Les premières élections législatives organisées depuis neuf ans au Liban se sont déroulées ce dimanche 6 mai sans incident majeur. Mais le taux de participation, estimé à 49,2 %, a surpris les observateurs, qui s’attendaient à une plus grande affluence en raison de l’application, pour la première fois, du mode de scrutin proportionnel. Et malgré cette nouvelle méthode, les résultats ne diffèrent guère des élections précédentes, avec le Hezbollah qui en sort gagnant.
Selon notre correspondant au Liban, Paul Khalifeh, si les résultats officiels ne sont pas encore connus, les partiels montrent qu’aucune formation ou coalition de partis n’a réussi à remporter une majorité. Mais on peut d’ores et déjà dire que le tandem chiite, composé du Hezbollah pro-iranien et du Mouvement Amal dirigé par le président sortant de la Chambre, Nabih Berry, a tiré son épingle du jeu : il remporte 26 des 27 sièges réservés aux chiites, ce qui lui confère une représentativité indiscutable de cette communauté.
Le Hezbollah voit aussi une douzaine de ses alliés au moins, dont quatre personnalités sunnites, élus dans plusieurs régions du pays. Le tandem chiite et ses alliés remportent donc près du tiers des sièges, un nombre suffisant pour provoquer des défauts de quorum lors de l’examen de questions jugées d’intérêt national.
Hariri reste le favori à sa propre succession
A Beyrouth, le Premier ministre Saad Hariri a fait un score moins important qu’il ne le souhaitait : il obtient au moins six des onze sièges en jeu, face à une liste conduite par le Hezbollah, qui en rafle trois. Mais le Premier ministre sortant remporte dans le reste du pays au moins 14 sièges, ce qui le place à la tête du plus important bloc sunnite. Il reste donc favori pour se succéder à lui-même à ce poste qui est réservé aux sunnites.
Le Courant patriotique libre (CPL), fondé par le président Michel Aoun, aurait remporté 18 sièges au moins, ce qui en fait le plus grand bloc chrétien au Parlement. Mais il est contraint de partager la représentation de cette communauté avec les Forces libanaises, de Samir Geagea, qui raflent au moins 12 sièges, consolidant ainsi leur légitimité populaire.
Avec ces résultats, il n’y aura certainement pas de grand changement dans la politique libanaise. On attend encore les définitifs, notamment ceux des candidats indépendants qui ont pu se présenter pour la première fois grâce au scrutin à la proportionnelle, un mode de scrutin qui a poussé des candidats de la société civile à se présenter pour la première fois et qui aurait pu les favoriser .
Si certains d’entre eux devaient être élus, ce serait tout de même un signe. Ils ont montré durant la campagne une volonté de faire de la politique différemment. Un espoir possible pour les jeunes, surtout pour ceux qui se sont mobilisés autour de ces candidats et qui veulent un autre Liban.
«Où est la moitié des Libanais», s’interroge l’Orient-Le Jour
Encore plus que les résultats, le taux de participation de 49,2% est au centre des attentions. Le quotidien francophone l’Orient-le jour s’interroge d’ailleurs, en Une, « où est la moitié des Libanais? ». Ce bien malgré le nouveau mode de scrutin à la proportionnelle, qui a poussé des candidats de la société civile à se présenter pour la première fois et qui aurait pu favoriser des nouveaux partis.
L’explication qui revient le plus souvent est que les électeurs n’étaient pas convaincus des alliances conclues par les grands partis, parfois avec des ennemis de toujours. Cela aux dépens de militants de la première heure, écartés pour céder la place à de richissimes hommes d’affaires, parfois controversés.
Des irrégularités et achats de voix au centre du vote
Les Libanais n‘étaient pas convaincus que ces élections apporteraient le changementpromis et les résultats démontrent que leur scepticisme avait raison : Les rapports de force dans le nouveau Parlement sont à peu près les mêmes que dans la législature sortant, par conséquent, le gouvernement ne sera pas très différent non plus.
Un autre phénomène aurait également contribué au manque de participation : les irrégularités et achats de voix, ce que Dany Rahhal dénonce. Ce journaliste de 33 ans n’a pas voté, comme le rapporte notre envoyée spéciale à Beyrouth, Murielle Paradon.
« Je n’ai pas voté d’abord parce que les candidats nous appellent au téléphone non pas pour nous convaincre de leur programme politique ou de leur vision pour ce pays, mais pour nous dire: on vous donne 200 dollars pour votre essence pour aller voter, mais cela ne me convainc pas. Deuxièmement je pouvais aller dans le Sud pour voter avec ma femme, mais j’ai eu peur. Je ne suis pas allé voter parce qu’il y a eu beaucoup d’incidents. On pouvait faire du mal à ma famille, pas seulement moralement, mais aussi physiquement. Qui me garantit que rien n’arrive à ma femme et à ma fille? Troisièmement et c’est le plus important, ce qu’on appelle la société civile n’est pas vraiment indépendante. C’est politisé. Tout le monde a acheté des voix aujourd’hui ».
rfi