Désormais majoritaires à la Chambre des représentants, les démocrates doivent apaiser leurs différends en vue de la présidentielle de 2020. La tentation d’un virage à gauche divise
Et maintenant, quelle stratégie adopter en vue de la présidentielle de 2020? Après leur victoire partielle aux «midterms» – la reconquête de la majorité à la Chambre des représentants –, cette question hante les démocrates. Divisés, écartelés entre une aile centriste et l’arrivée d’une nouvelle génération ancrée plus à gauche, ils peinent à s’accorder sur le meilleur moyen de tenter de vaincre Donald Trump. Les résultats des élections de mi-mandat ne vont pas forcément les aider à clarifier leur esprit.
Une nouvelle génération plus à gauche
De nouvelles figures se sont imposées. Femmes, candidats arc-en-ciel, représentants de minorités ethniques: les démocrates peuvent se targuer d’être à l’origine de beaucoup de «premières». Deux Amérindiennes siégeront par exemple pour la première fois au Congrès. Tout comme deux musulmanes. La benjamine sera Alexandria Ocasio-Cortez, 29 ans, une ex-serveuse d’origine modeste qui s’est imposée à New York en battant aux primaires un dinosaure démocrate. Personne, ou presque, ne l’avait vue venir.
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Cette nouvelle génération a tendance à s’afficher plus à gauche que la moyenne du parti. Elle s’identifie davantage à Bernie Sanders, candidat malheureux aux primaires démocrates de 2016 contre Hillary Clinton, qu’à Nancy Pelosi, la cheffe de file à la Chambre des représentants.
Le duel en Floride avait valeur de test
Un vent de renouveau réjouissant? Certes. Pour un parti en manque de leadership, qui compte encore sur Barack Obama comme locomotive et s’est à peine remis du psychodrame de l’échec d’Hillary Clinton en 2016, cette nouvelle mobilisation est positive. Mais sera-ce suffisant pour imposer un président démocrate en 2020? Adopter un virage à gauche ne fait pas l’unanimité. En Floride, par exemple, le choix de miser sur Andrew Gillum, qui fait partie des pro-Sanders, pour le poste de gouverneur avait valeur de test. Or il a dû s’incliner face au républicain Ron DeSantis.
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Le démocrate progressiste «socialiste» – le terme s’apparente presque à un gros mot aux Etats-Unis – s’est fait battre par un candidat qui se revendique plus trumpiste que Trump. Une confirmation pour les plus hésitants que miser sur des candidats trop dans l’opposition ne mène pas forcément à la victoire. En février 2017, quand il s’agissait de trouver un nouveau président de parti, les démocrates avaient déjà préféré Tom Perez, ancien secrétaire au Travail de Barack Obama, à l’élu Keith Ellison, soutenu par Bernie Sanders.
Joe Biden séduit
Autre dilemme: faut-il miser sur des candidats expérimentés, rompus à l’exercice, mais âgés, ou sur des plus jeunes, plus combatifs? Un récent sondage de CNN indique que l’ex-vice président Joe Biden aurait pour l’instant les faveurs de 33% des démocrates, contre 13% pour le sénateur du Vermont Bernie Sanders et seulement 9% pour Kamala Harris, la sénatrice de Californie qui monte, 8% pour sa collègue du Massachusetts Elizabeth Warren. Or Joe Biden a 75 ans et Bernie Sanders 77 ans. Quant à Nancy Pelosi, qui pourrait devenir la nouvelle «speaker», elle a 78 ans et n’incarne pas vraiment non plus le renouveau plébiscité par les électeurs.
Une force anti-Trump
Ces derniers jours, Donald Trump est passé à l’offensive en s’attaquant violemment aux médias – un journaliste de CNN s’est vu retirer son accréditation à la Maison-Blanche –, mais surtout en limogeant son ministre de la Justice et en augmentant par ricochet la pression sur le procureur spécial Robert Mueller, chargé de l’enquête sur l’ingérence russe dans la présidentielle de 2016. Il est accusé de bafouer à la fois la séparation des pouvoirs, l’indépendance de la justice et la liberté de la presse, et a poussé des milliers d’Américains inquiets dans la rue.
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Ce comportement fait craindre une crise constitutionnelle aux démocrates. Il les pousse une fois de plus à s’ériger en force anti-Trump, au lieu de se positionner sur des thématiques porteuses. Bientôt majoritaires à la Chambre des représentants, ils pourront bloquer des projets de Trump et voter des lois symboliques qui ne passeront pas la rampe du Sénat mais serviront à mobiliser leur électorat pour 2020. Ils ont déjà brandi la menace d’une enquête sur l’affaire russe. Mais cette contre-offensive comporte aussi un risque. Celui d’offrir un boulevard à Donald Trump, qui excelle dans le registre de la victimisation et dénoncera l’«obstruction démocrate» pour galvaniser ses troupes. Le choix des démocrates sera cornélien.