Délire et démesure, à l’image de l’Argentine. Des millions de personnes ont envahi, dimanche, dès le coup de sifflet final les places et rues du pays, comme les artères de Buenos Aires où une foule immense et compacte chavirait ivre de bonheur… et soulagée après tant de souffrance.
La fête s’est emparée de l’Argentine dès le coup de sifflet final. Des millions de personnes ont envahi, dimanche 18 décembre, les places et rues du pays pour célébrer la victoire de l’Argentine contre la France en finale de la Coupe du monde.
Les artères de Buenos Aires, la capitale, ont accueilli une foule immense et compacte, ivre de bonheur. Tous les supporters ont voulu être là pour vivre ce moment tant rêvé et attendu depuis 36 ans, qui restera inoubliable. De tous âges, d’enfants à aïeux, ils crient, sautent, dansent sans fin et se forgent des souvenirs à l’unisson.
« J’ai attendu 35 ans pour vivre ce moment-là »
« J’ai 35 ans. J’ai attendu 35 ans pour vivre ce moment-là. Je n’arrive pas à le croire. 35 ans à attendre ce rêve d’une vie », hurle Soledad Palacios, le drapeau argentin noué autour du cou.
« On aime le football, on aime l’Argentine. Je suis heureuse, et heureuse de savoir que les gens sont heureux. Heureuse que ce pays avance, que malgré tout, malgré l’économie, tout, nous puissions aller de l’avant », ajoute-elle transportée d’émotion.
Depuis le dernier penalty victorieux de Gonzalo Montiel, une surenchère de chansons, pétards, tambours, cornes de brume, klaxons, se disputent sans fin l’espace sonore de la capitale.
« Gracias Seleccion »
Et sans même attendre que Lionel Messi soulève la Coupe à Doha, par milliers, dizaines de milliers, très vite davantage, toute une métropole a convergé vers l’Obélisque, monument emblématique du centre de la capitale et lieu traditionnel des célébrations sportives.
Ils étaient encore plus d’un million en début de nuit, selon plusieurs médias argentins, alors que l’obélisque de 67,5 mètres de haut servait d’écran géant pour des projections, entre des « Gracias Seleccion » (Merci la sélection), des images de joueurs, surtout l’idole Lionel Messi, d’actions de match, et du drapeau national.
Le centre-ville, sur un immense carré de 2 kilomètres de côté, était interdit à la circulation tandis que des feux d’artifice illuminaient le ciel dans une bronca continue. La fête ne fait que commencer et atteindra son apogée avec le retour des héros à Buenos Aires, prévu lundi en toute fin de journée.
Une joie “bonne à prendre, pour souffler un peu »
« C’est beaucoup de joie pour tout le pays. On le méritait », y répétait Gustavo Barreiro, 29 ans. « On est un pays qui a souffert, alors cette joie est bonne à prendre, pour souffler un peu », ajoute-il, en référence aux mille et un maux de l’Argentine, de l’inflation chronique à une polarisation politique crispée.
« C’est notre destin de souffrir ! Condition sine qua non pour être argentin ! », lance à l’AFP Joel Ciarallo, entre hilarité et émotion, incrédule encore.
« On est nés pour souffrir. On est comme ça, nous les Argentins. Mais on continue d’aller de l’avant. Il est comme ça, ce pays ! », exulte Manuel Erazo, vendeur de bières à la sauvette transportées dans une glacière.
Comme lui, beaucoup avaient anticipé, espéré, une grande fête, pour améliorer l’ordinaire, dans un pays où l’inflation frôlera les 100 % en 2022. Des centaines proposaient bières, burgers, saucisses grillées sur des parillas (barbecues) installées à même le trottoir.
Un « rêve accompli”
Le président Alberto Fernandez a félicité l’équipe dans un tweet sitôt le match terminé « Toujours ensemble, toujours unis. NOUS SOMMES CHAMPIONS DU MONDE. Rien à dire de plus ». Les bandeaux des télévisions, eux, rivalisaient de superlatifs : « historique », « fête sans fin », « gloire éternelle », « rêve accompli ».
Sur l’Avenue 9 de Julio, l’une des plus larges du monde (140 m) où est plantée l’Obélisque, les bras fouettent le ciel pour accompagner les chansons intimement liées au football en Argentine, et que tous connaissent par cœur.
Résonnait aussi en boucle la toute dernière, « Muchaaachos », la chanson de l’année et devenue l’hymne officieux des supporters argentins dans ce Mondial. Invoquant à la fois l’Albiceleste, Maradona, Messi et les Malouines, elle avait été hurlée à plein poumons, en début de match, pour couvrir la Marseillaise.
Après la victoire, un couplet a été changé et affirme désormais « Maintenant on gagne la troisième, de nouveau champion du monde », remplaçant les « je veux gagner la troisième, je veux être champion du monde ».
Peu avant minuit, la multitude s’éclaircissait un peu, et les familles avec les plus jeunes rentraient. Le retour à Buenos Aires des champions du monde, est attendu lundi en début de soirée, sans doute la « plus grande célébration à venir », prédit Adriana Nuñez, 57 ans. « On les attend, et sûrement eux aussi ».