Plus de deux semaines après le second tour de l’élection présidentielle, le Pérou n’a toujours pas de vainqueur officiel. Le candidat de la gauche radicale Pedro Castillo est arrivé en tête avec 44 000 voix d’avance, mais son adversaire de la droite populiste et ultralibérale Keiko Fujimori conteste ce résultat. Elle exige l’annulation de 200 000 votes pour de supposées fraudes dans les régions pauvres et rurales des Andes et d’Amazonie qui ont voté très largement pour Castillo, alimentant une vague de haine raciste envers ces populations.
Ce mardi, ce sont des centaines de militaires en retraite, soutien de la candidate de droite Keiko Fujimori, qui ont manifesté mardi à Lima pour dénoncer des « fraudes » présumées lors du second tour de la présidentielle au Pérou. Arborant des drapeaux péruviens, des pancartes avec des slogans anticommunistes, ils étaient parfois vêtus de leurs uniformes.
Depuis plusieurs semaines, les partisans de Keiko Fujimori se déchaînent contre Pedro Castillo et ses électeurs, rapporte notre correspondante à Lima, Wyloën Munhoz-Boillot. « Pedro Castillo ne nous représente pas, c’est un ignorant qui ne connait même pas les tables de multiplications et n’a jamais ouvert un dictionnaire », affirme Liz.
Mais les commentaires sont encore plus rudes sur les réseaux sociaux, où l’on peut lire des propos racistes d’une violence inédite tels que : « Pedro Castillo est une ordure de cholo », un terme péjoratif pour désigner les Péruviens d’origine amérindienne ou encore « exterminons les provinciaux qui ont voté pour lui » et « violons leurs femmes ».
Tania Pariona, ancienne député indigène, impute ce torrent de haine à la candidate Keiko Fujimori : « En appelant à faire annuler le vote des populations indigènes des Andes et d’Amazonie, elle a fait ressurgir une vision coloniale et raciste. Pour Mme Fujimori et ses partisans, les habitants des zones rurales sont des ignorants qui ne savent pas voter. »
Comme Tania Pariona, des centaines de Péruviens venus des quatre coins du pays manifestent depuis plusieurs semaines à Lima pour veiller à ce que leur vote soit respecté et rejettent les insultes et menaces dont ils font l’objet.
« Le vote d’un professeur parlant le quechua vaut la même chose que celui d’un liménien multimillionnaire », explique Vero. « On ne va pas permettre la discrimination, poursuit Flor, notre vote sera respecté ! »
Le climat de haine qui règne au Pérou inquiète jusqu’au sein de la communauté internationale. La Haut-Commissaire des Nations unies aux droits de l’homme, Michelle Bachelet, a condamné les discours de haine et la discrimination et a appelé tous les Péruviens à accepter le résultat du scrutin. De son côté le Département d’Etat américain a qualifié les deux tours de l’élection présidentielle de « modèle de démocratie dans la région », ajoutant que le gouvernement américain soutenait « le fait qu’il soit nécessaire de donner le temps aux autorités électorales pour analyser et publier les résultats en conformité avec la loi péruvienne ».(et avec agences).
rfi