Le parcours du Tchad pour accéder à la souveraineté nationale ressemble à celui de plusieurs autres colonies françaises d’Afrique, celui d’une entente avec la puissance coloniale. Le Parti progressiste tchadien (PPT) de Gabriel Lisette, puis de François Tombalbaye, y joue un rôle central.
Le 11 août 1960, sur le perron de l’hôtel de ville de Fort-Lamy, François Tombalbaye, Premier ministre prononce le discours d’indépendance du Tchad aux côtés d’André Malraux, représentant du général de Gaulle et de la France. Dans la cour de l’hôtel de ville, les convives composés essentiellement de l’élite locale, des fonctionnaires, des politiciens, notables et commerçants assistent debout au discours quand, soudain, une coupure d’électricité survient. L’ancien Premier ministre Alingué Jean Bawoyeu, jeune fonctionnaire à l’époque, se souvient : « Il y a eu ce petit incident quand la lumière s’est éteinte. Mais en bon enseignant, Tombalbaye, qui avait sans doute une bonne partie de son discours en tête, s’est débrouillé avant que le ministre Malraux ne l’aide avec une lampe torche ».
Le lendemain matin, dans la cour de la résidence de Gabriel Lisette, ancien Premier ministre qui fut administrateur des colonies, une scène surréaliste survient. François Tombalbaye, Pierre Toura Ngaba et Gabriel Lisette se disputent des bouts de tissus. Il s’agit des trois couleurs qui devraient composer le drapeau du jeune État. « On avait commandé des rouleaux des trois couleurs. Au moment de constituer le drapeau, les trois leaders du parti progressiste tchadien (PPT/RDA) se battaient pour avoir l’honneur de composer le drapeau. Finalement, Tombalbaye a envoyé chercher Seïna Mani, un grand commerçant qui a soutenu le PPT/RDA pour lui demander de composer le premier drapeau du Tchad », raconte l’homme politique Issakha Ramat Allahamdou.
Plus tard, commence le défilé des différentes délégations conviées aux festivités. Une jeune fille superbement habillée, perchée sur un char, ouvre le défilé. À sa suite, des chevaux harnachés, des ballets de musiciens traditionnels jouant ici de la flûte, là du tambour, agrémentent le premier défilé de l’indépendance du Tchad. Mais la fête n’est pas du goût des premières autorités qui programment les vraies festivités pour la fin de l’hiver, en janvier 1961, pour permettre à toutes les provinces de participer.
La longue marche vers l’indépendance
Avant d’arriver à l’indépendance, le Tchad, colonie de la France, est marqué par la participation de ses ressortissants aux deux guerres mondiales (1914-1918 et 1939-1945). C’est surtout au cours de la Seconde Guerre mondiale que le Tchad s’illustrera en devenant le premier territoire d’outre-mer à rallier la France libre du général de Gaulle. Partie de Fort-Lamy, la colonne dirigée par le général Leclerc participera activement à la victoire des Alliés en 1945.
La fin de la Seconde Guerre mondiale marque aussi le début du mouvement d’émancipation des peuples colonisés. Dès 1947, un Conseil représentatif de 30 membres est mis sur pied, avec des pouvoirs limités. Il évoluera pour devenir une Assemblée nationale en 1952. Le 23 juin 1956, la loi-cadre Defferre est adoptée. Cette loi va accélérer la marche du Tchad vers l’indépendance. Une semi-autonomie est accordée aux colonies qui se dotent de gouvernements et de Parlements. Le 28 novembre 1958, le Tchad, qui dispose d’un conseil de gouvernement et d’une assemblée législative, devient une République autonome tout en restant dans la communauté française. Mais l’exécutif en place prépare d’ores et déjà l’accession à l’indépendance. Le 31 mars 1959, une nouvelle Constitution est adoptée. Après la mise en place du Parlement, un premier ministre est élu.
Pendant ce temps, les discussions avec la France pour préparer l’indépendance se poursuivent pour aboutir à la proclamation de l’indépendance le 11 août 1960 par François Tombalbaye, qui représente la majorité parlementaire de l’époque. Il écarte rapidement Gabriel Lisette. Dès 1962, ne supportant pas le régime parlementaire, il change les règles du jeu. En septembre 1963, des leaders tels que Koulamallah, Jean Baptiste et Kerallah sont mis en prison. C’est le début des tensions qui aboutiront à la jacquerie de Mangalmé en 1965.