Où en est le Sénégal, à trois ans des Jeux olympiques de la jeunesse 2022 ?

Le 8 octobre 2018, le Sénégal a été désigné hôte des Jeux olympiques de la jeunesse 2022, les premiers JO sur le sol africain. Quatre mois plus tard, le pays a de nombreux défis à relever pour être prêt à temps. Explications.

De notre envoyé spécial à Dakar et à Diamniadio,

« Ce sera une bonne expérience pour tous ces jeunes qui vont venir pour les Jeux de découvrir le Sénégal, de visiter mon pays. Je pense qu’ils vont beaucoup l’aimer. On sera en tout cas ravi de les accueillir. » En 2022, Fatima, jeune apprentie tenniswoman de l’Olympic Club de Dakar, sera encore en âge de disputer les Jeux olympiques de la jeunesse (JOJ), un événement sportif réservé aux athlètes âgés de 15 à 18 ans. Du haut de ses 14 ans, elle rêve d’être de la fête, qui aura lieu pour la première fois sur le continent africain. « Ce serait une belle opportunité pour moi », glisse-t-elle timidement, assise dans les gradins d’un court, après son entraînement, en cette douce après-midi de janvier.

Le 8 octobre 2018, le Sénégal a été préféré au Botswana, au Nigeria et à la Tunisie, pour abriter ces JOJ 2022, pour le plus grand plaisir des Sénégalais. « Nous sommes fiers, en tant qu’Africains, que les premiers Jeux olympiques en Afrique aient lieux chez nous, sourit Allé, chauffeur de taxi. Si je peux, j’irais assister aux épreuves d’athlétisme et de football ».

« Les années passent très vite et 2022, c’est déjà proche »

Quatre mois après la désignation du Sénégal par le Comité international olympique (CIO), l’enthousiasme de la population pour cet événement est cependant un peu retombé. Abou Berthe est le gérant de l’emblématique Olympique Club de Dakar où est censé avoir lieu le tournoi de tennis, en 2022. Pour lui, il ne faut surtout pas s’endormir sur ses lauriers. « Les Sénégalais sont très fiers. Ça a été un peu une surprise aussi. Parce que la décision est tombée assez vite, en l’espace de quelques semaines, rappelle cet entraîneur et ex-joueur de bon niveau. Les années passent très vite, et 2022 c’est déjà proche. Il faut s’y mettre dès maintenant. Nous recevons, donc il faut mettre le paquet sur la préparation de nos jeunes afin que le pays soit bien représenté ».

Diamil Faye, patron de la société de conseils Jappo Sports Entertainment, consultant en sports et fin connaisseur du monde de l’olympisme, ne dit pas autre chose. Il rappelle que le CIO voulait absolument que ces JOJ aient lieu en Afrique. Le processus de candidature a donc été facilité. « Si le Sénégal était passé par les étapes traditionnelles, les choses seraient peut-être beaucoup plus simples, glisse-t-il, estimant que les Sénégalais vont découvrir progressivement certaines difficultés. Les gens ne doivent pas oublier que le Sénégal va accueillir pour la première fois un événement multisports. Un événement de ce type n’a rien à voir avec l’organisation d’une compétition unisport (sic) comme la Coupe d’Afrique des nations de football ou un Championnat d’Afrique de basket-ball. C’est une combinaison de plus de vingt disciplines sur un laps de temps très très court. Il y a évidemment le défi des infrastructures qui est énorme ».

LA CARTE DES JOJ 2022.

Infrastructures : une situation très contrastée

Sur le plan des installations, la situation est actuellement très contrastée. Certaines structures censées accueillir des épreuves sont flambant neuves et ne demandent qu’à être utilisées, comme la Dakar Arena (salle polyvalente de 15.000 places), l’Arène nationale de lutte (20.000 places) et le Dakar Expo Center.

D’autres, comme le Stade Iba Mar Diop ou la Piscine Olympique, situés en plein Dakar, ont besoin d’être rénovés.

Enfin, le futur village olympique de la jeunesse, où logeront les jeunes athlètes, est loin d’être achevé. Les participant(e)s prendront en effet place à proximité de la future Université Amadou Makhtar Mbow de Diamniadio, dans des logements étudiants. Antoine Goetschy, le Directeur associé des Jeux olympiques de la jeunesse, se montre toutefois confiant. « Honnêtement, on a été extrêmement impressionné par la rapidité et la qualité des constructions qui ont été réalisées récemment, que ce soit l’Arène nationale de lutte, la Dakar Arena, le Dakar Expo, ou la ligne de train construite entre Diamniadio et Dakar, souligne le Français. Pour le moment, je ne vous cache pas que les délais sont assez courts, surtout avec des constructions d’une certaine ampleur. […] On n’est pas inquiet mais on va suivre ça de très près ».

