Le transfert d’argent entre particuliers vers les pays en développement se fait de plus en plus souvent via les téléphones portables. Un marché jusqu’ici dominé par les mastodontes du secteur, mais qui voit arriver des start-up.
Selon la Banque mondiale, les transferts d’argent réguliers représentent un marché en pleine expansion : +9,6% en un an, avec un montant total des envois d’argent entre particuliers qui a atteint 689 milliards de dollars, dont 529 milliards à destination d’habitants de pays en développement. Si Western Union, MoneyGram ou Ria tiennent encore largement le marché, tout comme les banques, leur domination pourrait bien vaciller dans les prochaines années.
Les expéditeurs doivent en effet s’acquitter de frais élevés, souvent supérieurs à 10%, avec des délais longs et aléatoires. Mais depuis une dizaine d’années, le secteur voit émerger des start-up qui proposent des services financiers couplés à de la technologie mobile. Il est de plus en plus courant d’envoyer de l’argent par son téléphone portable ou par internet de son ordinateur et ainsi de contourner les acteurs classiques.
Des « fintechs » à croissance rapide
Ces « fintechs » aux pratiques innovantes dynamisent la concurrence et rebattent les cartes. En peu de temps, elles ont connu une croissance rapide, preuve qu’il y avait une demande. Mais les majors surveillent de près leur développement et entendent bien défendre leur territoire. Si certaines d’entre elles tiennent à garder leur indépendance, d’autres ont franchi le pas en se faisant racheter à prix d’or par les géants du web chinois et américains, mais aussi par les grands opérateurs de télécoms comme Vodafone et son système d’argent mobile M-Pesa, très utilisé au Kenya. L’opérateur français Orange n’est pas en reste : en 2018, il a développé un partenariat avec le sud-africain MTN pour développer leurs services de transfert d’argent mobile en Afrique.
En perpétuel mouvement, ce secteur évolue au rythme des nombreuses ventes. La société Ant Financial, filiale d’Alibaba, a mis sur la table 700 millions d’euros pour récupérer dans son escarcelle la start-up britannique WorldFirst. L’américain PayPal a déroulé le tapis rouge à la start-up américaine Xoom. L’opération lui a coûté près de 900 millions d’euros. Alors que l’américaine Remitly a choisi de rejoindre Ria, l’une des compagnies leaders sur le transfert d’argent. Dans ce paysage en mouvement, le cas de TransferWise détonne. Cette start-up britannique toujours indépendante se targue de lever le plus de fonds avec un financement de 400 millions de dollars. Elle est valorisée de 3,5 milliards de dollars.
L’exemple WorldRemit
Sans oublier WorldRemit, également indépendante, fondée il y a neuf ans par Ismail Ahmed. Né au Somaliland, une région située au nord de la Corne de l’Afrique, il a connu, enfant, l’attente de ses parents quand les transferts d’argent tardaient à venir. Étudiant, il consacre sa thèse sur l’impact des envois d’argent de particuliers puis rejoint le Programme des Nations unies pour le développement où, là aussi, il traite le sujet. À 50 ans, il lance sa start-up WorldRemit et se spécialise dans l’envoi de petits montants ou la recharge de cartes téléphoniques. Une belle réussite : la start-up lève aujourd’hui 400 millions de dollars. Avec 100 millions de revenus l’année dernière, elle agit dans une cinquantaine de pays pour l’envoi des fonds dont la destination touche 145 pays. Elle est l’une des rares start-up rentables
Le paysage risque encore d’évoluer, mais la multiplication des acteurs et le passage au numérique auront eu pour mérite de faire baisser les coûts des commissions sur les transferts d’argent et d’apporter plus de transparence en augmentant le volume d’argent dématérialisé au détriment des espèces.