La Cour constitutionnelle a annulé, ce lundi 3 février, les résultats de l’élection présidentielle de mai 2019 au motif que le scrutin n’a été ni libre ni transparent.
Le président Peter Mutharika avait été réélu, pour un second mandat, avec un peu plus de 38 % des suffrages. L’opposition avait aussitôt saisi la justice et maintenu la pression en descendant dans la rue suite à des accusations de fraudes.
La lecture du verdict – 500 pages – aura duré plus de 9 heures. La Cour constitutionnelle a finalement conclu qu’au vu des nombreuses et importantes irrégularités constatées, le résultat de cette élection est sérieusement compromis. Ainsi, le président sortant Peter Mutharika n’a pas été « dûment élu », a décidé la Cour. La Cour a donc annulé le résultat de l’élection de mai 2019 et ordonné la tenue d’un nouveau scrutin.
Un nouveau scrutin va devoir être organisé dans les 150 jours, sauf si le parti du président Mutharika fait appel. Il en a la possibilité.
« La Cour constitutionnelle siégeant à Lilongwe, le lundi 3 février 2020, a annulé l’élection présidentielle du 21 mai 2019 et ordonné la tenue de nouvelles élections dans 150 jours.La Cour a également déclaré le statu quo qui existait avant les élections concernant la présidence », peut-on lire sur le compte Twitter du gouvernement du Malawi.
Lilongwe, la capitale, était calme ce lundi avec de nombreux commerces restés fermés dans l’attente du verdict et craignant des violences.
La question au centre d ela décision: la définition du mot « majorité »
Selon le plus haut tribunal du Malawi, de multiples erreurs ont été commises. Mais la plus grave, sur le fond, concerne la définition du mot « majorité ». Pour la Cour, il s’agit forcément d’une majorité absolue et non pas d’une majorité relative. En clair : Peter Mutharika n’a jamais obtenu la majorité des voix.
Depuis 1994, la Constitution du Malawi stipule en effet que le président est élu par une « majorité » des voix. Jusqu’à maintenant, les tribunaux malawites ont considéré qu’il s’agissait d’une majorité simple. Ce lundi 3 février, la Cour constitutionnelle leur a donné tort.
Selon les juges, le mot « majority », du moins en anglais, renvoie forcément à une majorité absolue. En anglais, un tout autre mot, « plurality » désigne une majorité relative. La décision de la Cour revient donc à dire que le président élu Peter Mutharika n’a pas été dûment élu, ni lui, ni la plupart de ses prédécesseurs qui n’ont pas obtenu, depuis 1994, une majorité absolue des voix.
L’opposition se félicite de la décision de la Cour constitutionnelle
Le Malawi Congress Party – principal parti d’opposition – qui était arrivé deuxième lors de ce scrutin, avec 159 000 voix d’écart, avait aussitôt saisi la Cour constitutionnelle, dénonçant le nombre anormalement élevé de procès-verbaux raturés. Lundi soir, l’opposition a eu gain de cause et s’est félicitée du « jugement équitable » de la Cour.
Une décision historique
Les observateurs parlent d’une décision historique. C’est le cas du politologue Boni Dulani, un professeur de l’université du Malawi. À ses yeux, la décision de la Cour constitutionnelle est un grave revers pour les organisateurs du scrutin.
Les juges affirment qu’ils ne se laissent pas influencer par l’opinion publique, mais tout le monde sait bien qu’ils ne vivent pas en marge de la société, non plus. Laissez-moi replacer les choses dans leur contexte: des manifestations ont lieu depuis le mois de mai, depuis l’annonce des résultats de la présidentielle, pour dénoncer l’organisation du scrutin. Et toute cette histoire, c’est une gifle terrible pour la Commission électorale. La rue veut la tête du président de la Commission. Et la Cour constitutionnelle vient de lui donner raison. Les juges ont expliqué que la Commission s’était fourvoyée royalement. C’est un véritable camouflet pour ses membres. A mon avis, ils doivent démissionner sans plus tarder.