Avec l’impact du covid-19, les prévisions de croissance ont été revues à la baisse. Le chef de l’Etat attend un taux de 3%, là où les premières prévisions tablaient sur 6,8%. Directeur général du Bureau de Prospective Économique (BPE), Moubarack Lô estime qu’il y a une petite change de pouvoir avoir une croissance respectable. L’économiste et ingénieur statisticien explique comment.
Lô plusieurs chefs d’Etat du continent ont lancé des plans pour faire face à la pandémie du covid-19 ? Que pouvons-nous en attendre ?
Certains parlent de plan de riposte, d’autres de plan d’urgence. Ce n’est pas le même objectif.
Quelle est la différence ?
Le plan de riposte inclut l’aspect sanitaire pour faire face à la maladie en achetant des équipements, en sensibilisant les personnes, en faisant les tests en payant du personnel. Ensuite il faut faire en sorte que les populations ne souffrent pas de la faim. Il faut soulager les ménages et les travailleurs qui ont perdu leur emploi. Donc c’est pourquoi le gouvernement en plus de l’effort de prise en charge de l’infrastructure et des besoins sanitaires a mis en place une dotation destinée à appuyer les ménages en produits de première nécessité. Donc tout cela permettra de résister au choc du virus. L’autre élément c’est la relance de l’économie.
Justement, comment s’y prendre ?
On peut déjà, aujourd’hui, utiliser certains canons pour amortir le choc. Parce qu’il y a des secteurs qui ne sont pas exposés sur l’international. Ces secteurs ne vont pas être affectés lourdement par la crise au niveau international et la réduction des échanges. Cibler ces secteurs peut permettre de générer de la croissance et amortir le choc.
Quand lancer cette opérations de relance ?
La vraie relance se fera, lorsqu’on sortira de la crise sanitaire. Parce qu’aujourd’hui, même si on donnait des crédits et des liquidités, les entreprises ont leur personnel confiné donc sur une bonne partie, les consommateurs aussi sont confinés. Donc les entreprises ne pourront pas tirer de façon optimale les efforts de relance.
Certains jugent modeste la taille de ce fonds de relance…
La taille c’est important mais ce n’est pas le plus important. Le plus important c’est le ciblage. Parce que si vous dépensez 1000 milliards sur l’ensemble de l’économie, c’est vrai que cela va faire peut être 6% du Pib, mais si vous concentriez ces 1000 milliards dans quelques secteurs, cela engendrerait un impact beaucoup plus important. Donc pour chaque pays il faut voir la destination réelle de cet effort budgétaire et l’utilisation des ressources.
Pourquoi ?
Parce que si vous donnez les ressources à des entreprises qui vont les mettre dans des banques pour attendre des jours meilleurs, vous n’aurez pas d’effet de relance sur le court terme. Vous enrichissez seulement des gens. Mais si vous faites de l’investissement, payer des salaires et que les gens consomment, cela peut générer de l’argent si les biens qui sont achetés sont produits au niveau local.
Que va induire la chute des prévisions de croissance à 3% ?
Aujourd’hui nous avons une estimations qu’il faudra réviser tous les 15 jours peut-être. Parce que les choses bougent vite. Cela dépend des scénarios. Si la crise perdure, au niveau mondial, cela fera que nos exportations ne pourront pas être dynamiques. Elles vont baisser. Certaines entreprises auront du mal à s’approvisionner en matières premières et en biens d’équipement. Tout cela va créer une croissance moindre. D’autres scénarii peuvent envisager un taux de croissance qui peut aller même jusqu’à 4%.
Comment parvenir à ce scénario moins catastrophique ?
Tout dépend de ce que peut faire l’économie dans les prochains mois, malgré les difficultés au niveau des échanges internationaux. Si le fonds de riposte permettait d’appuyer des entreprises non exposées au niveau international, et que ces entreprises-là puissent continuer à produire (entreprises agricoles, d’élevage, numériques, industries qui produisent du matériel médical), cela pourrait permettre de générer des activités nouvelles et donc amortir le choc sur la croissance. Donc on pourrait avoir une surprise, que malgré tout, le fait le Sénégal puisse maintenir un taux de croissance moyen de 4 à 4,5%. Tout dépend de ces secteurs qui ont la capacité de produire.
igfm