L’industrie du sport américain et ses milliards frappés de plein fouet par le coronavirus

Championnats majeurs suspendus, matches sans spectateurs, le sport américain prend, à son tour, des mesures radicales pour ralentir le coronavirus, une onde de choc pour une industrie qui génère des dizaines de milliards de dollars par an.

NBA, NHL, MLB, MLS… Les unes après les autres, les grandes ligues du sport américain suspendent ou reportent leur saison et s’alignent sur les mesures prises dans des pays a priori beaucoup plus sévèrement touchés, comme l’Italie.

« Une onde de choc », voilà ce qu’a créé, pour Patrick Rishe, professeur à l’université de Washington à Saint-Louis, l’annonce du cas positif du basketteur français Rudy Gobert, premier sportif professionnel en Amérique du Nord atteint par le Covid-19, et le report, sine die, de toutes les rencontres que cela à entraîné.

Pour l’instant, les matches ne sont que reportés, et pas annulés. Patrick Rishe souligne que NBA et NHL « pourraient facilement », si besoin, « prolonger leur saison durant l’été, car ils jouent en intérieur ».

Le baseball, qui se joue lui en extérieur et dont le calendrier s’étire déjà jusqu’en octobre, « pourrait être plus susceptible d’annuler des matches », selon lui. La saison a d’ores et déjà été repoussée de deux semaines, au moins.

En cas de tel scénario, les conséquences seraient toutes autres.

« Pour cette année, c’est assez dévastateur », analyse Andrew Zimbalist, professeur d’économie du sport au Smith College (Massachusetts), car « toutes les ligues dépendent, au minimum, à 40% des recettes aux guichets ».

Pour le championnat de hockey sur glace, le poids est même supérieur car il tire de la diffusion télévisée des revenus sensiblement inférieurs à ceux des autres sports majeurs.

Mais globalement, les quatre ligues majeures, basket (NBA), football américain (NFL), baseball (MLB) et hockey (NHL) « sont dans une situation financière solide, donc elles peuvent sans doute absorber cette perte de revenus », estime Andrew Zimbalist.

En cas d’annulation du reste de la saison régulière, la NBA pourrait perdre 500 millions de dollars, estime John Vrooman, professeur à l’université de Vanderbilt, et le double dans l’hypothèse où les play-offs (la phase finale du championnat) ne se joueraient pas.

« Donc tôt ou tard, tous les matches dans toutes les ligues devront reprendre » pour ne pas mettre en péril leur équilibre financier, dit-il.

– Des joueurs pas payés ? –

Les diffuseurs télévisés versent, chaque année, des milliards de dollars à ces quatre ligues, mais pour Andrew Zimbalist, il est peu probable que les chaînes demandent une compensation financière en cas d’annulations.

En général, dit-il, ligue et diffuseurs s’entendent pour prolonger, à titre gracieux, le contrat au-delà de la date limite initialement prévue, en guise de compensation.

Le poids financier d’une saison tronquée pourrait être atténué par les assureurs, même si beaucoup semblent reposer sur les clauses dites de force majeure.

Ces dernières établissent une liste d’événements imprévus susceptibles de permettre une indemnisation, souvent des catastrophes naturelles, parfois une grève, et occasionnellement une pandémie « mais ce n’est pas habituel », selon Andrew Zimbalist
Dans sa convention collective, la NBA avait elle, bien inclus l’épidémie parmi les cas de force majeure, ce qui permettrait aux équipes de ne pas payer leurs joueurs pour les matches éventuellement supprimés.

La NFL, dont la saison n’est censée débuter qu’en septembre, est moins claire, tandis que NHL et MLB ne le mentionnent pas dans leur document de base.

Pour des championnats de moindre stature, notamment celui de football (MLS), l’effet d’annulations pourrait être plus marqué.

Dans le cas de jeunes ligues, comme la toute nouvelle XFL, petit poucet du football américain face à la NFL, les conséquences peuvent être dramatiques. « Je ne les vois pas survivre à une situation comme celle-là », estime Andrew Zimbalist.

L’organisation NCAA, qui gère une bonne partie du sport universitaire aux Etats-Unis, va aussi souffrir après l’annulation de son tournoi de basket annuel, deuxième événement sportif aux Etats-Unis après le Super Bowl.

Mais il s’agit d’un organisme de sport amateur, dont les athlètes ne sont pas rémunérés.

Pour Patrick Rishe, une vague d’annulations de matches de NBA, NHL ou MLB ne toucherait pas tant les athlètes professionnels ou les propriétaires de clubs que les petites mains du sport.

« Les gens qui travaillent dans les salles ou les stades au débit de boisson ou comme hôtesses, ce sont eux qui vont le plus souffrir », prévient-il. « Ils ne gagnent déjà pas beaucoup, et ils ne sont payés que si l’événement a lieu. »