Liban: Beyrouth gronde toujours après les annonces du Premier ministre

Au Liban, le gouvernement présente ses mesures pour calmer la colère de la rue. Pas de nouveaux impôts en 2020, les salaires des ex-ministres et députés réduits de moitié, de nouvelles taxes sur les banques… Pas suffisant pour les manifestants. Pour le cinquième jour de suite, ils étaient des dizaines de milliers dans les rues de Beyrouth et du pays contre une classe politique jugée corrompue.

Avec notre correspondant à Beyrouth, Nicolas Feldmann

Du haut des marches de l’imposante mosquée Al-Amine, Nour domine la foule. Une marée de drapeaux rouge et blanc frappés du cèdre vert s’agite devant elle. L’étudiante de 26 ans manifeste pour le cinquième jour de suite. « On a besoin d’électricité 24 heures sur 24, on a besoin d’une eau propre, on a besoin d’un système de santé pour les personnes âgées. On demande une vie meilleure ici. C’est tout ce qu’on veut. »

Ce que réclame aussi le peuple, c’est « la chute du régime ». Patrick étudie les sciences politiques. « La barrière de peur a été brisée pour la première fois. On se plaint tous de la situation, je parle en tant que jeune, né après la guerre civile [1975-1990]. On a hérité d’un système qu’aujourd’hui, on peut plus supporter. Pas de confiance, on reste là, on veut un gouvernement transitionnel avec des prérogatives spéciales. »

Dans l’après-midi, les annonces du Premier ministre résonnent dans les hauts-parleurs. « Révolution ! » répondent les manifestants.

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Sur un trottoir, Mahdi et Ali reprennent les slogans, suspendus entre deux arbres dans un hamac. « On va rester jusqu’à ce qu’ils règlent les problèmes. Ils ne peuvent pas venir juste avec un papier avec des soit-disantes solutions et dire « c’est bon, tout va bien ». Non, ça ils le font depuis 30 ans. La situation est de pire en pire. Ils ne peuvent se moquer de nous comme ça. »

Les banques resteront fermées aujourd’hui pour le quatrième jour de suite et le pays devrait tourner au ralenti.

Les Libanais sont habitués aux promesses. Les dirigeants n’ont rien fait pour améliorer la situation au Liban. On ne sait pas si le mouvement pourra apporter du changement, mais mieux vaut essayer plutôt que de rester chez soi et de se résigner à la réalité.

[Reportage] Cinq jours après son début, le mouvement n’a toujours pas de leadership, et veut éviter toute exploitation politique
22/10/2019 – par Laure StephanÉcouter
Côté gouvernemental, Saad Hariri s’est dit ouvert à la tenue d’élections anticipées si c’est la volonté du peuple. À quoi faudrait-il s’attendre si de nouvelles élections législatives devaient se tenir au Liban ? Éléments de réponse avec Agnès Levallois, de l’Institut de recherches et d’études Méditerranée-Moyen-Orient.

Il y a quelques mouvements de la société civile qui s’étaient présentés lors des élections législatives de l’année dernière qui n’avaient pas eu de bons résultats puisqu’un seul député de cette société civile avait pu émerger. On peut imaginer qu’après un mouvement tel qu’il se déroule depuis cinq jours au Liban que certains mouvements pourraient avoir le temps de se renforcer, de proposer un programme permettant une nouvelle offre politique qui sorte du système confessionnel qui est le système qui dirige la vie politique libanaise et qui pourrait peut-être permettre l’émergence de nouvelles voix permettant de satisfaire cette demande de renouveau politique. Ce système nécessite en permanence un jeu d’équilibre entre toutes les forces politiques et empêche toute avancée, toute décision.

rfi