Dans trois mois, les Français éliront leurs maires. Les partis politiques préparent les municipales depuis longtemps, mais chacun avec sa stratégie. Tour d’horizon.
C’est la première fois que le jeune parti d’Emmanuel Macron se frotte à ce scrutin local. Sans implantation locale, En Marche a revu ses ambitions à la baisse. Le parti part de zéro et il est obligé de s’appuyer sur ses alliés et des maires sortants.
Une stratégie risquée selon Benjamin Morel, maître de conférences à l’Université Paris 2 : « La stratégie la plus probable va être de se ranger derrière ceux qui ont une chance de l’emporter et qui sont présentés plutôt comme macron-compatibles. Mais on voit que dans un parti qui n’a pas l’habitude de la discipline partisane, il y a des candidatures dissidentes. Ce qui devrait faire que le parti présidentiel, c’est une élection à enjamber plutôt qu’à gagner. »
Face au nouveau monde, l’ancien monde espère se refaire
Après la claque des européennes, Les Républicains et le Parti socialiste veulent sortir la tête de l’eau. Entre reconquête et question de survie, les municipales seront-elles un antidote pour les vieux partis ?
« Ce sont des élections où vous avez une prime aux sortants, explique Benjamin Morel. On vote beaucoup plus pour un homme que pour une étiquette politique aux municipales. Donc pour Les Républicains comme pour le Parti socialiste, il y a toutes les chances qu’ils sortent vainqueurs de ces élections. Et ce n’est pas quelque chose de neutre pour eux. D’abord parce que ça peut permettre de lancer des candidatures pour 2022, on parle beaucoup de Baroin. Et ensuite, parce que, que ce soit l’électorat de centre gauche ou de centre droit, si jamais cet électorat commence à croire à une victoire sous ses propres couleurs, il commence à y avoir un risque de fissure dans l’électorat macronien. C’est dangereux pour la majorité. Et évidemment, c’est très bon pour Les Républicains et pour le PS. »
Les Verts, surprise des municipales ?
Les écolos rêvent de confirmer leur troisième place aux européennes. Porté par de bons sondages, Europe Écologie-Les Verts a un coup à jouer, explique Benjamin Morel.
« C’est un parti très implanté dans les grandes villes symboliques où leur électorat est surreprésenté. Cet électorat plutôt de CSP + et de professions intellectuelles se mobilise à toutes les élections. Il pèse donc beaucoup plus que son poids démographique. Lors des élections intermédiaires, vous avez une abstention importante, où l’électorat populaire ne se mobilise pas alors que cet électorat se rend aux urnes. Donc Europe Ecologie-Les Verts a très clairement quelque chose à faire lors de ces élections. De là à dire que ce serait pour eux le prélude d’une victoire à la présidentielle ou aux législatives, on n’en est pas encore là. Il faudrait qu’EELV élargisse sa base électorale qui reste très restreinte. »
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Le Rassemblement national déjà tourné vers la présidentielle
Marine Le Pen va mettre en avant les villes RN porte-étendard : Hénin-Beaumont et Fréjus. L’objectif est toujours le même, selon le politologue Benjamin Morel : gagner en crédibilité.
« L’objectif est de montrer qu’une gestion Rassemblement national efficace est possible sur le terrain, que des maires RN peuvent être réélus. Et si ça se passe bien au niveau local, ça peut être envisagé demain au niveau national. C’est comme ça que des partis comme la Ligue du Nord en Italie, comme le FPE en Autriche, ont gagné un crédit gouvernemental qui leur a donné une assise pour pouvoir participer à des gouvernements. »
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Défendre son bilan et pourquoi pas remporter de nouvelles villes. Le Rassemblement national vise une victoire symbolique à Perpignan.
La France insoumise, elle, fera clairement l’impasse sur cette élection.
Vers un scrutin illisible ?
Entre les candidats sans étiquette, les maires de droite soutenus à la fois par En Marche et par Les Républicains, ça va être dur de dire qui a gagné ou perdu, confirme Benjamin Morel.
« Très clairement, on n’aura pas de vision claire. Ces résultats seront illisibles. On pourra se concentrer sur le nombre de conseillers municipaux de tel ou tel parti, ça ne donnera pas réellement une image de la situation du pays. On va se concentrer sur quelques villes symboliques. Ça aura du sens du point de vue du symbole, de la dynamique d’une campagne qui ensuite, en passant par les prochaines élections locales, ira jusqu’à la présidentielle. Mais du point de vue des rapports de force dans le pays, ce sera beaucoup plus limité. »
Ces municipales ne seront donc qu’une étape vers la présidentielle. Les régionales de 2021 seront « le vrai scrutin test », prévient un proche d’Emmanuel Macron qui y voit une « base arrière pour se lancer en 2022 ».
RFI