En pleines négociations avec la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’ouest (CEDEAO), le Comité national pour le salut du peuple (CNSP) avait lancé une invitation aux partis politiques, qu’ils soient non alignés ou fasse partie de l’ancienne majorité au pouvoir, du centre, de l’opposition, aux organisations de la société civile, aux mouvements de l’Accord pour la paix et ma réconciliation issu du processus d’Alger, pour engager avec ces acteurs, des «échanges sur l’organisation de la transition». Ce courrier, marqué du sceau «très urgent», sera suivi, le lendemain, d’un autre communiqué officiel, signé par le président du Comité national pour le salut du peuple (CNSP), le colonel Assimi Goïta, himself, et dans lequel le nouvel homme fort du Mali avait «l’honneur d’informer les acteurs conviés à la rencontre de ce samedi 29 août 2020 du report de ladite rencontre à une date ultérieure.»
Pourtant, la réunion était prévue pour 11h, ce samedi, et certains acteurs ont sans doute dû en apprendre le report, pendant qu’ils étaient en route ou sur place au Centre international de conférence de Bamako, où elle devait se tenir. Finalement, c’est un tête-à-tête de «vérité», entre la junte militaire et le Mouvement du 5 juin-Rassemblement des forces patriotiques, qui a eu lieu, à Kati, l’antre des militaires.
Ceci expliquant donc cela, le M5-RFP, qui a mené, pendant trois mois, la contestation populaire qui a abouti au départ de Ibrahim Boubacar Keïta par l’intervention décisive du CNSP, n’entend pas se faire voler la victoire par les hommes de Kati. Même s’ils apprécient à leur juste valeur, ceux que le peuple a salués comme des «héros», le 18 août 2020. Comme un fruit mûr, le régime IBK venait de tomber, et l’euphorie était totale. Mais désormais, la junte est confrontée à la gestion de ce pouvoir dont IBK ne voulant plus, a démissionné, après sa «sécurisation», pour rester dans l’esprit du CNSP, qui ne veut pas entendre parler de «coup d’Etat». Cependant, dans cette guerre des sémantiques, la réalité impose une transition politique au Mali, période que les militaires proposent de gérer pour trois ans et presqu’en solo.
Se sentant mis à l’écart de cette victoire qu’il considère avant tout comme le fruit de son combat, le M5-RFP, rappelle aux militaires le rôle déterminant qu’il a joué dans la chute de IBK. De son tapis de prière auquel il est retourné après le 18 août, l’imam Mahmoud Dicko a, d’ailleurs, averti les «jeunes» du CNSP, que désormais, «personne ne (leur) donnera un chèque en blanc». Le message est sans ambiguïté et n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd. La junte a visiblement remis le M5 dans le jeu. Le mouvement demande même que la transition soit conduite par un civil-issu du M5?- contrairement au vœu de la junte qui verrait bien un militaire aux commandes du pouvoir transitoire.
En revanche, le M5 est pour la nomination d’un Premier ministre militaire. Et, toujours comme pour diviser la poire en deux, entre la CEDEAO et la junte, il propose, entre un an et demi et 2 ans pour la durée de la transition, alors que le CNSP veut la tirer sur 3 ans, ce à quoi s’oppose catégoriquement la CEDEAO et la France qui exigent entre 7 mois et un an. En tout cas, les uns et les autres s’écharperont sans doute sur cette fameuse transition, de laquelle dépendra la suite du processus de retour du Mali, sur les rails de la démocratie, par des élections ouvertes.
La junte militaire, comme nous l’avions écrit dans un éditorial précédent, choisira-t-elle l’option de balayer la maison et de partir, ou celle de rester un peu plus longtemps, après la journée de salubrité du 18 août dernier? En tout cas, le règne du kaki est bien désuet et les militaires de Kati, dont l’arbitrage a fait ses effets, doivent intégrer cette donne et retourner le plus tôt dans les casernes, avec, cependant, toutes les garanties nécessaires de ne pas être poursuivis pour leur acte salvateur pour le Mali qui pataugeait dans la mouise et la mal gouvernance doublée d’une insécurité devenue comme endémique.