Son dernier album «Ecouter» de 16 titres, fait sensation actuellement. Epilogue de quatre années d’absence, il signe son retour en grande pompe sur la scène sénégalaise. Pape Diouf, leader de la génération consciente nous fait ici l’économie de cet opus riches en thèmes et sonorités. Occasion toute trouvée pour lui de parler de la musique, de sa carrière, de son fils, son complice, de sa femme, son amazone. L’artiste se lâche comme jamais…
Vous avez sorti récemment un album de 16 titres qui a surement nécessité un travail de longue haleine. Peut-on revenir sur les étapes de ce travail ?
Un album, c’est comme un nourrisson. Une fois qu’il est muri et mis au monde, on ne peut plus faire marche-arrière. Son intégration aussi demande beaucoup de sacrifices. On l’a préparé techniquement et professionnellement. Ces 16 titres en réalité, je ne les considère même pas comme un exploit. La musique sénégalaise mérite tous les sacrifices. J’ai enregistré en gros plus de 35 titres. Mais après concertation avec le staff de la « Génération consciente », on a décidé de sortir pour l’instant les 16. L’album devait être un cadeau de fin d’année, c’est une promesse que j’avais faite aux Sénégalais. Mais avec les restrictions liées à la pandémie, il y a eu blocage. On ne voulait pas être confronté à un défaut de communication. Nous avons alors décidé de prendre le temps idoine avant de le mettre à la disposition du public.
La qualité et le contenu de l’album ont été positivement appréciés. Mais force est de constater qu’actuellement, les artistes préfèrent sortir les singles. Pourquoi vous avez choisi de faire un album en sachant que sa production n’est plus rentable ?
D’abord, je remercie les fans. On est actuellement à l’ère du numérique. Toutes les études marketing et sondage se font à travers les réseaux sociaux. Et je rends grâce à Allah parce que je commence à voir l’effet escompté. Les morceaux sont en train d’être chalengés sur Tik-Tok, les autres réseaux de ce type et partout dans le monde. Les Sénégalais l’ont accueilli à bras-ouvert. Je suis un musicien, un métier qui m’a toujours passionné, par conséquence, je me donnerai à fond pour satisfaire ma communauté, mon public. Si je pouvais sortir tous les 35 titres déjà enregistrés, je l’aurais fait. C’est pourquoi, je ne suis pas d’avis avec ceux qui disent que la musique sénégalaise a connu une chute. La musique sénégalaise englobe sa propre identité avec l’emblème de plusieurs cultures. Aujourd’hui, les 20 % ne sont pas encore exploités. Il faut avoir le culte du travail, de l’effort et de la volonté pour pouvoir y arriver. La musique est un vecteur de développement. La preuve, prenons l’exemple des États-Unis, la première puissance au monde. La musique et le sport restent les piliers de développement.
«C’est un message d’alerte que je lance à la société sénégalaise»
Quels sont les thèmes développés dans l’album ?
Comme vous le savez déjà, l’album contient 16 titres. Le premier est intitulé « Damani ». C’est un message d’alerte que je lance à la société. Il y a beaucoup de tensions actuellement au Sénégal. Et la communication est la base de toute de toutes choses. Je peux dire même qu’elle constitue la condition de toute entente sociale. Comme je l’ai dit dans le morceau, rien ne vaut la paix. La compassion et l’indulgence sont tout autant des qualités qui doivent animer toute bonne personne. Aujourd’hui, nous sommes tous témoins de ce qui se passe dans le monde politique. Il y a toujours eu la pluralité de parties politiques et des opposants, mais il n’y avait pas eu tant d’animosité et de coups bas. Cette violence est présente dans les foyers, les familles, dans la rue, partout et c’est vraiment désolant. C’est pourquoi, j’ai porté mon choix sur des enfants de moins de 15 ans pour qu’ils assurent les chœurs. D’ailleurs mon fils Mohamed fait partie de la bande. Ce choix n’est pas fortuit. L ’enfant est le symbole de l’innocence, de la pureté et de la compassion. La vérité sort toujours de la bouche des enfants comme le dit l’adage. C’est une façon à moi de toucher la sensibilité du public. Le deuxième