Les esprits s’échauffent dans les rangs des «Mbalakhmen». Pour solder leurs comptes avec leurs potentiels concurrents ou détracteurs, certains chanteurs glissent des attaques et des piques acerbes dans les paroles de leurs chansons. Le clash, jadis répandu dans le milieu Hip-hop, a de plus en plus tendance à changer de camp et à investir le «Mbalakh»…
Inutile d’être un initié dans la musique pour saisir le message. Même les profanes ont compris que le dernier tube de Sidy Diop, titré «Karkarato», n’est pas sorti ex nihilo. Derrière cette envie de distraire son public, l’artiste semble avoir une cible bien déterminée, avec qui il veut solder ses comptes. A travers des jeux de mots, le chanteur surfe, à coup sûr, dans l’escarcelle de son vis-à-vis, Wally Seck. Cela est d’autant plus perceptible, lorsqu’il dit, entre les lignes, «Sa thiébou Diaaga mounoul gueun sama Penda Mbaye» (ton riz rouge au poisson et sa sauce n’est pas meilleur que mon riz au poisson). En entendant dans la phrase «Diaga», tous les esprits se tournent vers la mère du prince des «Faramareen». «Mane dama wooy ba laago» (j’ai chanté jusqu’à en tirer un handicap). Mais on peut tout aussi entendre, «Ballago», en référence au deuxième prénom du chanteur Wally Seck, ainsi que celui de son défunt père. Toujours dans les couplets du tube, il enchaîne : «Même soumey raame, damey daane. Kou mér kalamel sougnou borom» (je parviens toujours à vaincre, même en rampant. Les jaloux n’ont qu’à s’en ouvrir au Bon Dieu). Là également, il y a une parfaite allusion au «Raam Daan», le nom du groupe de son antagoniste, qu’il a hérité de son papa. Si ce nouveau single, sorti vendredi 18 mars 2022, qui capitalise 271 666 vues (hier) et 12K de j’aime, fait déjà polémique sur les réseaux sociaux, c’est parce qu’il vient confirmer la rivalité qui existe entre lui et le fils de Thione Balago Seck, le regretté lead-vocal du groupe «Ram Dan», Waly Seck. Lui qui avait récemment chanté, «mba xol ya ngui féx» (êtes-vous heureux) ? Toujours dans son dernier tube, Sidy Diop, comme pour lui apporter une réplique salée, chante «Xol bou fanane si frigo diaroul lathié baxam mo ngui fex. Fii lépeu congéler» (Pas besoin de demander si nous sommes heureux. Nous sommes aux anges). Progressivement, l’enfant de Pikine (Dakar) chemine sur le terrain du «Punchline». Il n’est d’ailleurs pas le seul chanteur à adopter ce style dans sa musique. Le jeune chanteur Tarba Mbaye a lui aussi apporté une cinglante riposte à ses détracteurs. Sidy Diop lui-même a été le premier à en faire les frais, dans son titre «Da nga geuleum» où il le cite nommément. «Sidy, tu as clamé partout haut et fort que Wally était ton idole, aujourd’hui, tu fais de ton mieux pour le descendre. T’es-tu perdu en cours de route», a-t-il psalmodié. Dans une autre de ses chansons qu’il a récemment mis sur le marché, «Taloumala», et qui figure parmi les hits du moment, le natif de Grand-Dakar/Niarry-Tally a clairement adressé un message à ses collègues qui cherchent à rabaisser son mérite. Un come-back qui vient ouvrir une nouvelle page de sa carrière prometteuse.
Depuis quelques temps, le « punchline ou clash » entre artiste a pris une autre dimension. Les artistes ne se suffisent plus à se lancer des piques assermentés et acerbes dosés de romance pour atteindre leur cible. Le bouchon est poussé plus loin. Depuis un moment, des camps rivaux ont commencé à surgir dans le landerneau musical. Des clans ponctués par des featuring commencent à se dessiner au plus grand bonheur des mélomanes. Le duo inattendu entre le Framareen et la star du Djolof Band, Viviane a crée en son passage un sésame. Les fans des deux camps n’ont rien vu venir. C’est sans attente qu’ils seront gratifiés d’un tube intitulé «Reuguine Teuss». Les paroles sont aussi accrocheuses et perceptibles. Le chanteur du peuple tacle sévèrement cela qui ont tendance à colporter des ragots à son égard, aux artistes qui veulent coute que coute s’élever à son niveau mais aussi cela qui ont tendance à le copier. « Déloussil-Déloussil, Meune ngua dara dé diaroul Khass » (Reviens-reviens. T’a pas besoin de rouspéter parce que tout simplement, on t’a dit que tu es doué).En plus fort, il enchaine «Meuneu dem ma takha dem. Moytou dougue thi auto you tass» pour dire (être dans les prérogatives de partir ne doit pas te pousser à prendre le risque d’entrer dans des véhicules abimés). Un message fort ou l’artiste lance des mises en gardes sur les moyens déloyales dont certains ont tendeance à user pour asseoir leur notoriété. Mieux, il dit « Fii ma diemmeu sorri, damay banie guoudé. Wakh dji barrina, daye ndourou marriné » (Il me reste du temps à parcourir, alors je ne veux pas tarder ). Dans ces paroles fortes en messages instructifs qu’en allusion, on a pas besoins d’etre Einstein pour déviner qu’il s’adresse à la jeune génération d’artiste à l’image de Sidi Diop qui essaye de le copier à pas de course. Sur les réseaux sociaux, l’excitation était à son summum. Les spéculations commencèrent. Les internautes annonçaient déjà un probable teaser de Sidi Diop avec une autre artiste. Certains commentateurs intéressés par la question désignaient déjà Titi comme l’allié la plus approprié qui permettra à Sidi d’assurer la riposte. Ils n’ont pas tort ! L’opinion a vu juste. Hier à 21 heures, un teaser de Sidi Diop et Quenne biz a vu le jour. Le titre du tube «yaw la faral» est accrocheur et en dit long sur le contenu. Un connivence ou choix qui n’est pas du tout anodin. Tout récemment, lors de la célébration de la coupe d’Afrique, Queen Biz a déclaré ouvertement la guerre à Waly. C’est sans langue de bois que Queen a taxé Waly Seck d’hypocrite dans un message posté sur son compte twitter. Un featuring qui annonce un camp riposte. «Nioo taye nobanté bamou neex, ay xaléi laniou té xéw lool» ( On s’aime et on a pas besoin de rendre compte à quiconque. On est deux jeunes en phase avec notre époque et on fait le buzz). Tres complice dans le cilp vidéo, ils dégage l’assurance et assument leurs choix malgré la polémique naissantes atteste ses paroles qui suivent «Kou niou dadiéél gagné la» (on battre quiconque sur notre passage).
Réputé dans le milieu du Rap et du Hip-hop, le «Punchline» est de plus en plus utilisé dans le cercle du «Mbalakh». Les chanteurs en font recours pour faire passer indirectement des messages qu’ils ne peuvent pas porter de but en blanc. Chacun cherche à dominer ou évincer ses concurrents directs en les défiant presque nommément, avec pour enjeu principal, la conquête de nouvelles parts de marché et le renforcement de sa «Fanbase». Animatrice à la SenTv et à Zik Fm, Alima Ndione estime que le «Punchline» apporte une touche de fun dans le ‘’Mbalakh’’. «Le style est salué par certains animateurs et fans des artistes. Personnellement, j’encourage cela, surtout pour le cas de Waly Seck et Sidy Diop. Cela permet à l’un de toujours vouloir faire mieux que l’autre. Les fans aussi l’encouragent parce que sur les réseaux sociaux, ces genres de chansons sont guettées et très challengées. Et c’est à l’avantage de certains artistes comme Sidy Diop. Il y gagne en notoriété. A chaque fois qu’on parle de Wally Seck, on parlera forcément de Sidy Diop. Même si Wally Seck a plus de productions et plus de tournées nationales comme internationales, Sidy est considéré comme son concurrent. C’est bien grâce à cette stratégie. Sidy Diop est de la même génération que Tarba Mbaye, El Hadji Keïta et autres, mais il a réussi à les devancer, même sur le plan de la communication», analyse-t-elle.
«Il y a des limites à ne pas dépasser»
Le chanteur Wally Seck est aussi passé par là… Dans un de ses tubes, le «Faramareen» dit avoir visité le tamarinier situé sur la route de Marène. «Gouy Daxar bathia yoonou maarène (…) demnafa, guisnako. Waww.» Pour les internautes, c’était une réaction au message lancé par le «Roi du Mbalax», Youssou Ndour qui, dans son morceau «Mbaadane», révélait avoir eu un don particulier qui l’a mené au tamarinier de Mbadane. «Gouy Daxaar bathia yoonou Mbaadane, kén manoufa dem, xana mane ak thioy» (Le tamarinier situé sur la route de Mbadane, personne ne peut y accéder, sauf moi et la pie). Alima Ndione soutient que Sidy Diop est en train de suivre les pas de Wally Seck dans cette manière de s’imposer dans le milieu du showbiz. «En 2009, quand Wally Seck sortait son premier single, il y avait Abou Thioubalo et bien d’autres artistes de sa génération. Mais on parlait beaucoup plus de lui que les autres. On ne l’assimilait jamais aux chanteurs de sa génération. On le comparaît à Pape Diouf et Youssou Ndour. Il a autant réussi ce que Sidy est en train de faire. Quand une entreprise veut s’attacher les services de Youssou Ndour et que le calendrier de ce dernier est chargé, il se rabat sur Wally Seck. En cas d’indisponibilité de Wally Seck, les entreprises pensent automatiquement à Sidy Diop», ajoute-t-elle.
Avant eux, les générations précédentes s’affrontaient aussi artistiquement à travers des chansons sorties de studio ou des prestations en live ou improvisées. «Il y avait même de l’adversité entre les aînés qui ont balisé le chemin. Cela se voyait à l’époque entre Thione Seck et Youssou Ndour, entre Youssou Ndour et Omar Pène, même si on n’est plus de ces temps.»
