Après des années de divisions, de guerre civile, la présence d’al-Qaïda et du groupe Etat islamique, les Irakiens semblent vouloir tourner la page. Ils sont appelés aux urnes samedi 12 mai, et il y a un véritable engouement pour ces élections législatives. Pour certains, ce scrutin est la clé contre le sectarisme et le terrorisme. Pour beaucoup d’autres, comme les populations déplacées, elles sont simplement le moyen de sanctionner leurs dirigeants qui les abandonnent à leur triste sort. Reportage à Bagdad et Falloujah de nos envoyés spéciaux.
Le vieux générateur électrique peine à faire fonctionner la ventilation sous la tente. Planté au milieu du désert, un camp de déplacés se tient aux portes de Falloujah. Un paysage aride, poussiéreux et une population démunie. Avec ses parents, ses frères, ses sœurs, Ahmed Sami, 25 ans vit ici depuis 2016. La maison familiale dans la province d’al-Anbar n’est plus qu’un un tas de ruines. Elle a été détruite durant les combats contre le groupe Etat islamique.
« Personne ne se soucie de nous, aucun responsable n’est venu nous voir ici », témoigne la jeune femme. « Pourtant ils savent dans quelles conditions nous vivons. Pour eux on doit rester ici et se taire. Nous sommes en colère ». Alors, il l’assure : « Nous allons voter pour changer le gouvernement ».
Dans le camp écrasé par le soleil de l’après-midi, rares sont ceux qui s’aventurent hors de leur tente. Pourtant Mohamed Bakhit, un déplacé, tient à nous rencontrer. Il ira voter avec un objectif, faire barrage au parti du Premier ministre sortant. Père de trois garçons, ses fils « ont été injustement arrêtés et emprisonnés par les milices chiites, nous raconte t-il. Ils ont été accusés d’avoir collaboré avec les jihadistes. Pourtant nous avons fui notre village justement à cause des jihadistes » s’indigne cet homme. Il a « fait appel au Premier ministre Haïdar Abadi, au gouvernement, aux religieux personne n’a jamais répondu ».
Loin de Falloujah, dans un autre camp de déplacés à Bagdad, Haja Choukriya a son rituel. Chaque jour, la vieille dame prépare son pain. Les conditions sont moins spartiates ici. Les tentes sont équipées : télévision, air conditionné. Un équipement financé en partie par un député candidat à sa propre réélection. Ce samedi, Haja Choukrya votera pour lui.
« Notre député vient régulièrement nous voir ici. Il prend soin de nous, c’est quelqu’un de bien. Tous les déplacés de Mossoul vont voter pour lui », se réjouit-elle. « Vous savez, nous on a fui nos villages dans la région de Mossoul à cause de Daech, notre vie était devenue misérable. A un moment on s’est même réfugiés en Syrie et c’est notre député qui a œuvré pour que l’on puisse être accueilli dans un camp en Irak. Dans nos villages il n’y plus d’eau et plus d’électricité. Ici notre député est généreux avec nous. Il partage son salaire avec nous. Nous allons voter pour lui. »
« Ce sont tous des voleurs »
Mais dans ce camp tous les déplacés ne sont pas du même avis. Ali Hassoune nous invite sous sa tente et tient à mettre les choses au point : « Les candidats dépensent des millions pour leur campagne électorale… d’où leur vient tout cet argent ? Leur salaire ? Je n’y crois pas. Ce sont tous des voleurs… où partent les richesses de l’Irak ? Qui profite des recettes du pétrole ? »
Ali Hassoune ne votera pas : « Je ne les aiderai pas à se maintenir au pouvoir. Vous savez les gens qui votent le font pour des contreparties. Certains candidats achètent les voix des électeurs et les gens acceptent de vendre leur conscience ».
Au-delà des camps de déplacés, le reste des Irakiens interrogés dénoncent systématiquement la corruption et souhaitent voter pour renouveler leur classe politique.
rfi