Nigeria: pourparlers de paix avec des éléments de Boko Haram

Au Nigeria, alors que les violences dans l’extrême nord-est ont fait au moins 20 morts et plus de 80 autres blessées le week-end dernier dans des attentats suicides et attaques armées près de Maiduguri, les autorités ont dévoilé l’existence de pourparlers de paix avec le groupe jihadiste Boko Haram. Des négociations tenues secrètes, qui auraient commencé il y a plusieurs mois pour trouver une solution durable au conflit qui mine l’extrême nord-est du pays depuis presque dix ans.

Il aura fallu attendre la libération des jeunes filles de Dapchi, pour que les langues se délient. Le chef de l’Etat, le ministre de l’Information puis le patron des services de renseignements nigérians ont alors révélé l’existence de pourparlers de paix avec Boko Haram. Ils concernent « l’éventualité d’une cessation permanente des hostilités » et « la possibilité d’accorder l’amnistie aux repentis ». Un programme ambitieux qui se heurte aux divisions internes du groupe islamique.

D’après des sources sécuritaires, ces discussions s’effectuent de fait avec la faction d’Abu Musab al-Barnawi. L’autre faction, dirigée par Abubakar Shekau, étant hermétique à toute négociation avec les autorités.

Ce n’est pas la première fois qu’Abuja annonce l’ouverture de discussions. En 2014, l’ancien président Goodluck Jonathan avait même affirmé avoir conclu un accord avec les insurgés mais, les combats avaient repris de plus belle peu de temps après.

Cette annonce, intervient à moins d’un an de l’élection présidentielle, la sécurité dans l’extrême nord-est du Nigeria est un sujet sensible. Muhammadu Buhari qui avait été élu en 2015 sur sa promesse de pacifier la zone et qui répète régulièrement que Boko Haram est « techniquement vaincu » a été très critiqué après la récente flambée de violence et l’enlèvement de Dapchi.


■ Analyse

Pour l’analyste politique nigérian, Chris Ngwodo, même si ces discussions aboutissent à un accord, cela ne mettrait pas un terme aux violences.

« L’annonce du gouvernement suscite beaucoup de scepticisme. Il y a un lourd passif autour de ces discussions avec les insurgés. Notamment depuis que l’administration précédente a établi des contacts successifs avec Boko Haram. Ces pourparlers avaient été entachés de fraude et l’administration de Goodluck Jonathan n’en était pas ressortie indemne. Ce qui semble différent avec ces discussions du moment, c’est que le gouvernement fédéral a ouvert des pourparlers de paix avec une faction bien spécifique des insurgés, à savoir celle d’Abu Musab al-Barnawi. La faction d’Abubakar Shekau a été très claire sur son rejet total de l’autorité de l’Etat. Il serait intéressant de voir si une des conditions d’un éventuel accord avec la faction al-Barnawi implique une coopération militaire et que les combattants puissent servir à infiltrer la faction Shekau. Dans tous les cas, même si un accord était conclu avec la faction d’al-Barnawi, je pense que cela ne changerait pas la stratégie de Shekau ni son recours à la violence. Ça ne mettrait pas un terme aux hostilités. »

 

rfi