Selon Alima Ndione, pour parvenir à tirer son épingle du jeu à travers le «Punchline», le chanteur doit avoir un émule bien défini. Mais il y a des limites à ne pas franchir. L’animatrice est d’avis qu’il ne faut pas en abuser, ni pousser le bouchon trop loin, au point de pourrir le milieu avec des insanités, comme c’est le cas dans le Rap, au risque de lasser les inconditionnels. «Il y a des limites à ne pas dépasser. A un moment donné, cela peut même décourager les fans. Ils peuvent se lasser. Il ne faut pas persister dans ce style. L’artiste doit pouvoir dérouler d’autres styles et faire découvrir son véritable talent de chanteur», recommande l’animatrice à la SenTv et ZikFm.
Tout comme Alima, L’animateur de la radio future Média Sidath Thioune abonde dans le même sens. Pour l’artiste, le punchline apporte une touche de charme dans la musique. D’ailleurs à en croire l’artiste, cela a toujours existé avec la génération d’antan. Même si à l’époque, les pique étaient plus subtil et moins agressifs. L’animateur se remémore encore de la guéguerre qui régnait entre Fallou Dieng et son poulain Papa Ndiaye Thiopet. Quand après des soucis internes et pour des convenances personnels, Pape a décidé de lui tourner le dos pour monter son propre groupe. Au moment ou les raisons de son depart foisonnaient et que les commentaires allaient bon train, Fallou Dieng a sorti un album intitulé « Feuk-Dieuf ». Un titre qui en disait long sur les circonstances de leur divorce. Peu de temps après, Pape Ndiaye Thiopet a riposté avec un autre tube ou il n’a pas massé ces mots pour tirer à boulet rouge sur son mentor. Selon, l’animateur de la radio futur média, la liste doit faire un parchemin. Un punchline a toujours existé entre Youssou Ndour Oumar Péne de tel sorte que leurs fan’s avaient pris gout à la concurrence. A chaque fois, que le leader du super étoile ou du super Diamono sortait un album,l’autte camp en réclammait aussi pour son artiste. Sidath se rappelle encore de la géguerre qui existe entre Fatou Guéwuel et Fatou Laobé. Ces dernières qui étaient dans une rude concurrence, en sont venues une fois en main. « Fatou Guéwuel et Fatou Laobé se sont battues aux États-Unis. Cela avait en ce temps créé beaucoup de bruits. Ndiolé tall et Ngoné Ndiaye idem. Il y’a beaucoup d’autres artistes qui se regardent en chien de faïence. Ma posture ne me permet pas de citer explicitement des noms » s’est-il gardé de dire l’animateur de la future Média. Le punchiline a toujours existé mais a l’epoque,il coulait facilement dans l’eau. Si aujourd’hui tout le monde en parle et saisit les messages c’est grâce à la magie des réseaux sociaux.
Contrairement aux animateur Sidath et Alima qui jugent que le punchline apporte un punch dans le milieu musical, Sahel Soumah pense qu’il ne devrait pas émailler les relations entre artistes «A mon avis, le clash n’a pas sa raison d’être entre artistes. Il faut que les musiciens sachent que la musique, c’est d’abord le partage. Donc ils ont tout intérêt à réunir leurs talents pour un meilleur rayonnement de la musique et de ne pas aller en ordre dispersé. » s’étrangle le …… Pour la concurrence est immuable dans le milieu du showbiz, mais cela doit se faire dans les règles de l’éthique, de la bienveillance et de la loyauté « Certes la concurrence existe dans la musique où chacun cherche à toujours faire mieux que l’autre. Toutefois, concurrence n’est pas synonyme de manque de respect envers l’autre, envers le public surtout. Ce n’est pas non plus synonyme d’embrouilles, de guéguerres. La concurrence doit plutôt se ressentir au niveau du travail bien fait, comme une bonne réalisation musicale, pour une bonne appréciation de la part du public. On remarque que dans la musique c’est la loi du chacun pour soi» au Sénégal. L’animateur n’a pas passé par détour pour tirer sur la nouvelle génération « Cette nouvelle génération a plus intérêt à être soudé, plus créatif et faire de telle sorte que leur musique puisse rayonner partout dans le monde. C’est à cela qu’ils doivent s’atteler, au lieu de se faire la guerre. » s’étrangle l’animatrice.
Pour Michael Soumah, la génération d’antan faisait une concurrence intelligente « nous avions des artistes musiciens, des groupes beaucoup plus responsables, qui avaient du respect pour leur public. C’est très important. Ils produisaient une musique d’une excellente facture, la preuve on les écoute jusqu’à présent. La concurrence était là mais d’une manière beaucoup plus intelligente. Elle se ressentait surtout au sein des fans clubs. Chaque fan club voulait montrer que son artiste était le meilleur. Donc on peut dire que le clash se faisait entre chaque fan club, de chaque groupe musical mais de façon beaucoup intelligente. Ce n’était pas la guerre des mots comme cela se fait maintenant ; ce n’était pas les embrouilles. »