Première comparution du jihadiste malien Al-Hassan devant la CPI

Le jihadiste malien Al Hassan a comparu, pour la première fois, devant la Cour pénale internationale (CPI) le 4 avril. Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud est suspecté de crimes contre l’humanité et crimes de guerre commis lors de l’occupation de Tombouctou en 2012, par al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et Ansar Dine. C’est la seconde fois qu’un membre d’Ansar Dine est envoyé à la CPI.

De notre correspondante à La HayeStéphanie Maupas

Debout, paumes posées sur son pupitre, le visage penché vers le micro, le suspect est laconique. Mohamed Abdelaziz Al Hassan, c’est ainsi que son avocat l’appelle devant la Cour, est né le 19 septembre 1977. Interrogé par le juge il explique avoir été informé des accusations portées contre lui et ne souhaite pas en entendre lecture.

Envoyé à La Haye par les autorités maliennes le 31 mars, suite à l’émission trois jours plus tôt d’un mandat d’arrêt placé sous scellés, ce Touareg originaire de Tombouctou avait été arrêté en avril 2017 par la force Barkhane. Fin mars, les juges avaient justifié le mandat d’arrêt en expliquant que « du fait de ses connaissances au sein de ces groupes », des groupes armés avec lesquels il avait poursuivi le combat jusqu’à son arrestation, « il pourrait bénéficier d’une aide à la fois pour échapper à la justice et pour interférer avec l’enquête » du procureur de la CPI.

Au cours de l’audience, le suspect, vêtu d’un costume bleu marine et d’une cravate à motifs, a évoqué des questions de « communication », mais à huis clos. Sans montrer une quelconque émotion, il avait auparavant simplement regretté avoir « été placé dans une pièce où il y avait une caméra de surveillance ». Résidant désormais dans une cellule de 2 mètres sur 5, M. Al Hassan a été placé sous surveillance. Une procédure commune aux nouveaux pensionnaires de la prison de Scheveningen dans les premiers jours de leur détention. Le juge a acté sa déclaration, et c’est son avocat de permanence, Yasser Hassan, qui a complété le propos. « Ses conditions de détention nuisent à sa dignité et au respect de sa vie privée ».

Suspecté de flagellations publiques

A ce stade, M. Al Hassan n’est que suspect. Les audiences de mises en accusation ont été fixées au 24 septembre. La décision sera rendue dans les trois mois qui suivent. Si les charges sont confirmées, il sera alors jugé. Mais entre l’arrivée des suspects à La Haye et l’ouverture de leur procès, le délai est en moyenne de deux ans.

Al Hassan Ag Abdoul Aziz Ag Mohamed Ag Mahmoud est poursuivi pour crimes contre l’humanité et crimes de guerre. Cet ancien commissaire de la police islamique de Tombouctou aurait commis des tortures, des viols, de l’esclavage sexuel, des persécutions pour motif religieux et sexistes, lors de l’occupation du nord Mali par Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI) et Ansar Dine.

Selon le mandat d’arrêt, il a participé « à l’exécution de châtiments infligés » par le tribunal islamique, « notamment la flagellation en public ». Il aurait aussi participé « à la politique de mariages forcés dont des Tombouctiennes ont été victimes, qui ont donné lieu à des viols répétés et à la réduction de femmes et de jeunes filles à l’état d’esclaves sexuelles. » M. Al Hassan est aussi suspecté d’avoir participé à la destruction des mausolées de Tombouctou.

Sur ce dernier chef d’accusation, son prédécesseur au banc des accusés de la Cour, Ahmed Al Mahdi, a été condamné à 9 ans de prison après avoir plaidé coupable. Il avait expliqué que les ordres étaient venus de Iyad Ag Ghali, le chef d’Ansar Dine. Et avait aussi accepté de coopérer avec le procureur.

Comme son prédécesseur, M. Al Hassan, un Touareg originaire de la région de Tombouctou, avait fui « la perle du désert » lors de l’arrivée des forces françaises en janvier 2013. Quelques jours plus tard, la procureure Fatou Bensouda, ouvrait une enquête à la demande des autorités maliennes. La procureure estime qu’en prenant le contrôle de Tombouctou, les deux groupes armés « ont imposé leur vision de la religion par la terreur (…) en dictant diverses règles et interdits touchant à tous les domaines de la vie publique et privée des Tombouctiens ». La police islamique, où émargeait le suspect, « visait à éradiquer tout comportement et toute pratique contraire à la vision religieuse partagée par les groupes armés AQMI et Ansar Dine. »

 

rfi