titre est intitulé « Superman love ». Les tubes d’amour ont une place importante dans ma carrière. Je ne peux m’empêcher de chanter l’amour. Le troisième titre, je l’ai dédié aux « Guéer ». Ce sont des nobles, des grands cœurs. Je voulais encore une fois chanter cette relation bienveillante qui existe entre les nobles et les griots. Les nobles sont nos bienfaiteurs et nous griots, nous sommes leurs bras droits. Cette relation de complémentarité a commencé depuis nos aïeuls. On peut dire que c’est ce qui fait le charme de la culture sénégalaise. Le quatrième titre parle de la sécurité routière, un thème qui est en ce moment au cœur de l’actualité. Je profite d’ailleurs de l’occasion pour présenter mes condoléances au Sénégal entier sur la tragédie de Sikilo. Je présente mes condoléances à toutes les familles éplorées. Je sensibilise les chauffeurs. Le son est en quelque sorte, un rappel des codes de la route. Ne pas se lancer dans des causeries quand on conduit, bien se reposer avant de conduire etc. Tout comme les chauffeurs, les piétons doivent aussi bien regarder la route avant de traverser. Aussi, avoir la culture de toujours prendre la passerelle. Le morceau doit faire le tour du monde parce qu’il éveille. Le 4e titre est intitulé «kalanté» qui parle de la relation de cousinage entre sérère, diola, toucouleur etc. Il n’y a pas longtemps, j’ai été témoin d’une tragédie entre famille Diola et toucouleur. Une chose très regrettable. Ces plaisanteries ont toujours rythmé les relations entre les ethnies. C’est ce qui a toujours facilité le brassage culturel. Je peux même dire sans exagérer qu’au Sénégal, c’est le cousinage qui nous a toujours évité de sombrer dans les guerres raciales, la xénophobie, le misogynie… C’est pourquoi, j’ai fait ce morceau pour un rappel historique. On ne doit pas se laisser emporter par la modernité. Le 6e son est intitulé « Alam-bi ». À l’honneur, la nature et de la femme. J’ai rendu un vibrant hommage à la gent féminine. Tout part de la femme. Alors on doit la chérir et la protéger. J’ai lancé aussi un appel à la protection du règne animal et végétal. Récemment j’ai été nommé comme étant ambassadeur de la nature par une fondation nommée «African community» basée en Amérique. J’ai aussi chanté dans l’album, «Amoré» et Pithie-mi», deux titres dans lesquels j’ai encore chanté l’amour. J’ai aussi abordé le thème de la sincérité. La sincérité est une vertu. Elle doit régir toute relation humaine. Une personne doit être véridique et avoir surtout de la reconnaissance. Il y a aussi un autre titre intitulé, «Yalla noppina » pour dire c’est le Tout-Puissant qui détient l’Alpha et l’Omega. C’est lui qui donne à qui il veut et qui égare qui il veut. Il n’est jamais trop tard pour atteindre notre objectif. L’essentiel est de ne pas rester oisif. Il faut rester toujours stoïque et endurant. Il y a aussi « Dioma niaw», un message adressé aux hommes, de ne pas considérer les jeunes filles comme leur proie. Ce sont nos sœurs et mères. Aujourd’hui, s’il y a beaucoup de divorces c’est parce que ce qu’ils vendent du rêve aux femmes pour gagner leurs cœurs. Une fois le mariage scellé, elles se heurtent aux réalités. Il faut rester naturel et authentique. J’ai aussi dédié un son spécifiquement aux fans et aux mélomanes. C’est grosso modo, ce qui constitue l’album «Ecoutez».
« Avec Universal music, c’était une collaboration sur deux ans. Elle est arrivée à échéance »
Pourquoi avoir choisi un tel titre ?
Écouter, pour dire discerner et saisir le message. Être de toute ouïe, c’est le premier degré de la communication. L’opus est constitué de messages, d’alertes et de rappel. C’est important de conserver nos valeurs et cultures. Dans toute l’Afrique, le Sénégal reste le seul pays qui garde encore une certaine stabilité. Nous devons tous consolider nos forces pour maintenir cette stabilité. C’est un sujet qui nous interpelle tous. C’est pourquoi j’ai dit au public écouter et j’attends vos retours.
Vous accentuez l’album sur le Mbalax comme toujours. D’aucuns pensent que vous avez peur d’explorer d’autres styles musicaux, qu’en dites-vous ?
