PALUDISME : VERS UNE CARTOGRAPHIE NATIONALE DES GÈNES DE PARASITES POUR SURVEILLER LA MALADIE

Un projet conjoint de l’Université Cheikh-Anta-Diop (UCAD) de Dakar et du Programme national de lutte contre le paludisme (PNLP) envisage d’utiliser pour la première fois la génomique pour surveiller et prendre en charge le paludisme, grâce à une cartographie des gènes des parasites responsables de cette maladie à travers le pays, a annoncé mardi le professeur Daouda Ndiaye, chef du département de parasitologie de l’UCAD.

Le projet financé par la Fondation Bill-et-Melinda-Gates, avec l’accord de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a démarré le 1er janvier et devrait durer trois ans, a précisé M. Ndiaye en marge d’un atelier d’information à l’intention d’une quarantaine de professionnels de la santé venus de 11 régions du Sénégal, au centre de santé de Thiès.

Il sera mis en œuvre dans une dizaine de régions du pays et une cinquantaine d’établissements de santé. Des programmes de recherche et de lutte contre le paludisme en Gambie vont prendre à la mise en œuvre du projet.

Selon le professeur Daouda Ndiaye, cette initiative sera lancée officiellement “le 17 ou le 18 février” prochain à Dakar, en présence de représentants de la Fondation Bill-et-Melinda-Gates, de l’OMS et d’autres partenaires.

“La génomique est un outil qui permettra de typer le parasite’’, le but étant de pouvoir “dire que le parasite observé sur une personne vivant à Dakar est un parasite de Kolda ou de Ziguinchor par exemple”, a expliqué M. Ndiaye.

Le chercheur sénégalais y voit un instrument venu compléter l’architecture des indicateurs avec lesquels le Sénégal veut éliminer le paludisme d’ici à 2030.

Cet outil jugé innovant permettra de vérifier l’élimination supposée de la maladie dans une zone donnée, en disant si les parasites impliqués dans les cas présumés importés dans une région viennent d’ailleurs ou existaient déjà dans la zone en question, selon Daouda Ndiaye.

Le profil génétique d’un parasite peut varier d’une région à une autre, d’un département à un autre, d’une commune à une autre, d’un quartier à un autre, explique-t-il.

Selon le chercheur, ce projet étendra à l’ensemble du Sénégal la cartographie des parasites, qui est déjà réalisée dans certaines régions, dans le cadre d’un projet pilote, afin de reconnaître les parasites locaux et étrangers.

Le diagnostic, qui était jusque-là utilisé par le système de santé, ne permettait pas d’avoir ce niveau de précision, dit-il, précisant que la génomique sera utilisée aussi bien dans la prévention, la prise en charge que dans la stratégie d’élimination du paludisme.

Les acteurs pourront y recourir à l’aide de tests de dépistage rapide, mais aussi pour jauger l’efficacité des médicaments utilisés en anticipant sur la résistance des gènes aux molécules administrées.

La génomique permettra de faire le suivi de l’évolution du nombre de cas dans une région.

Selon Daouda Ndiaye, des sites sentinelles ont été choisis pour aider à “traquer le parasite en temps réel”, grâce à une collaboration entre la recherche et le niveau opérationnel, à savoir les postes de santé, les hôpitaux, etc.

Des enquêtes seront de même menées dans les écoles et les “daara” (écoles coraniques), auprès des femmes enceintes, pour suivre la maladie.

Grâce à la génomique, des études menées lors d’une phase pilote dans la zone nord du pays, qui est au stade de pré-élimination du paludisme, avaient permis de savoir que des cas présentés comme étant importés par les transhumants résultaient en réalité d’une transmission locale, a expliqué M. Ndiaye.

L’intégration de la génomique dans les indicateurs de l’élimination du paludisme, testée pour la première fois au Sénégal, pourrait être généralisée dans le monde, si les résultats s’avèrent concluants.

L’OMS a besoin, pour ce faire, d’un indicateur montrant que des parasites ne circulent plus dans le pays, pour certifier que le Sénégal est indemne du paludisme.

La génomique est d’une “importance capitale” dans la mesure où elle permet d’avoir “une lisibilité” de la stratégie de lutte contre le paludisme, a dit le médecin Doudou Sène, coordonnateur du PNLP.

Elle permettra, par exemple, de dire si les 300.000 cas par an répertoriés au Sénégal, viennent effectivement du pays ou de l’étranger, a-t-il expliqué. Ce qui devrait aider à développer des stratégies pour éviter la réintroduction du paludisme au Sénégal, après son élimination.