Médecins sans frontières et SOS Méditerranée ont annoncé jeudi devoir « mettre un terme » aux opérations de sauvetage de leur navire humanitaire « Aquarius », devenu le symbole de la crise politique autour de l’accueil des migrants et privé de pavillon depuis deux mois.
« Renoncer à l’Aquarius a été une décision extrêmement difficile à prendre », a déclaré dans un communiqué Frédéric Penard, directeur des opérations de SOS Méditerranée, en déplorant « les attaques incessantes dont le navire et ses équipes ont fait l’objet ».
Mais l’ONG basée à Marseille « explore déjà activement les options pour un nouveau navire et un nouveau pavillon », et « étudie sérieusement toutes les propositions d’armateurs qui lui permettraient de poursuivre sa mission de sauvetage ». « Nous refusons de rester les bras croisés sur le rivage alors que des gens continuent de mourir en mer », a assuré M. Penard.
« Jour sombre »
« C’est un jour sombre », a pour sa part déploré dans un communiqué distinct Nelke Mander, directrice générale de MSF, pour qui « la fin de nos opérations à bord de l’Aquarius signifie davantage de morts en mer ».
Privé de pavillon par Gibraltar puis par le Panama, l’Aquarius, qui avait commencé ses opérations de sauvetage au large de la Libye en février 2016, s’est retrouvé bloqué à Marseille début octobre dans l’attente d’un registre où s’inscrire. La semaine dernière Berne lui avait refusé le pavillon suisse.
Fin novembre, la justice italienne avait pour sa part demandé le placement sous séquestre du navire pour une affaire de traitement illégal de déchets.
Des accusations « disproportionnées et infondées » pour SOS Méditerranée qui a déploré « dix-huit mois de criminalisation, de décrédibilisation et de diffamation contre les ONG de recherche et de sauvetage » ayant pour résultat d’« encore davantage fragiliser les capacités de sauvetage en mer ».
Assistance à près de 30 000 personnes
Depuis le début de ses opérations, l’Aquarius a porté assistance à près de 30 000 personnes. Mais le navire a vu les obstacles se multiplier depuis que l’Italie, sous l’impulsion du ministre de l’Intérieur Matteo Salvini, a fermé ses ports cet été aux navires humanitaires.
« Malgré les efforts récents des organisations non gouvernementales en mer, il n’y a plus aucun bateau dédié au secours en mer Méditerranée », a ajouté MSF, qui a fait état de « 2 133 personnes décédées en Méditerranée » depuis le début de l’année et a accusé les gouvernements européens d’avoir « contribué à ces événements tragiques en soutenant les garde-côtes libyens pour intercepter les personnes en mer ».
Symbole d’une crise diplomatique
L’Aquarius était devenu un symbole de la crise diplomatique autour de l’accueil des migrants en juin, après avoir dû errer pendant une semaine en Méditerranée avec à son bord 630 migrants que l’Italie avait refusé d’accueillir. Après avoir frôlé la Corse, le navire à la coque orange avait pu débarquer à Valence, en Espagne, convaincue d’ouvrir ses ports par la promesse de plusieurs pays européens de se répartir les réfugiés.
Plusieurs autres opérations de sauvetage en mer avaient déclenché des psychodrames diplomatiques similaires au cours de l’été, forçant une poignée d’Etats européens à improviser pour se répartir les réfugiés, et à réfléchir à un mécanisme plus pérenne.
Après avoir perdu son pavillon panaméen, l’Aquarius était arrivé le 4 octobre à Marseille après avoir débarqué 58 personnes à Malte. La France, à qui SOS Méditerranée avait dans un premier temps demandé l’autorisation de débarquer les naufragés, avait refusé au nom du principe de « port sûr le plus proche ».
MSF a assuré qu’« aussi longtemps que des gens souffriront en Libye », elle « cherchera des moyens de leur porter secours ». « Aujourd’hui plus que jamais, nous avons besoin du soutien de tous les citoyens qui croient encore en nos valeurs d’humanité en mer et désirent concourir à nos efforts pour trouver un nouveau navire et un nouveau pavillon », a affirmé Sophie Beau, directrice de SOS Méditerranée France.
(avec AFP)