La musique, c’est un long chemin à parcourir. Ce n’est pas une course de vitesse. A chacun son identité. Je félicite Youssou Ndour sélectionné parmi les 200 artistes de tous les temps devant Bob Marley et Michael Jackson. J’ai toujours dit qu’il est mon idole. J’aurais aimé qu’il soit le premier. Youssou a longtemps défendu le drapeau national. Le Mbalax doit être porté à l’échelle internationale. Prenons l’exemple des Nigérians, leur style musical a atteint une dimension internationale. C’est parce qu’ils sont fidèles à leur culture. Je pense que nous devons faire pareil. Aujourd’hui, si je suis connu dans le paysage musical c’est grâce au Mbalax. J’ai fait le Zénith de Paris, j’ai fait le tour du monde grâce au Mbalax. L’essentiel est que les fans soient contents. On doit exploiter et plus développer notre culture.
Où en est votre collaboration avec Universal Music ?
C’était une collaboration sur deux ans pour une promotion internationale. Mais depuis la naissance de mon label PDG (Pape Diouf Groupe), j’ai une certaine autonomie. La preuve en est que le gala de l’éducation que j’ai organisé dernièrement à Paris. C’est nous qui l’avons organisé et avons supporté tous les frais, sans l’appui d’un promoteur ou d’une maison de disque. J’ai eu une très bonne collaboration avec Universal et j’en ai tiré des expériences. On a réalisé un album international et vous avez vu Pape Diouf sous d’autres facettes. Notre collaboration est arrivée à échéance. Maintenant, le nouveau challenge, c’est de décoller de nos propres ailes. C’est ça la vie. Toujours quitter d’un point A vers un point B.
Vous le disiez, vous êtes très engagés pour l’éducation avec l’organisation récemment d’un gala dédié à la cause académique. Comment vous est venu cet engagement ?
J’ai été témoin d’une horrible scène. Un élève qui devait parcourir des villages pour aller à l’école. Un jour, il a été victime d’un terrible accident, le véhicule l’a mortellement percuté. Depuis j’ai décidé de m’engager dans la cause en tant que leader d’opinion. J’organise un évènement chaque année dont les contreparties seront destinées à la construction de nouvelles écoles. En tant que porteur de voix et leader d’opinion, j’ai voulu m’engager dans l’éducation. C’est ainsi que chaque année, j’organise un évènement qui me permet de construire des classes pour les enfants. C’est une manière pour moi de participer à l’éducation nationale. D’ici peu, nous irons poser les premières pierres dans les sites choisies.
Depuis quelque temps, vous vous faites rares sur les grandes scènes tel que le Grand théâtre. Vous aviez programmé une soirée au Dakar Aréna. Où en êtes-vous ?
La musique est notre métier. Si cela ne dépendait que de moi, chaque jour je me produirais sur les scènes, mais Dieu a en voulu autrement. L’évènement de Dakar Aréna, nous l’avions programmé mais juste après la Covid est venu. Nous étions obligés de le renvoyer à une date ultérieure. Avec mon équipe, nous nous sommes dit de ne pas nous précipiter. Nous avons ainsi décidé de sortir un album pour pallier à ce manque. Je peux vous assurer qu’au courant de l’année 2023, nous allons nous produire nationalement tout comme à l’international. Dakar Aréna fait toujours partie de notre plan. Nous sommes en train de d’y travailler et de dérouler un business plan.
A presque 50 ans, quelle suite voulez-vous donnez à votre carrière ?
L’avenir dépend du Tout-Puissant. Mais je suis toujours dans le secteur de la musique avec une conscience tranquille et sereine. Je prie Dieu pour qu’Il m’accorde une longue vie et une santé fer pour atteindre mon objectif. Seul Dieu sait ce que l’avenir nous réserve.
«Ma femme prend bien soin de moi. Elle m’aide à m’accomplir artistiquement et humainement»
Depuis plusieurs années vous êtes dans la musique. Comment entretenez-vous votre voix ?
Ma femme prend bien soin de moi. Je mange très bien. J’ai une très bonne hygiène de vie, je respecte ma religion. Je rends grâce à Dieu et je garde toujours cette joie de vivre. Je me suffis à moi-même et du peu que j’ai. Je partage avec ma famille et les personnes avec qui je suis.
