Présidentielle en RDC: choc et colère après l’annonce d’un report partiel

En République démocratique du Congo, l’opposition politique, mais aussi l’Eglise catholique et le Comité laïc de coordination qui avait mené la fronde anti-Joseph Kabila, ont vivement critiqué le report des élections dans certaines zones du pays, qualifié de « manoeuvre » « injustifiable ».

La crise autour de la présidentielle en République démocratique du Congo (RDC) déjà trois fois reportée a pris une nouvelle tournure ce 26 décembre après l’annonce d’un nouveau report, partiel cette fois, des élections dans deux régions du pays.

Dans les villes de Beni et Butembo au Nord-Kivu mais aussi dans le territoire de Yumbi dans la province du Maï Ndombé, les élections qui devaient se tenir ce 30 décembre sont reportées au mois de mars. Les électeurs de ces régions, soit 1,25 million de Congolais, seront privés du droit d’élire le nouveau président, vu que les résultats définitifs de la présidentielle seront annoncés mi-janvier.

L’opposition a qualifié d’« injustifiable » ce report partiel qui vise, selon elle, ses bastions anti-Kabila. « Cette nouvelle manoeuvre montre que le régime veut s’éterniser pour continuer le pillage », a réagi sur Twitter l’opposant en exil Moïse Katumbi, qui soutient la candidature de Martin Fayulu.

« Les élections doivent se passer sur toute l’étendue de la République et au même moment. C’est ça la loi, a déclaré Gédéon Sépe Ngwa, président des jeunes du parti historique d’opposition Union pour la démocratie et le progrès sociale (UDPS) au Nord-Kivu. Ce que nous préparons, c’est le soulèvement populaire, chasser Kabila pour que nous ayons des élections, parce qu’avec Kabila, ça devient un rêve, ça n’aura plus lieu ». Le président de l’UDPS, Félix Tshisekedi, est l’autre principal candidat de l’opposition.

« On nous prend pour des c… », a tempêté sur Twitter Leonnie Kandolo, du Comité laïc de coordination catholique à l’origine de trois marches anti-Joseph Kabila en début d’année. « C’est une décision très grave. Il y a quelque part un agenda caché », a déclaré de son côté le porte-parole et secrétaire général de la Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco), l’abbé Donatien Nshole.

Le Conseil de l’apostolat des laïcs du Congo (CALCC) a également fait part de son indignation. « Le CALCC rejette catégoriquement cette décision unilatérale du président de la Ceni qui n’engage que lui, peut-on lire dans un communiqué publié ce 26 décembre. Le CALCC appelle ainsi les électeurs à se rendre massivement dans les bureaux de vote dimanche 30 décembre y compris dans « les circonscriptions menacées d’exclusion ».

Du côté de la société civile et des notables du Nord-Kivu, certains évoquent déjà la possibilité de déposer un recours devant la Cour constitutionnelle. De nombreuses voix s’élèvent en tout cas pour demander à la Céni de revenir sur sa décision de reporter le scrutin dans ces zones.

« Qu’est-ce que trois mois vont changer à la situation sécuritaire et sanitaire de Beni ? » demande ainsi un candidat aux législatives. Et de rappeler que l’épidémie d’Ebola n’a empêché personne de faire campagne. Comment donc empêcherait-elle la tenue des scrutins ce dimanche ?

« On ne peut pas tout arrêter »

Interrogé par RFI, le rapporteur de la Ceni Jean-Pierre Kalamba rappelle pour sa part « qu’en cas de circonstances exceptionnelles, si la Ceni ne parvient pas à organiser dans une ou plusieurs circonscriptions, la procédure est claire : on tient compte des voix valablement exprimées disponibles ».

On ne peut pas tout arrêter […] et ce n’est pas la première fois que ça arrive dans ce pays.
Jean-Pierre Kalamba, rapporteur de la Ceni
27-12-2018 – Par Patient Ligodi
Un ancien juge de la Cour constitutionnelle estime lui que la décision de la Ceni de reporter les élections à Beni-Butembo et à Yumbi est contraire à la Constitution. Pour Eugène Banyaku Luape Epotu, il n’appartient pas à cette instance administrative de décréter l’état de force majeure.

« Le report des élections relève de la compétence de l’exécutif, explique-t-il. Les cas de force majeure dans tous les Etats du monde ne se décrètent pas par une instance administrative. » Il précise que la Ceni a pris cette décision sur la base d’une « note administrative, une lettre qui était adressée par le ministre. Ce n’est pas un arrêté qui a été délibéré par le Conseil des ministres ».

 

Rfi