« Aujourd’hui les jihadistes recrutent sur WhatsApp. Il faut arrêter l’hémorragie ». Dans le centre du Mali en guerre, l’imam Hama Cissé a regardé, impuissant, une partie de la jeunesse peule rejoindre les rangs de la katiba Macina. Et son chef, le jihadiste Amadou Koufa, devenir une icône des réseaux sociaux.
L’imam Cissé « connait bien » Koufa. Dans les années 80, ils ont étudié ensemble le Coran. A cette époque, Koufa n’est pas encore le prédicateur qui veut imposer la charia et interdire la musique. Griot de profession, il déclame des poèmes « en l’honneur des jolies demoiselles » contre un peu d’argent.
C’est bien plus tard, après avoir achevé son éducation religieuse à l’étranger, qu’il va se radicaliser. L’homme est charismatique, sa voix haut perchée reconnaissable entre mille. Lorsqu’il commence à prêcher, le succès est immédiat. D’autant qu’il parle en fulfulde, la langue peule.
Ses discours enflammés passent en boucle sur les radios locales. Dans les écoles coraniques, sur les marchés à bétail, on s’arrache les cassettes audio de ses sermons. Koufa dénonce la mendicité, les injustices contre les Peuls, les grandes familles de marabouts… Les bergers surtout l’adorent
Désormais, les téléphones portables ont remplacé les transistors. Et WhatsApp, qui permet d’envoyer des messages vocaux, s’est imposée comme la « radio du Sahel » version 2.0, dans un pays baigné de tradition orale. Avec un taux de pénétration du mobile de 91% et un accès croissant à Internet, la propagande jihadiste se répand au Mali comme une traînée de poudre jusque dans les brousses les plus reculées.
Par peur des représailles, Hama Cissé s’est tu pendant longtemps. Menacé à plusieurs reprises, l’imam n’a plus remis les pieds à Mopti, sa région natale, depuis 2016. Mais à 55 ans, cet homme discret ne veut plus laisser le monopole de la parole aux jihadistes.
Depuis Bamako, il intervient régulièrement sur la radio communautaire peule Tabital Pulaaku pour prêcher un islam tolérant. Ses messages sont aussitôt relayés sur WhatsApp. Pendant le dernier ramadan, par exemple, l’imam s’est adressé directement à Amadou Koufa, et à travers lui, à ceux « qui boivent ses paroles ».
« Il disait qu’avant lui le Macina (centre du Mali) n’était pas dans l’islam, qu’avant lui c’était la nuit. Je lui ai dit qu’il n’avait pas amené l’islam dans le Macina, il a amené les wahhabites, ce n’est pas pareil! », raconte Hama Cissé en référence au courant rigoriste venu d’Arabie Saoudite. « Quelques jours plus tard, Koufa a +très mal+ répondu, il était en colère