Musique : Interview exclusive sur Rfi de Pape Diouf qui ambitionne de conquérir le marché international

 

RFI Musique :  Pape Diouf, vous sortez un nouvel album en pleine crise de Covid-19. Comment vivez-vous au Sénégal cette période difficile pour les musiciens ?
Pape Diouf 
: Je vis la crise du Covid, comme tous les autres artistes du Sénégal, de l’Afrique et du monde : c’est très dur. Une année sans jouer, sans se produire, c’est très très difficile. La musique, c’est notre gagne-pain, et aujourd’hui, il y a des contrats annulés, d’autres qu’on ne peut pas signer tellement on est dans l’incertitude totale. On est là, entre les mains de Dieu. Après, c’est dur, mais il faut privilégier la santé. On prie pour tourner cette page et reprendre pleinement nos activités. En attendant, on continue de travailler quand même et de produire, comme avec ce nouvel album bouclé grâce à l’aide de mon manager Matar Soubatel.

Quel est l’esprit de ce nouvel album Far West Africa ?
C’est un appel à l’union africaine en direction de la nouvelle génération. J’ai remarqué que l’Afrique est une sorte de jungle où les riches deviennent plus riches de jour en jour et les pauvres, plus pauvres. C’est une jungle où il n’y a pas d’entraide ou de solidarité. Il faut que nous soyons unis avec un objectif commun. Il faut que la jeunesse ne se décourage pas et se relève pour construire le continent. C’est l’un de mes principaux messages dans cette album où je fais un featuring avec une artiste qui défend beaucoup la cause des femmes : Inna Modja. C’est une référence de la musique africaine qui a répondu avec enthousiasme à notre invitation.

Pourquoi Inna Modja ? C’est une affaire de sensibilité musicale ou de besoin de conquérir un nouveau public ?
Avec Inna, nous avons des sensibilités musicales en commun. J’ai toujours adoré sa musique, sa voix, son style et je n’arrêtais pas de la suivre. J’aime aussi l’africanité qu’elle incarne et les causes qu’elle défend. Aussi, quand l’occasion s’est présentée de faire un duo avec elle, je n’ai pas hésité. D’autre part aussi, comme vous l’avez souligné, c’est un album qui se veut ouverture et conquête d’un nouveau public. Je pense que je suis bien connu sur la scène musicale sénégalaise. La diaspora ouest-africaine me suit très bien également et je fais toujours salle comble quand je me produis dans les pays étrangers avec la diaspora. Donc, je pense que pour mon évolution musicale, il fallait aussi se réinventer. La musique n’a pas de frontière et mon envie actuellement est de me faire connaitre par un public plus européen, américain, voire asiatique. C’est pour cela que j’ai rejoint les deux labels, K.A. Production et New African Production aux États-Unis afin de montrer une facette de ma musique que je veux universelle.

Qu’est-ce qui change musicalement  par rapport à vos anciens albums ?
Beaucoup de mes fans se demandaient à quel moment j’allais faire moins de mbalax et proposer une musique plus universelle. Je pense qu’ils vont être servis avec cet album. Il y a la rencontre de beaucoup de styles musicaux ; afro-beat, world music, folk, acoustique, etc. Je pense que beaucoup de gens pourront  s’y retrouver.

Au Sénégal, on vous compare souvent à Youssou N’Dour, artiste à la renommée internationale. Quelles relations vous-avez avec lui ? Son parcours vous inspire-t-il ?
Youssou N’Dour, c’est mon grand frère et je le respecte énormément. Il me soutient depuis mes débuts. Il m’a coaché, j’ai beaucoup travaillé avec lui et il m’a toujours invité dans ses grands événements. Il est mon idole et je l’admire depuis tout petit. C’est un artiste international. C’est l’icône du Sénégal, notre patrimoine, notre référence. C’est un exemple pour moi, et si je peux marcher sur ses pas au niveau international, ce serait une grande victoire pour moi.

Vous avez choisi “Génération consciente” comme nom pour votre groupe en référence aux jeunes Sénégalais. Votre message est plus que d’actualité à l’heure où beaucoup d’entre eux bravent l’océan sur des pirogues pour rejoindre l’Europe…
Depuis que le Sénégal est indépendant en 1960, pour beaucoup d’entre nous, c’est l’espoir qui nous fait rester dans notre pays. Mais quand tu n’as plus d’espoir à tel point que tu oses prendre la mer sur une pirogue et hypothéquer ta vie, c’est qu’il y a un problème. Les jeunes qui sont prêts à hypothéquer leur vie ne demandent qu’une chose : c’est d’être aidé, avoir un travail pour se construire. Je lance un appel solennel pour qu’on aide les jeunes à avoir un travail. Ce sont eux qui construisent un pays. Je conseille à ces jeunes de ne pas se tourner vers la mer, de croire en eux, et de retrouver l’espoir. Ce problème n’est pas celui du Sénégal seulement, c’est le problème de toute l’Afrique. L’Union africaine doit mieux prendre en charge ce phénomène. Les chefs d’États africains doivent s’assoir et trouver une solution. L’emploi des jeunes doit être une priorité en Afrique.