Ce mardi 15 septembre, la junte militaire a participé à son premier sommet de la Cédéao à Accra, un mini-sommet extraordinaire sur la crise malienne. Le numéro un de la junte, le Colonel Amissi Goïta avait rendez-vous avec les présidents de l’organisation, au dernier jour de l’ultimatum qu’ils lui avaient fixé. Il devait les convaincre de lever les sanctions économiques qui pèsent sur le Mali depuis le coup d’État du 18 août. Et demander à l’organisation régionale d’accompagner la transition politique malienne. Un plan qui prévoit entre autre une transition de 18 mois soit six mois de plus que ce que recommande la Cédéao. Mais l’organisation régionale maintient pour le moment le cap, et les sanctions, et exige toujours une direction civile à la transition.
Quand son véhicule s’immobilise devant le perron de Peduassi Lodge, lieu du sommet, on constate qu’il n’y a pas de drapeau malien vissé sur le capot de sa voiture. Le chef des putschistes porte un treillis, l’uniforme des forces spéciales maliennes qu’il a dirigées. Sur les marches qui le mènent au président ghanéen, il se montre quelque peu hésitant. L’hôte du sommet lui lance : « Bienvenu, est-ce que tout se passe bien ? » Les photographes le mitraillent. Tous les visages derrière lui sont juvéniles. Les commentaires entendus en parlent.
Le programme lui avait réservé 40 minutes pour présenter la charte de la transition. Le Colonel Goïta a préféré un discours très formel à un exposé, rapporte une confidence. Il y avait des morceaux sur la justification du coup d’État et le soutien du peuple malien à la junte. Pas de réponse précise à l’ultimatum de la Cédéao. Et quand le mini-sommet lui redemande des civils à la tête de la transition avant la levée des sanctions, il ne cède pas dans la salle. Il demande le temps de la consultation.
Position fragilisée par la charte de transition
En se rendant à Accra, le document que la délégation de la junte avait en poche a fragilisé en fait sa position. Ce texte est la charte de la transition issue des concertations nationales. Présenté comme le résultat de « discussions populaires », il propose à la tête de la transition, notamment un président civil ou militaire, un vice-président qui a visiblement plus de pouvoir que le président, et un premier ministre. Mais plus important, c’est la junte qui va former le comité devant désigner le président.
La Cédéao a refusé de valider ce document, en exigeant un président et un Premier ministre civils. Ici, si par exemple l’URD, important parti politique du M5, le mouvement de contestation qui a contribué à la chute du Président IBK, prend acte de la charte de la transition, les autres membres du M5 rejettent le document qui ne correspond pas, disent-ils, à la volonté populaire exprimée.
La junte est donc sur ce point contesté de l’extérieur, et également en partie de l’intérieur. Si elle veut convaincre, elle doit travailler sur au moins deux fronts. Et revoir aussi pourquoi pas sa copie, afin d’obtenir la levée totale des sanctions.
Pas de vice-présidence militaire aussi puissante que le président
Que doit faire la junte maintenant ? Pour l’hôte de ce sommet, le président ghanéen Nana Akufo-Addo, « une fois que les structures de la transition seront mises en place, le président, le Premier ministre, le gouvernement, il va de soi que le conseil national de salut du peuple [CNSP] sera dissous de fait. puisque ce sera la transition qui sera déjà mise en place ».
La Cédéao laisse-t-elle ainsi la vice-présidence à la junte ? « Pour nous, répond le président ghanéen, la vice-présidence n’a pas été vraiment une question de fond qui a été débattue. Mais nous estimons que si effectivement, au niveau du CNSP, la vice-présidence devrait etre occupée par eux, ils pourraient l’occuper mais uniquement pour des questions de défense et de sécurité. Deuxièmement, ce vice-président ne pourra pas remplacer le président en cas de vacance. Ça c’est clair et net à notre niveau. »
Avec l’institution sous-régionale, le dialogue n’est pas rompu. À Accra, le nouvel homme fort du Mali a vu trois chefs d’État en marge du sommet, ceux du Ghana, de Guinée et du Burkina Faso. On le voit à la fin, poser avec les autres pour la photo de famille. Il n’a pas accordé d’interview à la presse.
Celui qui est apparu comme un chef timide et réservé est reparti à Bamako. Un autre rendez-vous sera encore nécessaire. L’envoyé spécial de la Cédéao, Goodluck Jonathan, est à nouveau attendu à Bamako.