Quant au futur grand stade de Diamniadio, dont la livraison est prévue à côté de la Dakar Arena pour 2020, mais qui reste à l’état de terrain vague, le CIO ne compte pas dessus pour le moment. Cette enceinte n’avait de toutes les façons pas été intégrée au dossier du Sénégal pour les JOJ 2022. « C’est une opportunité supplémentaire, résume Antoine Goetschy. On n’a pas reçu beaucoup d’informations à ce sujet. Pour le moment, c’est le Stade Iba Mar Diop qui est censé accueillir les épreuves d’athlétisme ».

Une organisation à mettre en place

Pour Diamil Faye, ce ne sont néanmoins pas les infrastructures qui nécessitent le plus d’efforts. « Il y a aussi un défi au niveau des ressources humaines ainsi que d’autres défis techniques auxquels les personnes qui n’ont pas l’habitude de ces événements-là ne vont peut-être pas penser tout de suite », poursuit-il.

Sur ce point, Antoine Goetschy se montre également rassurant, même s’il n’y a toujours pas de comité d’organisation local pour ces JOJ. « On ne peut pas dire que rien ne s’est passé depuis octobre 2018. On est retourné à Dakar depuis son élection. On a juste confirmé les grandes lignes de la candidature, explique-t-il. Aujourd’hui, on est dans une phase où le travail est davantage du côté du CIO que du côté de Dakar ou du Sénégal ».

Pour l’heure, le Comité international olympique évalue notamment avec les fédérations internationales sportives quelles disciplines pourraient figurer au programme des JOJ 2022. Un programme plus précis devrait ainsi être présenté, sans doute vers mars-avril 2019. « Pour le moment, on n’a pas attribué de sport aux sites potentiellement utilisables, ajoute Antoine Goetschy, ancien champion du monde de kayak. On aura une liste de sports d’un côté et une liste de sites possibles de l’autre. Il y a un exercice de rapprochement des deux à faire, peut-être autour du mois de juin 2019. On va travailler avec Dakar mais aussi avec des experts, pour faire gagner du temps à tout le monde et ne pas avoir à réinventer la roue. On effectuera sans doute des visites supplémentaires, après le élections présidentielles ».

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Des précisions à apporter

Une fois le scrutin présidentiel du 24 février passé, plusieurs questions cruciales devront être rapidement tranchées, dont les dates auxquelles se tiendront les JOJ 2022. « Au Sénégal, entre mi-juin et septembre, c’est la saison des pluies, rappelle Diamil Faye. C’est très difficile d’organiser quelque chose à ce moment-là. En termes de scolarité, c’est peut-être la meilleure période, car les écoles sont fermées. Mais d’un point de vue pratique, ce n’est pas l’idéal. Il y a donc deux options : soit avant juin, soit après septembre ».

Pour l’heure, le Sénégal et le CIO mise surtout sur le mois de mai et début juin, avant la saison des pluies et après le Ramadan. Mais cette option laisse moins de marge pour être prêt à temps.

Par ailleurs, concernant le coût des JOJ 2022, le budget opérationnel de 150 millions de dollars prévu dans la candidature dakaroise resterait d’actualité. Soixante millions seraient à la charge du Sénégal, 60 à celle du CIO et les 30 restants devraient faire l’objet de discussions. L’objectif étant évidemment d’éviter une hausse exponentielle.

Une philosophie différente

Tous les experts semblent en effet s’accorder sur un point : ces Jeux olympiques de la jeunesse 2022 représentent une chance de rompre avec certaines mauvaises habitudes passées. Notamment celle qui consiste pour une ville organisatrice des Jeux à mettre tous les moyens supplémentaires requis pour répondre à un cahier des charges prédéfinis, et ce quoiqu’il en coûte.

L’idée, cette fois, officiellement, c’est que les JOJ s’adaptent à leur terre d’accueil et non pas l’inverse. « On a déjà mis en place ce processus avec Buenos Aires en 2018, assure Antoine Goetschy. On est dans cette approche, que ce soit pour les Jeux olympiques de la jeunesse ou pour les Jeux olympiques. L’adaptation au contexte locale et mettre en œuvre des Jeux qui font du sens, ce sont vraiment des priorités de notre part. […] Au lieu de rentrer dans une logique de standardisation et de franchise, on rentre davantage dans une logique d’adaptation, de couleurs et de particularités locales qui vont faire que cet événement sera un succès ».