L’élection présidentielle de Taïwan, territoire revendiqué par la Chine populaire, cible comme Hong Kong de l’irrédentisme de Pékin, aura lieu le 11 janvier 2020. Un scrutin à tour unique particulièrement important dans le contexte actuel. Dimanche 29 décembre avait lieu un quatrième rendez-vous télévisé entre les trois candidats. C’était la première fois qu’ils pouvaient directement débattre.
De notre correspondant à Taipei,
Sans surprise, c’est la question des relations entre la Chine et Taïwan, archipel de 24 millions d’habitants, système démocratique depuis les années 1980, mais construit sur la base de l’ancien régime chinois, qui a retenu l’attention du débat télévisé entre les candidats à la présidentielle taïwanaise.
Taipei est sous la pression grandissante de Pékin depuis l’élection de Tsai Ing-wen en 2016. Cette dernière refuse de reconnaître le principe d’une « seule Chine » exigé par Pékin. Or, le principal parti d’opposition, le Kuomintang nationaliste de feu Chiang Kaï-chek (KMT), devenu par la suite la formation la plus favorable à un rapprochement avec la Chine de Mao, se démarque en proposant une position conciliante.
Dès sa première prise de parole, le candidat de l’ancien parti unique a donc vivement critiqué les positions indépendantistes de l’actuelle cheffe de l’État. Dans un style très théâtral, Han Kuo-yu s’est présenté comme étant le seul véritable défenseur de la République de Chine, nom officiel de Taïwan depuis 1949.
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La présidente, issue du Parti démocrate progressiste (PDP), a de son côté répliqué en accusant le Kuomintang de dérouler le tapis rouge aux intérêts chinois : « Nous ne laisserons pas Taïwan devenir un deuxième Hong Kong », a-t-elle lancé, appelant les électeurs à défendre la démocratie taïwanaise dans les urnes.
Depuis la fin de la loi martiale en 1987, Tsai Ing-wen est la deuxième présidente issue du PDP, après Chen Shui-bian entre 2000 et 2008. À l’époque, ce dernier s’était imposé devant un candidat indépendant, James Soong, arrivé deuxième devant le KMT, empêchant ainsi la convergence des voix pro-réunification.
Un troisième candidat – toujours le même – défend encore une troisième voie en 2020, à savoir une réunification douce. L’infatigable James Soong, candidat pour la quatrième fois – sans compter son ticket avec le KMT pour la vice-présidence en 2004 -, essaie de jouer les arbitres en attaquant tour à tour les deux grands partis.
Divergences entre les deux principaux candidats sur la question du nucléaire
Les chances de l’emporter restent infimes pour le fondateur du Qinmindang, mais James Soong, qui a commencé sa carrière comme premier secrétaire de Chiang Ching-kuo, fils du fondateur de Taïwan, pourrait néanmoins séduire quelques électeurs du Kuomintang. Il avait raflé 2,77% des voix en 2012 et 12,83% en 2016.
Au-delà de la question du rapport entre Taïwan et la Chine continentale, d’autres thématiques ont bien sûr été abordées par les candidats lors du débat. Mais il y en a eu peu. L’échange le plus riche a concerné la question du nucléaire civil.
Sur l’île de Taïwan, la terre tremble régulièrement. Le parti progressiste au pouvoir s’est donc fixé comme objectif de se débarrasser de l’atome avant 2025. Mais le candidat du Kuomintang Han Kuo-yu s’est prononcé de son côté en faveur de l’ouverture d’une nouvelle centrale nucléaire en cas de victoire le 11 janvier.
Han a demandé à ses électeurs de ne plus répondre aux sondeurs ou de mentir
Sur un autre registre, le débat a été marqué par plusieurs sorties de Han Kuo-yu contre les médias. Souvent décrit comme un « populiste », le maire de Kaohsiung s’est posé en victime d’une cabale médiatique. Il n’a serré la main qu’à un seul des cinq journalistes présents au débat, celui du China Times. Un média pourtant accusé de collusion avec le Parti communiste chinois.
À moins de 15 jours du scrutin, ce débat télévisé peut-il pour autant peser sur le résultat des élections ? C’est peu probable. Les trois candidats sont restés sur des positions déjà connues et n’ont pas fait de nouvelles annonces. Selon les dernières estimations parues ce lundi, la présidente sortante bénéficie toujours d’une longueur d’avance plus que confortable sur son adversaire.
Mais prudence : en novembre dernier, Han Kuo-yu avait demandé à ses supporters de ne plus répondre aux sondages voire de mentir. Il faudra par ailleurs suivre les législatives, le même jour. Certaines petites formations politiques pourraient ravir des sièges au PDP, où l’on se garde donc bien de crier victoire.
rfi