Le thiouraye ou encens, est sans contexte, un des éléments phares du patrimoine culturel sénégalais. Utilisé à des fins très diverses, le thiouraye est sans doute l’un des incontournables de l’art de vivre à la sénégalaise.
Contrairement à ce que l’on croit, ce n’est qu’assez récemment que le thiouraye est devenu exclusivement un outil de séduction. Certes, il a toujours été considéré comme un témoignage du jongué attitude (savoir-être sénégalais) chez la femme, et chacune devait avoir ses propres recettes secrètes, auxquelles elle associait parfois certaines plantes aux effets aphrodisiaques, destinées à faire tourner la tête de son époux dans l’intimité.
POUVOIRS MYSTIQUES
Cependant, le thiouraye n’est pas seulement synonyme d’érotisme.
À l’origine été appelé thiouraye, toute sorte de macérat ou mélange sec à base de plante odorante et parfumée tel que le gowé ou a gomme arabique, la résine du pommier du Cayor etc. Ces produits, dérivés de plantes ou parfois mélange savant de plusieurs plantes, étaient traditionnellement utilisées par coquetterie pour embaumer les maisons et les vêtements, mais aussi à des fins mystiques également pour purifier les morts, protéger les nouveaux nés, chasser les mauvais esprits ou encore guérir les malades. Certains, comme le gowé, étaient même utilisés en infusion par les femmes, car on lui prête des vertus purifiantes pour l’appareil génital féminin.
Au contact des produits occidentaux comme l’eau de Cologne, et plus tard l’oud, avec les commerçants maures et libano-syriens, les femmes sénégalaises ont développé un véritable savoir-faire concernant les mélanges de senteurs et les associations de produits. Ainsi est née une panoplie de thiouraye dont l’utilisation a été exacerbée par l’arrivée de l’islam et de la tradition islamique, qui révélait que le prophète Mohammed recommandait l’utilisation de l’encens.
DES NOMS ÉVOCATEURS
Aujourd’hui, le thiouraye est toujours aussi populaire au Sénégal et commence même à s’exporter. Mais c’est surtout son lien à l’érotisme qui est mis en avant. Il suffit de lire les noms de certains mélanges dans les boutiques spécialisées : Boulko yeureum (« N’y vas pas de main morte »), Quatre appuis (en référence à un terrassement sans conteste dans le monde de la lutte), Songma (« Attaque-moi ») ou encore Boul bouger (« Ne bouge pas »).
Les vendeurs rivalisent de créativité en créant maintenant des mélanges au nom évoquant des canaux de communication tels que Viber, Youtube ou Whatsapp, qui seraient très prisés par les épouses dont les maris vivent à l’étranger, la référence fait sourire.
De nos jours, les mélanges de thiouraye sont de plus en plus complexes. Souvent, les commerçants n’hésitent pas à se rendre à Dubaï ou en Arabie saoudite, pour se procurer les mélanges les plus rares et les plus chers, qui seront de toute façon vendus à une clientèle toujours à la recherche du produit le plus sophistiqué.
De plus en plus, le thiouraye et les accessoires qui l’accompagnent (pots, vaporisateur, encensoirs, plateaux de présentation), deviennent des éléments de luxe, et les amateurs et amatrices recherche toujours le raffinement extrême, sans lésiner sur le coût.