Les États-Unis sont sous le choc. En quelques heures, deux fusillades ont fait 29 morts et des dizaines de blessés. À El Paso, à la frontière du Mexique, un homme a ouvert le feu près d’un centre commercial avant d’être arrêté. Il voulait apparemment s’en prendre à la communauté hispanique. Dans la ville de Dayton, dans l’Ohio, une autre fusillade a éclaté à la sortie de bars et de restaurant. L’homme a été abattu. Selon l’ONG Gun Violence Archives, les États-Unis ont connu 251 « tueries de masse » depuis le début de l’année. Ce sont celles qui ont fait au moins quatre victimes, mortelles ou non.
Donald Trump assure dimanche que « la haine » n’a pas sa place aux États-Unis après deux fusillades particulièrement meurtrières en quelques heures.
Un homme blanc de 21 ans, Patrick Crusius, a ouvert le feu samedi matin à El Paso, ville à majorité hispanique, faisant vingt morts, dont six Mexicains, dans un centre commercial bondé. La piste raciste est envisagée. Un manifeste dont il serait l’auteur dénonce notamment « une invasion hispanique du Texas ». Il a conduit 9 heures depuis Dallas pour commettre ses crimes. L’homme a été inculpé pour meurtres, a annoncé la police. Les autorités déclaré qu’elles allaient requérir la peine de mort à son encontre.
Le soir même, un autre jeune homme blanc, âgé de 24 ans, a abattu neuf personnes, dont sa propre soeur, et blessé vingt autres, dans un quartier festif à Dayton, dans l’Ohio, au nord-est. Moins d’une minute après avoir ouvert le feu, il a été abattu par des policiers qui se sont précipités sur place alors qu’ils étaient en patrouille. Le motif de la tuerie n’est pas encore connu, mais il ne s’agit pas d’un acte de violence commis au hasard : le tueur, Connor Bett, était équipé d’un gilet pare-balles et d’un chargeur de 100 cartouches qui lui permettait de tirer pendant une longue durée sans avoir à recharger son arme. Il portait par ailleurs un masque.
Donald Trump a présenté ses condoléances aux familles des victimes face à des « actes odieux et lâches ».
Pensez au mal qu’il a causé en si peu de temps. En moins d’une minute, les forces de l’ordre sont intervenues et l’ont tué. Sinon ç’aurait été inimaginable. C’est… ça aurait été… c’est horrible mais cela aurait pu être bien pire, ça aurait pu être bien pire… Je veux juste dire que ce sont deux endroits incroyables. Nous aimons les gens et la haine n’a pas sa place dans notre pays. Nous devons y mettre un terme. Cela fait des années que ça dure dans notre pays, des années et des années, et il faut que ça s’arrête. Nous avons déjà fait beaucoup, et peut-être faut-il faire davantage. Mais il s’agit aussi d’un problème d’ordre mental. Si vous regardez les deux affaires, il s’agit de maladie mentale. Nous avons à faire à des personnes très sérieusement atteintes mentalement
Donald Trump réagit après les fusillades meutrières
05/08/2019 Écouter
Nationalisme et « terrorisme blanc » : Trump sous le feu des critiques
Mais ces deux dernières tueries, commises par deux jeunes Blancs au style paramiltaire, alimentent les craintes de ceux pour qui le « terrorisme blanc » est désormais la principale menace pesant sur le pays. « Les vies perdues à Charleston, San Diego, Pittsburgh et, vraisemblablement désormais aussi à El Paso, sont les conséquences d’un terrorisme nationaliste blanc », a estimé Pete Buttigieg, candidat à la primaire démocrate, en référence à des attaques menées dans une église noire, deux synagogues et à celle de samedi dans un centre commercial du Texas.
Après ces bains de sang, plusieurs candidats aux primaires démocrates ont accusé le président Donald Trump d’alimenter la montée de l’intolérance avec ses fréquentes déclarations au vitriol. « M. le président, arrêtez votre rhétorique raciste, haineuse et anti-immigrés », a tweeté Bernie Sanders, l’un des favoris de la primaire démocrate. « Votre langage crée un climat qui encourage les extrémistes violents », a-t-il ajouté. Pour Beto O’Rourke, élu d’El Paso, Donald Trump « encourage non seulement la rhétorique raciste mais aussi la violence qui suit » comme celle qu’a subie sa ville.
La fille du président, Ivanka Trump, a quant à elle tenté d’apaiser la situation. « La suprématie blanche, comme toute autre forme de terrorisme, est un fléau qui doit être détruit », a-t-elle tweeté.
