Les Israéliens renouvellent leur Parlement

Les bureaux de vote ont ouvert mardi 9 avril en Israël pour des élections législatives qui décideront si le Premier ministre sortant Benjamin Netanyahu enchaîne un cinquième mandat ou Benny Gantz impose l’alternance.

■ Les élections, enjeux et mode d’emploi

Plus de 6,3 millions d’Israéliens choisissent ce mardi les 120 députés de la prochaine Knesset, le Parlement monocaméral de l’État. Un scrutin qui met un terme à une campagne électorale particulièrement dure avec des attaques personnelles sans précédent notamment sur les réseaux sociaux, rappelle notre correspondant à Jérusalem,  Michel Paul.

Le système électoral à la proportionnelle de listes est décrié. Alors même si le seuil électoral a été amené à 3,25%, le choix entre 47 listes favorise les petits partis. Et le résultat c’est que jamais depuis la création d’Israël aucune formation parlementaire n’a jamais obtenu la majorité absolue au Parlement. C’est ainsi que de petits partis font office de fléau de la balance ou faiseur de roi. Il fort possible que ce soit à nouveau le cas ce soir à 22h heure israélienne à la fermeture des urnes.

Pour le quotidien Haaretz (gauche),c’est en fait un véritable référendum qui se déroule. Avec humour, un commentateur parle ce matin du nouveau dilemme shakespearien : « to Bibi or not to Bibi », le chef du gouvernement sortant qui tente de se maintenir au pouvoir pour un cinquième mandat, ce qui serait un record.

Le principal adversaire de Benyamin Netanyahu est l’ancien chef d’état-major Benny Gantz à la tête du nouveau parti Bleu Blanc. Le quotidien Yediot Aharonot (droite) sort son édition électorale avec une Une réversible. Netanyahu d’un côté et Gantz de l’autre. Rappelons que les derniers sondages qui remontent à vendredi dernier donnent le parti Bleu-Blanc en tête mais le bloc de droite vainqueur et donc la formation du gouvernement serait assurée pour Netanyahu.

■ Dernières prises de paroles : Gantz et Netanyahu veulent mobiliser

« Nous sommes à un pas de la victoire », a lancé lundi Benny Gantz dans sa dernière intervention de campagne. La formation Bleu-Blanc de l’ex-militaire devance le Likoud selon les sondages, mais depuis le début de la campagne, elle n’a jamais semblé être en mesure de former une coalition de gouvernement. Benny Gantz veut donc éviter que par découragement, ses électeurs boudent les urnes ce mardi. Le candidat centriste lance donc un message aux travaillistes : « la seule façon de remplacer Netanyahu est que Bleu-Blanc devienne le plus grand parti. » Un appel au vote utile.

De l’autre côté, Benyamin Netanyahu répète que ces élections sont serrées. Il assurait même hier soir être en train de les perdre. Faire peur à ses électeurs pour éviter une abstention nourrie par un sentiment de victoire déjà acquise. Et le chef du gouvernement ne veut pas se contenter d’avoir une majorité de droite. Pour s’assurer d’être désigné Premier ministre par le président Reuven Rivlin, il veut que le Likoud arrive en tête. Il tente de rallier derrière lui le plus d’électeurs du bloc de droite. Mais l’exercice relève de l’équilibrisme : à aller chercher les électeurs de ses partenaires de coalition, il prend le risque de voir certains partis échouer à franchir le seuil électoral… et perdre ainsi des alliés dans la formation d’un gouvernement.

Le bureau de vote du quartier de Neve Tzedek, à Tel Aviv, le 9 avril 2019.Murielle PARADON / RFI

Qu’en pensent les électeurs ?

Ils mènent campagne jusqu’au bout, indiquent notre envoyée spéciale à Jérusalem, Murielle Paradon. Hauts-parleurs, pancartes à l’effigie de  leur champion, les militants du Likoud, le parti de Benyamin Netanyahu donnent de la voix. Et dans les allées étroites du marché de Mahane Yehuda, à Jérusalem, Bibi, comme tout le monde le surnomme, a beaucoup de partisans. « Je suis pour Bibi Netanyahu, dit Melissa, la soixantaine, parce que c’est le meilleur candidat pour le pays. Il apporte la sécurité au pays, et j’ai peur d’imaginer ce qu’il pourrait nous arriver si un autre que lui arrivait au pouvoir. »

Pour ses partisans, Benyamin Netanyahu c’est Monsieur sécurité. Il protège Israël contre ses ennemis mais il a aussi des amis qui comptent dans le monde. « Nous voyons bien aujourd’hui que Netanyahou est un bon ami de Donald Trump, de Vladimir Poutine. Il a amené en Israël le Premier ministre indien, le vice-président chinois, il est allé en Chine, nous avions récemment le président du Brésil. Netanyahou a des connexions partout dans le monde, c’est le meilleur pour Israël », estime Ariel Morali, président des jeunes du Likoud.

Dans les allées bondées du marché, Acher, vend des épices. Il salue le cortège de militants du Likoud. Lui est content du bilan économique du Premier ministre
« Je travaille au marché de Mahane Yehuda et je vois les gens qui achètent, ils ont de l’argent. L’économie est très bonne, et elle s’améliore d’année en année. »

Quelques mètres plus loin, Merama, 25 ans, ne semble pas du tout d’accord. Cette serveuse dans un restaurant de hummus, a du mal à joindre les deux bouts. Elle ne votera pas Netanyahu. « Toutes ces années où il a dirigé le pays, ça n’a pas été si bien pour Israël. Les gens normaux travaillent dur, toute la journée, tout est cher, moi si je veux un appartement pour moi, si je n’ai pas mes parents derrière, je ne peux pas et mes parents ne peuvent pas m’aider. Toutes ces années, il ne m’a pas aidé moi ou mes amis, donc je ne veux plus de lui. »

Hadi, 22 ans acquiesce. Pour cette jeune femme qui sort du service militaire et qui vend du pain au marché, Netanyahu a privilégié certaines catégories de la population au détriment des autres : « Je pense qu’il a fait des choses pour une minorité, il a fait beaucoup. Mais pas pour des gens comme les homosexuels par exemple, ils ne se sentent pas vraiment bien traités en Israël, tout comme la minorité éthiopienne. Beaucoup de gens en Israël ont le même sentiment, donc on ne peut pas dire que Netanyahu a fait tant de choses que ça. »

Pour Mira, bibliothécaire, qui fait ses courses au marché c’est toute la politique de Netanyahu qui ne va pas, de l’économie à l’impasse avec les Palestiniens. Et pour couronner le tout, il y a ces affaires de corruption qui planent sur le Premier ministre. « Il est corrompu et nous en payons le prix. Quand vous êtes si longtemps au pouvoir, vous êtes forcément corrompu. Il y en a marre, ça suffit ! J’espère que ça va changer, je n’y crois pas trop, mais j’espère ! »

Benyamin Netanyahu est soupçonné de corruption, fraude et abus de confiance dans trois affaires et il pourrait être bientôt inculpé. Quel poids auront ces affaires dans le résultat des élections ? C’est une des  grandes inconnues du scrutin.

 

Rfi