Les élections législatives du 31 juillet sont terminées. En attendant la confirmation et l’officialisation des résultats par les instances habilitées, les tendances montrent qu’aucune partie n’a une majorité absolue à l’assemblée nationale. Il me semble important d’analyser les résultats, les causes de ses résultats et dégager des perspectives.
La première observation est que les élections locales de janvier 2022 ne sont pas un baromètre fiable. Chaque élection a ses réalités et ses enjeux, en fonction desquels les acteurs agissent. Si les investitures des Locales avaient créé leurs lots de frustrations, la possibilité d’aller sur une liste indépendante aurait atténué les crises.
Malheureusement, pour les Législatives, les investitures ont été trompeuses. Certains candidats sont impopulaires dans leurs terroirs. C’est le cas du député (la dame) sortant du département de Goudomp qui a été investie de nouveau. Elle s’est isolée de son Karantaba et ne s’accompagne que de deux ou trois personnes. L’autre élément est que les électeurs savaient que d’autres investis n’iront pas à l’assemblée nationale. C’est le cas de certains ministres qui sont investis. Les électeurs savent qu’ils couvrent d’autres personnes qui vont les représenter. Qui sera réellement député si je vote pour telle personne ? Telle était leur interrogation.
Venons-en à la responsabilité du chef de l’Etat. Je commence par une mauvaise gouvernance. Macky Sall a irrité par son style de gouvernance, par la corruption de ses partisans, par sa complaisance supposée à l’égard des injustices subies par des citoyens et, depuis 2019, à cause de la gabegie dégoûtante et l’arrogance de son entourage. Il a publiquement dit qu’il protège des malfaiteurs par un coude sur leurs dossiers. « Les symboles sont puissants, et lorsqu’ils proviennent d’une personne si éminente, […], ils peuvent changer le cours de l’Histoire », a dit Amin Maalouf. S’il avait sévi, chacun comprendrait « que nul […], parmi les siens, n’est autorisé à faire de la surenchère militante, ou du zèle […] ».
Macky Sall a cru en sa superpuissance. Il est hostile aux critiques et remarques constructives. Si, selon Amin Maalouf, « …sous tous les cieux ; les hommes forts aiment à s’entourer de personnages qui ne s’opposent à eux, qui ne leur font pas ombrage », il est important de souligner que le « crédit moral (d’un leader) n’est pas inépuisable ». Ensuite, les sénégalais ont exprimé leur dégoût envers la majorité de la 13ème législature. On a estimé que la 12ème a failli mais la 13ème a été pire. Tous les sénégalais ont eu mal à voir des députés se donner en un vilain spectacle, compte non tenu des multiples scandales qui ont éclaboussé cette législature, sans sanction dissuasive.
Des Ministres territoriaux, parlons-en. Certains Ministres, en plus d’être incompétent, ne travaillent que pour trois ou quatre terroirs. Je prends l’exemple du Ministre de l’élevage. Depuis 2018, j’alerte sur le vol de bétail dans le département de Goudomp. Je vois les ministres de l’élevage visiter tout le temps le Djoloff, le Ndoucoumane et le Fouta. On a l’impression qu’ils ne sont nommés que pour la zone sylvopastorale. Malgré mes relances semestrielles, l’actuel Ministre semble ne pas être intéressé par ce qui se passe ailleurs que ces terroirs cités ci-haut. Conséquences : les pasteurs de mon département ne sont plus enthousiastes à élever du bétail.
Autre raison de la colère des sénégalais, la supposée mainmise sur la justice par l’exécutif. C’est un sentiment collectif même s’il y a de bons magistrats qui font un excellent travail. En attestent les multiples scandales impunis, dans lesquels des pontes du régime sont cités. Ajoutons-y l’arrogance des responsables politiques. Certaines excellent par une méchanceté sans commune mesure, par la marginalisation des jeunes cadres du parti et de la coalition au pouvoir. Des Ministres, Directeurs généraux et PCA, souvent nouvellement débarqués dans une localité, combattent les jeunes cadres qui ont élu et réélu Macky Sall, avec sa bénédiction.
Les discours de rejet des jeunes par Macky Sall ne sont pas à négliger. Entre 2019 et 2021, Macky a été insensible aux multiples cris de cœur des jeunes de son parti et de la coalition. Il a même invité les mécontents à quitter le parti. Une bonne partie de ses militants de premières heures ne se reconnaissent plus en son leadership ni en son parti. C’est de tous ces ressentiments que sont nées les frustrations qui ont plombé l’animation du parti. Cette sourde oreille aux critiques et alertes a créé un arrière-goût d’amertume, et qui aura contribué à accroître, chez de nombreux jeunes militants, ce sentiment de découragement, de colère et de soif de vengeance.
Depuis 2012, Macky Sall ne travaille qu’avec une équipe d’une quarantaine de personnes. Le maintien de cette petite équipe de privilégiés depuis 2012 a fini de décourager des cadres qui n’attendaient que d’être mis à contribution pour faire un excellent travail. Conséquence, la routine s’est installée, la médiocrité dans les baluchons. Parlons de la promotion de la transhumance. Macky Sall qui a battu campagne sur des valeurs a porté l’étendard des contre-valeurs républicaines. Après les Locales, il a cru avoir des Maires opposants et indépendants. Leurs électeurs n’ont pas suivi et les sénégalais ont rejeté cette pratique politique désapprouvée.
Le 10 décembre 2021, Macky Sall a fait voter une Loi d’urgence pour le retour du poste de premier ministre. Tout le monde s’attendait à un remaniement. Après avoir raté l’occasion de renouveler le gouvernement après les évènements de Mars 2021, Macky a brillé par une insensibilité inexplicable. Les sénégalais ont le sentiment que leur président de la République joue avec les institutions, il en use et abuse au gré de ses humeurs. Ce qui n’est pas apprécié. Un remaniement aurait apporté du sang neuf et libéré de nouvelles énergies. Les nouveaux auraient déployé des efforts qui auraient suscité de l’espoir.
Mais Macky est fidèle à ses amis dont il a du mal à se séparer, tout le contraire d’Abdoulaye Wade qui se libérait de celui ou ceux qui le gênaient. Macky aime s’encombrer des gens qui lui portent préjudice. Et quand on n’aime pas se séparer de ses mauvais amis, encombrants ; on se fait surprendre par ses adversaires, emmerdants. avec igfm