Pendant que Karim Wade et Khalifa Ababacar Sall attendent toujours une amnistie pour devenir éligibles, le chef de l’Etat, Macky Sall, lui tente de reprendre en main les choses en perspective d’un 3ème mandat ?
Après les émeutes meurtrières au début du mois de mars dernier, suite à l’arrestation d’Ousmane Sonko, leader de Pastef Les Patriotes, le camp présidentiel semble être dans une dynamique de contre-attaque à travers une cascade de méga-meetings sur l’ensemble du territoire. Une grande offensive ponctuée par une série de transhumances organisées et savamment orchestrées avec les arrivées dans l’escarcelle de Benno Bokk Yaakar de la désormais ex-égérie libérale Aïda Ndiongue et mais aussi du Professeur Issa Sall qui vient de porter sur les fonts baptismaux le Parti de la Paix, de l’Éthique et de l’Équité (PEE). Pendant que Karim Wade et Khalifa Ababacar Sall attendent toujours une amnistie pour devenir éligibles, le chef de l’Etat, Macky Sall, lui tente de reprendre en main les choses en perspective d’un 3ème mandat ?
Le stade municipal de Bokké Dialloubé, qui recevait le meeting de l’Alliance pour la République (Apr) de Podor, le vendredi 2 avril dernier, était très petit pour contenir les différentes délégations venues de toutes les communes du département. Le Ministre des Finances et du Budget, Abdoulaye Daouda Diallo y a reçu son «ennemi juré» à Podor, en l’occurrence son collègue de l’Enseignement supérieur, Cheikh Oumar Anne avec qui les morceaux semblent être recollés, mais aussi d’autres responsables du parti au pouvoir comme Mamoudou Dia, président du Conseil départemental, Mountaga Sy, maire de Aéré Lao, non moins directeur général de l’Apix.
Bien avant ce méga-meeting, d’autres responsables politiques de l’Apr dans d’autres contrées avaient eux aussi fait des démonstrations de force en termes de mobilisation. L’on se rappelle de celle organisée par le député-maire des Agnam (Matam), Farba Ngom et ses camarades du Fouta, le 21 mars dernier. Que dire de la manifestation des responsables de la mouvance présidentielle à Pikine, à la même date, qui s’est malheureusement terminée en queue de poisson ? Sans occulter la marée humaine à Kolda avec El Hadji Mamadou Dia dit Mameboye (directeur des domaines) et Fabouly Gaye, ou encore à Sédhiou, plus précisément à Madina Wandifa. Ainsi donc, après les émeutes survenues au Sénégal du 3 au 8 mars dernier, le camp présidentiel parait organiser la riposte à travers de grands rassemblements politiques, drainant des foules. Est-ce la bonne réponse aux problèmes soulevés par les manifestants suite à l’affaire ayant opposé Ousmane Sonko et Adji Sarr ? Etait-ce opportun dans un contexte marqué par le manque d’emploi des jeunes et la pauvreté ? A ces interrogations, l’enseignant chercheur en Science politique à l’Université Gaston Berger a répondu par la négative (voir par ailleurs).
Toutefois, il ne fait l’ombre d’aucun doute que les tenants du régime qui avaient été surpris sur l’ampleur des dégâts, tentent de reprendre en main les choses. Et ceux qui pensent d’ailleurs, que ces «émeutes de la faim» avec plus d’une dizaine de morts ont enterré définitivement les velléités de 3ème mandat au Chef de l’Etat, vont vite déchanter. D’ailleurs les mobilisations tous azimuts en plein pandémie de covid-19 ayant occasionné plus de 1000 morts en est une parfaite illustration. Le Macky a reçu un coup de Jarnac qui lui donné du tournis ; il a même perdu une bataille pour la première fois depuis l’accession du Président Sall à la magistrature suprême le 25 mars 2012 ; mais il ne s’avoue pas vaincu. Au contraire ! L’opération «charme» à la jeunesse s’est même intensifiée avec l’annonce de plus de 60.000 emplois via un programme d’urgence à coup de milliards.
Last but not least, ce sont les «recrutements» de Aïda Ndiongue, fidèle par les fidèles de Me Abdoulaye Wade et du désormais ex-député du PUR devenu ministre conseiller du Président Sall. Une «massification» sans arrêts des rangs de Benno Bokk Yaakar qui compte en sein désormais Idrissa Seck, arrivé deuxième à la dernière élection présidentielle de février 2019, prouve à suffisamment l’idée première du Chef de l’Etat de «réduire l’opposition à sa plus simple expression». Karim Wade peut toujours continuer à s’agiter depuis Doha au Qatar, le PDS peut poursuivre le renouvellement de ses instances à la base ; Khalifa Ababacar Sall sort de plus en plus du bois. Mais, pour plusieurs juristes, Macky Sall détient seul leur éligibilité pour la Présidentielle de 2024. Et pour l’heure, l’amnistie que le Chef de l’Etat avait agitée au lendemain de son élection dès le premier tour semble être renvoyée aux calendes grecques.
Quant à Ousmane Sonko, l’affaire Adja Sarr reste suspendue sur sa tête telle une épée de Damoclès. Sa liberté conditionnelle lui permettra juste de continuer à vaquer à ses occasions. Mais selon des sources dignes de foi, le patron du Pastef ne devrait pas échapper à un procès avec des révélations fracassantes, devant ternir davantage son image aux yeux de l’opinion publique. Même si par la suite, le viol pourrait être écarté et son éligibilité maintenue. Enfin, parmi les «bannis» de l’APR pour avoir eu à tort ou à raison des ambitions présidentielles, seule Aminata Touré «Mimi» semble décidé en à en découdre avec le Président de la République. L’ancien Premier ministre ne cache pas son opposition à un 3ème mandat d’ailleurs. Pendant ce temps, Aly Ngouille Ndiaye, Mouhamadou Makhtar Cissé s’emmurent dans un silence bruissant de paroles, pendant que Amadou Bâ ne cesse de réaffirmer son appartenance au camp présidentiel.
SudQuotidien