[Portrait 2/6] Philippe Olivier: de l’ombre à la lumière

Il fait partie des 22 eurodéputés Rassemblement national (RN) qui prennent leurs fonctions dans le nouveau Parlement européen : Philippe Olivier conseille depuis plus de deux ans la présidente du RN dans l’ombre. Longtemps classé parmi les « traîtres » au sein du parti, le beau-frère de Marine Le Pen fait donc son retour dans la lumière en devenant parlementaire européen. Deuxième épisode d’une série de portraits de personnalités françaises qui font leur entrée au Parlement de Strasbourg le 2 juillet.

« Pour des prisonniers, on est plutôt bien accueillis ! » Philippe Olivier a l’humeur badine. Quelques semaines après son élection, le conseiller spécial de Marine Le Pen, qui a coutume de parler d’une Union européenne « carcérale », prend ses marques au Parlement européen. À 58 ans, Philippe Olivier va enfin mettre les mains dans le cambouis et il en est persuadé : « C’est le bon moment. »

À la droite de Marine

Sa priorité, parfois à rebours de certains dans le parti : la lutte contre l’immigration, « un dossier structurant aujourd’hui en Europe ». Allusion au discours anti-migrant tenu par plusieurs alliés européens du RN (Italie, Autriche, Allemagne) et par les partis au pouvoir en Pologne et en Hongrie que Marine Le Pen aimerait attirer dans le groupe qu’elle a formé au Parlement. Sa méthode : « Être avant tout un député français au Parlement européen ; se demander, à chaque dossier, quel est l’intérêt de la France, des pêcheurs ou des agriculteurs français en la matière. Pas celui des autres pays. »

« J’ai l’enthousiasme de mes 18 ans, car je vais vivre la recomposition. C’est un moment historique. » Engagé à l’extrême droite, terme qu’il récuse – « les journalistes refusent de voir que les clivages ont bougé » -, Philippe Olivier se définit aujourd’hui comme « républicain, national et social ». Pour lui, les victoires aux élections européennes du RN, de la Ligue (Italie), du Fidesz (Hongrie) ou du PiS (Pologne) marquent un tournant. Si le camp nationaliste arrive en ordre dispersé au Parlement, « le courant, fort d’environ 200 députés, votera ensemble sur des sujets importants, comme l’immigration, et ça, c’est nouveau », explique-t-il. Avec 73 élus, le groupe dans lequel siège le RN est en réalité loin de pouvoir bloquer des décisions ou modifier les traités.

Famille et politique

En 2019, Philippe Olivier fête sa quarantième année de militantisme. Un parcours sinueux où la vie personnelle se mêle à l’engagement politique. C’est en 1979 qu’il entre au Front national (FN). Quelques années plus tard, il épouse la fille aînée de Jean-Marie Le Pen, Marie-Caroline. Ce qui ne l’empêche pas de trahir le clan et de partir, avec elle, rejoindre le Mouvement national républicain (MNR) de Bruno Mégret, dauphin désigné du patriarche qui quitte le parti. C’est alors que se forge son image, solide dans le parti, de « traître ». Après l’échec du MNR, il revient dans le giron du FN, mais se présente à plusieurs scrutins locaux avec le soutien de Nicolas Dupont-Aignan. Défenseur d’une ligne identitaire, il devient conseiller de Marine Le Pen et s’oppose frontalement à Florian Philippot, tenant, lui, d’une ligne ni droite ni gauche. Philippe Olivier intègre les instances dirigeantes du RN en 2018, à l’issue du congrès, mais reste discret en ne s’exposant pas médiatiquement, jusqu’à son élection au Parlement européen.

Pourquoi ce retour au bercail ? Aujourd’hui, Philippe Olivier se dit « en parfaite osmose » avec la présidente du parti. « Jean-Marie Le Pen a eu le courage de porter le combat quand se dire nationaliste ou souverainiste était un gros mot. Marine Le Pen est allée plus loin, en ayant le courage de moderniser notre mouvement. Cette refondation, c’est ce pour quoi j’avais quitté le parti en 1998 », explique-t-il. Philippe Olivier le revendique : il est l’un des rares à avoir porté le combat du changement de nom du FN. « Aujourd’hui, on l’oublie, car le changement de nom s’est bien passé, mais on a pris un risque énorme avec Marine à l’époque », dit-il.

Gourou ou pas gourou ?

Son influence et ses conseils à la présidente du RN lui valent pourtant des critiques, notamment lors de la dernière campagne européenne. Pendant trois mois, Marine Le Pen multiplie les meetings. Le format est toujours le même : après le discours de la tête de liste qui « cogne sur des sujets qui marchent chez nos électeurs » (immigration, islam ou sécurité), la dirigeante d’extrême droite prend la parole pour une demi-heure. Un discours aux antipodes de Jordan Bardella : conceptuel, il est très écrit, pas forcément facile d’accès. « L’idée, c’est de développer nos nouveaux concepts, comme le localisme », plaide Philippe Olivier, dont les expressions se retrouvent dans les discours de Marine Le Pen. « En vrai, nous sommes plusieurs à avoir tenté d’expliquer qu’en campagne, il nous fallait être efficaces à la tribune, et éviter de parler par exemple de l’extraterritorialité du droit américain… Mais certains ont trop d’emprise », lâche un membre de l’équipe de campagne, refusant de citer le nom du conseiller de l’ombre. Philippe Olivier : gourou de Marine Le Pen ? « Faux, répond l’intéressé, je propose, elle dispose. » Une influence qui lui a tout de même permis de rentrer dans la lumière.

 

Rfi