A Moscou, l’organisation internationale anti-discriminations Fare a ouvert une « Maison de la diversité », dans le centre de la ville. Chaque jour, on y organise des conférences, sur divers sujets comme le racisme, les violences envers les femmes ou les problèmes rencontrés par les minorités sexuelles. Reportage.
De notre envoyé spécial en Russie,
Le jour où la Russie jouait son quart de finale face à la Croatie (7 juillet), la salle était en train de se remplir alors qu’un homme venu du Tadjikistan, pays issu de l’ancienne Asie centrale soviétique, témoignait. Ce chauffeur de taxi racontait comment trois policiers, qui n’étaient plus en service, lui avait tiré dans la jambe pour le « punir » d’être arrivé avec cinq minutes de retard et d’être « un sale musulman ».
Venir pour être soi-même et regarder du foot
L’affaire, toujours au tribunal, démontre à quel point le racisme est fort envers les personnes venues d’Asie centrale (Kirghizistan, Ouzbékistan, Turkménistan, Kazakhstan, Mongolie). « En Russie, la plupart de ces personnes ont des emplois pas très bien rémunérés, dans le bâtiment ou le nettoyage », précise une jeune volontaire. Ce chauffeur dit avoir déjà auparavant été agressé par une jeune fille dans son taxi. Elle lui aurait porté un coup de couteau à la gorge lui reprochant de venir « piller la Russie ».
Parmi les supporters venus de tous les pays, mais aussi des Russes, de jeunes gays et lesbiennes sont aussi présents. « C’est un endroit où il est possible de venir, d’être soi-même et de regarder du foot », explique Pavel Klimenko, directeur du développement pour Fare en Europe de l’Est. Juste avant le début de la Coupe du monde, la « Maison de la Diversité » de Saint-Petersbourg avait vu son bail annulé sans préavis.
Le lieu est principalement fréquenté par des jeunes qui peuvent aussi s’informer sur les problèmes de racisme ou d’homophobie dans le sport. Pavel Klimenko précise que sur tous les matches du Mondial 2018, trois membres de l’ONG sont là pour observer si des incidents racistes surviennent au cours de la partie.
« Nous ne sommes pas les bienvenus dans notre société »
« Nous sommes des citoyens des seconde zone et le message envoyé à la population est que nous ne sommes pas les bienvenus dans notre société. Nous sommes de invisibles », constate Alexandre, un militant de la cause LGBT dans le sport, le foot en particulier. Il ajoute : « Le temps d’un Mondial, on fait semblant de nous accepter. Mais quand tout sera fini, on en reviendra au même point. La Fédération devrait travailler sur le racisme et l’homophobie. »
En 2013, la Russie a adopté une loi punissant d’amendes et de peines de prison la « propagande » de « relations sexuelles non traditionnelles » auprès des mineurs. Une formulation floue qui interdit de fait l’activisme en faveur des droits LGBT. Des agents du FSB, les services de sécurité russes, héritiers du KGB, sont venus surveiller le lieu. Avant le début de la compétition, la Russie a assuré que les supporters gays seraient les bienvenus à l’occasion du Mondial.
« Je me fiche pas mal de ce que font les gens dans leur vie privée. Mais j’ai conscience qu’il y a plus de tolérance dans des villes comme Moscou et Saint-Pétersbourg », dit Valdimir, 18 ans, qui précise aimer les filles tout en ayant des « potes » homosexuels. « Ici, il y a de la bonne bière et l’endroit est sympa. Tout le monde devrait faire ce qu’il veut dans notre pays », conclut avec le sourire son voisin d’à côté, visage grimé aux couleurs de la Russie, et fier que son pays ait pu se hisser en quarts de finale.