Les armes en questions à chaque drame
Au total, 251 fusillades qui ont fait près de 272 morts et un millier de blessés depuis le début de l’année. Des chiffres qui donnent le vertige. L’ONG Gun Violence Archives recense ce qu’on appelle les « tueries de masse » aux États-Unis, lorsqu’un individu en général isolé tire dans la foule pour faire le plus de victimes possibles.
Que ce soit dans une école, un supermarché, un lieu de culte ou un concert… Tous les États du pays sont concernés. Les motifs des tireurs, parfois très jeunes, peuvent être idéologiques, à caractère raciste ou simplement lié à une vengeance.
Les États-Unis sont régulièrement endeuillés par ces fusillades. C’est l’un des pays au monde où il y a le plus d’armes à feu rapportées au nombre d’habitants. La vente d’armes y est libre.
À chaque drame, le débat revient sur une meilleure régulation voire une interdiction, mais le lobby des armes est très puissant. Et culturellement, une partie du pays reste très attachée aux libertés individuelles, incluant celle de posséder une arme et de se défendre soi-même, quitte à sacrifier des victimes innocentes.
→ Lire aussi : Armes à feu: comment la NRA fait sa loi aux Etats-Unis
L’émotion ne parvient pas à se traduire en texte législatif pour des raisons qui sont à la fois culturelles et institutionnelles…
Didier Combeau, politologue spécialiste des États-Unis, chercheur associé à l’Institut des Amériques.
04/08/2019 – par Nicolas Sanders Écouter
→ À (re)lire : Tueries de masse: il y a 20 ans, le tournant Columbine
■ Témoignage à El Paso
La peine de mort contre le tireur d’El Paso. Les autorités du Texas vont requérir la peine de mort contre le tireur d’El Paso. L’homme a abattu, samedi, vingt personnes dans un centre commercial de cette ville du sud des États-Unis. Carlos Gutierrez, un photographe, nous raconte l’atmosphère qui règne à El Paso.
« Beaucoup de personnes ont annulé ce qu’elles avaient prévu. Des concerts qui devaient se tenir aujourd’hui ont été annulés, un match de baseball a été annulé. Beaucoup d’endroits n’ouvriront pas dimanche, car ce sera considéré comme un jour de deuil. Je crois que les gens vont au centre commercial et dans les églises. La nuit dernière, il y a eu des veillées dans des écoles et d’autres lieux publics. À Ciudad Juárez, qui est juste à côté, des gens se sont aussi réunis avec des bougies pour être solidaires de la communauté d’El Paso.
Mais au-delà de la tristesse, maintenant, on ne se sent plus autant en sécurité. Beaucoup de gens préfèrent rester chez eux. Quand on ira dans un lieu public, désormais, cela ne sera plus pareil… On ne sait pas si cela va arriver à nouveau. Comme on ne pensait pas que cela arrive un jour ici à El Paso, maintenant, ce sera différent. »
Il y a des États où la question des armes à feu est une question perdante. La NRA et les autres groupes du même genre savent mobiliser le petit pourcentage d’électeurs pour qui les armes à feu sont extrêmement centrales…
Didier Combeau, politologue spécialiste des États-Unis, chercheur associé à l’Institut des Amériques
04/08/2019 – par Nicolas Sanders Écouter
L’affaire est désormais traitée comme un acte de terrorisme intérieur. La motivation du suspect : le racisme. Il a lui-même présenté son acte comme une réponse à « l’invasion hispanique au Texas ». Sur Twitter, le président Donald Trump a dénoncé un « acte de lâcheté ». Pourtant, aux yeux de Carlos Gutierrez, Américain d’origine mexicaine, Donald Trump a une responsabilité dans ce qu’il s’est passé.
« Le racisme a toujours existé, ici, aux États-Unis. Mais il était très caché. Maintenant avec Trump et tout ce qu’il dit, beaucoup de gens se montrent au grand jour. Et l’on sent qu’il y a plus de racisme depuis le début du mandat du président Trump. Avant les gens ne le disaient pas, mais maintenant, il y a beaucoup de vidéos de personnes qui se mettent en colère parce que quelqu’un parle espagnol et pas anglais. Je crois que cela a toujours existé, mais Trump leur offre un appui en quelque sorte, ils se sentent soutenus. Trump d’une certaine manière met de l’huile sur le feu. Donc oui, je crois que ce qu’il s’est passé a un rapport. Le tireur n’est pas d’El Paso; il est venu de Dallas pour tuer à El Paso, parce qu’ici il y a beaucoup plus de latinos. Il est venu pour ça. »
rfi