Nul ne pourra contredire que la tension sociale et politique est en train de prendre de l’ampleur au Sénégal. Si le président Sall, à la suite de sa réélection a tendu la main à l’opposition pour un « dialogue », les membres de cette opposition ont fini par ne plus vouloir dialoguer à cause des scandales qui ont surgi de nulle part pour certains. De nos jours, la situation est critique depuis la réélection du chef de l’Etat. Certains opposants n’ont pas reconnu les résultats des élections, car la Constitution fut bafouée plusieurs fois pour la réélection du président Sall, disent-ils.
Certes, le Sénégal est habitué à de telles tensions avec la manière dont le président Wade gouvernait, mais auparavant, le Sénégal était un pays de démocratie où les querelles ont certes toujours existé, mais étaient toujours réglés en privé. Cela a permis au Sénégal de connaître sa première alternance pacifique saluée dans le monde entier. Le problème est que, depuis la réélection du président Sall, de mois en mois la situation se dégrade. Le scandale sur le pétrole et le gaz avait provoqué une vive réaction des populations, de l’opposition et de la société civile. On ne peut pas oublier le scandale du fer, les inondations, l’affaire Jeanne D’arc, les accidents, la polémique des confréries et l’ajustement structurel déguisé entre autres. Nous pouvons aussi évoquer les pressions judiciaires sur l’opposition et les emprisonnements de journalistes et d’activistes.
Dans le but de se conformer aux demandes du FMI, plusieurs décrets ont été signés pour dissoudre des agences et réduire le train de vie de l’Etat qui était exorbitant et l’est toujours d’ailleurs. Avait-on besoin de sept ans pour savoir que les dépenses de l’Etat n’étaient pas en ligne pour un pays pauvre très endetté. Comme si cela ne suffisait pas, la Constitution était modifiée plusieurs fois durant la reconquête du pouvoir même si certains juristes ont qualifié ces modifications d’illégales, mais l’entourage présidentiel monte toujours au créneau pour démentir sans preuve ces juristes de formation.
Le Sénégal, s’enfonce-t-il dans un trou noir ? Plusieurs marches autorisées ou non autorisées continuent de voir le jour et le FMI évoque dans plusieurs rapports privés, les risque de défaut de paiement du service de la dette. Rappelons que nous sommes le premier pays d’Afrique subsaharienne à mettre en œuvre une politique d’ajustement structurel en 1984 avant de recevoir le « satisfecit » des institutions de Bretton Woods. En 2014, le président Sall a initié le PSE et cela a créé une forte croissance principalement due aux investissements en infrastructures. Cependant, en dépit de ces performances, les équilibres sont encore fragiles, car le secteur privé n’a pas pris le risque d’accompagner ces investissements de prestige qui ont été trop précipité. Le gouvernement devient esclave d’un certain électorat qui ne se soucie que de bilan tangible à court terme et non d’un développement durable.
D’autres défis sont venus s’ajouter à ce déséquilibre budgétaire dont l’incapacité de formaliser le secteur informel, la montée de la pauvreté et les tensions sociales. Bien que le gouvernement ait fait un peu dans tous les secteurs, mais pas assez dans les secteurs-clés à cause des dépenses somptuaires, il faut noter que l’accès aux services de base est toujours difficile pour les populations, surtout celles qui vivent dans le milieu rural. La pauvreté n’a pas reculé malgré des enquêtes peu fiables publiées par le gouvernement qui semblent dire le contraire. Cependant, des enquêtes fiables menées sur les ménages notent que les Sénégalais vivent dans la pauvreté et n’ont toujours pas accès à l’eau potable, l’électricité et un assainissement convenable.
Pourquoi sommes-nous toujours pauvres alors que notre contient est riche en ressources naturelles ? Quel paradoxe ! Nous comptons sur l’aide au développement pour pouvoir boucler les fins d’années. Cette aide est devenue un objet de vive polémique, dans un pays certes riche, mais très endetté comme la France, où certains pensent que c’est trop facile de donner des milliards à des fainéants et d’autres pensent que l’aide n’a pas d’utilité, car nous avons un problème de gouvernants. Tous nos gouvernants savent comment développer nos pays, mais aucun d’entre eux n’en a la volonté, car il s’agira d’emprunter une voie impopulaire, une voie qui fera d’eux des présidents à un mandat. Ils préfèrent dans ce cas faire trop de politique comme leurs prédécesseurs pour se faire réélire, s’enrichir et enrichir leurs proches.
Le Sénégalais est excellent dans le jeu de communication et à titre d’exemple, quand la France a voulu changer ses relations militaires avec les anciennes colonies, le président Wade avait joué avec les mots pour faire croire aux Sénégalais qu’il a rétabli la souveraineté militaire du Sénégal. En 2019, pendant que le Sénégal traverse un ajustement structurel, le président Sall parle de rationalisation des dépenses publiques. Tant que nous n’acceptons pas que nous sommes malades, nous n’allons jamais nous soigner. Le gouvernement aurait par exemple pu s’occuper du problème du secteur informel depuis des années, mais il n’a pas cette envie, car ce secteur informel joue un rôle d’amortisseur social et il ne faut toucher qu’à quelques activités du secteur pour tenter de prouver que le gouvernement essaie de faire quelque chose dans le sens de la formalisation de ce secteur. La vérité est qu’en Afrique tout est informel, car même des entreprises dûment enregistrées ont recours à des sous-traitants non fiscalisés.
Avec un salaire moyen estimé par l’ANSD à 96 206 F CFA dont 107 074 FCFA pour les hommes contre 68 078 F CFA pour les femmes et le taux de chômage des personnes âgées de 15 ans ou plus est estimé à 15,7 %, quel genre de politique de développement nos gouvernants ont-ils mis en place ? Il faut aussi noter que la diaspora sénégalaise qui représente moins de 5 % de la population, contribue à hauteur de 1 110 milliards FCFA, soit presque 15 % du PIB. Cette diaspora contribue essentiellement à la consommation des ménages et elle reste encore faible dans l’investissement économique. Une contribution qui permet à l’Etat d’éviter des tensions sociales.
Maintenant, soyons honnêtes entre nous et demandons à tous nos gouvernants qu’est-ce qu’ils ont fait pour le développement du Sénégal ? Nul ne parle de dépenses normales ou de dépenses de prestige, mais plutôt d’un modèle économique adéquat à nos réalités. Pensez-vous honnêtement que nos gouvernants se soucient de la population ? Est-ce qu’ils aiment le Sénégal et les Sénégalais ? Et finalement, où va le Sénégal, notre cher Sénégal où la transhumance, qui jadis était une pratique honteuse, est devenue normale, et même encouragée ?