Dans vos chansons, vous rendez tout le temps hommage à votre femme. Quel est aujourd’hui le secret de votre complicité ?
Je crois en la famille car elle est très importante. La famille est très large et vaste. Aujourd’hui, ma femme est ma moitié. Elle est toujours au-devant de la scène et m’aide à m’accomplir artistiquement et humainement. Je ne l’ai jamais sollicitée, elle prend des initiatives, c’est une femme battante. Aujourd’hui, elle représente pour moi une amazone, une première dame. Celle qui m’aide sans rien attendre en retour. Je suis vraiment chanceux de l’avoir à mes côtés.
Pape Diouf est décrit comme un papa poule. Votre fils Mouhamed est toujours à vos côtés, dans votre album, il a fait partie des chœurs. Est-ce qu’aujourd’hui, on peut dire qu’il peut être la relève ?
L’avenir est entre les mains du Tout-Puissant. Mais, je fais de tel sorte de donner à mes enfants, l’éducation que j’ai reçue de mon père. Mon père était un homme de Dieu avant tout. Les études sont la base de tout dans la vie. Mouhamed est mon ami en plus d’être mon complice. C’est la raison pour laquelle, je l’amène souvent dans mes déplacements.
Seriez-vous d’accord s’il décidait de devenir chanteur comme vous ?
Bien sûr ! Pour moi, le plus important c’est qu’il y mette de l’abnégation et du sérieux. Moi, quand j’ai commencé à chanter, je le cachais à mon père car il ne voulait pas que je chante. Pourtant aujourd’hui, c’est grâce à la musique que je suis devenu, ce que je suis. Je vis de ça. Il m’a amené à l’école coranique, ensuite à l’école française. Malheureusement, je n’étais pas trop porté sur les études. C’est ainsi qu’il m’a incité à apprendre un métier aux Parcelles. En semaine, je n’étais pas à la maison et je ne rentrais que les week-end généralement. Je m’y suis donné corps et âmes, j’ai finalement atterri dans la musique. J’ai intégré le Lemzo Diamono durant plusieurs mois sans que mon père ne soit au courant. Personne ne sait de quoi demain sera fait mais si mon fils décidait de devenir chanteur, cela ne me dérangerait pas.
Regrettez-vous de n’avoir pas réussi dans les études ?
Non, je ne suis pas du genre à avoir des regrets, quelques soient les revers. Personne ne peut échapper à son destin et tout arrive pour une raison. On peut réussir dans la vie et échouer dans les études, la preuve, derrière beaucoup de succès- story, se cachent des analphabètes. Je reconnais tout de même que les études constituent un puissant levier dans un pays. Que serait un pays sans intellectuels ? Par rapport à mon métier d’artiste, j’ai amassé pas mal d’expériences qui me servent dans mon quotidien. Cela veut dire, qu’il n’est jamais trop tard pour apprendre.
«Mon rêve est de jouer à «You Aréna» en France. Ce serait une consécration»
Quel est votre rapport avec la célébrité ?
Je ne crois pas au succès, je ne le vis même pas. Le succès est éphémère. Pour moi ce qu’il faut, c’est être constant. J’ai été révélé au public sénégalais grâce au morceau «Cocorico», c’était en 1998. Jusqu’aujourd’hui je parviens à être présent sur la scène. Les sénégalais me connaissent, je n’ai pas besoin outre mesure de tirer la couverture sur moi. La religion musulmane prône d’ailleurs l’humilité.
Dans la musique sénégalaise le nom de Pape Diouf est toujours opposé à celui de Wally Seck. Comment vivez-vous cette dualité ?
Non, je ne ferais pas de commentaires là-dessus. Ce sont sans cesse les mêmes questions et pour moi, ce sont des détails. Il y a beaucoup de choses à dire plutôt que d’épiloguer sur une dualité.
Cela ne vous dérange pas que cela revienne sans cesse ?
Je ne veux pas y revenir franchement !
Y a- t-il une scène qui vous fait particulièrement rêver où vous aimeriez vous produire ?
Le «You Aréna» en France. Il compte 45 milles et j’aimerais un jour m’y produire avec mon orchestre. Ce serait une sorte de consécration pour moi. igfm
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