection de l’enfance, entre autres. Il veut aussi créer un délit spécifique de non-dénonciation d’abus sur les enfants. Car les condamnations sont extrêmement rares en Australie, même si récemment, l’évêque d’Adélaïde, Philip Wilson, a été jugé coupable d’avoir ignoré intentionnellement les agissements d’un prêtre pédophile. Mais c’est une première.
Notons que le nouveau délit de non-dénonciation briserait le secret de la confession ; les prêtres ne pourraient plus l’invoquer pour justifier leur silence. De manière générale, notons aussi que les réformes visent particulièrement l’Eglise catholique. Car sur les 8 000 victimes entendues par la commission d’enquête, la majorité – près de 36% – ont été agressées sexuellement dans des institutions catholiques.
Le gouvernement australien veut donc obliger l’Eglise catholique australienne à demander la permission au Vatican de rendre le célibat optionnel pour les évêques et les prêtres, et imposer des examens psychologiques et psychosexuels pour les candidats australiens à la prêtrise. Mais pour l’instant, l’Eglise australienne reste silencieuse sur ces questions.