Après les plaidoiries des avocats de la défense, le procureur n’a pas jugé nécessaire de répliquer. Il s’est fié à son réquisitoire. Ce qui a décidé le juge à donner la parole aux accusés, qui en dernier lieu, ont saisi cette chance pour dire à la chambre leurs derniers mots. Certains ont décliné tandis que d’autres ont accepté volontiers de se soumettre à l’exercice. Tantôt pour clamer leur innocence, tantôt pour sermonner le juge. quelques extraits des derniers mots des accusés.
Mouhamed Ndiaye : “ Je rends grâce à Dieu qui met des épreuves ; nous lui demandons de nous rétribuer. Je suis né au Gabon et j’ai été éduqué par mon grand père. Avant d’aller en Mauritanie, je n’ai posé aucun acte délictuel au Sénégal. En Mauritanie où j’ai vécu 10 ans, je n’ai eu aucun problème. Je suis allé au Nigéria, je n’ai pas vu ce que je suis venu chercher et j’ai rebroussé chemin…”
Ibrahima Diallo : “Je suis certes allé au Nigéria, mais je n’ai pas eu satisfaction par rapport à mon objectif. À mon retour, j’ai été filé pendant un an et demi alors que je n’ai rien fait. Je vaquais à mes occupations sans rien tenter de nuisible contre mon pays. Dans le Coran, Dieu s’adresse à Daouda en ces termes : rendez justice en respectant la loi si vous ne voulez pas encourir la colère de Dieu!”
Saliou Ndiaye : “Je veux juste rappeler au procureur que nous avons la même mission. Nous le rassurons quant à ses objectifs. Nous nous posons encore des questions sur les raisons de notre emprisonnement. Je croyais être arrêté suite à un article de Jeune Afrique faisant état de l’imminence d’une attaque terroriste au Sénégal. Nous ne sommes pas encore édifiés sur notre sort. Nous ne faisons partie d’aucune association de malfaiteurs et n’avons envoyé aucun message à Imam. Nous prions pour que la paix règne au Sénégal…”
Latyr Niang : “Je suis innocent! Je ne peux avoir des projets sombres pour mon pays”
Abdou Aziz Dia : “Je maintiens mes propos tenus devant votre juridiction. Je suis revenu de mon propre gré et avec mes propres moyens. Les enquêteurs ont trouvé 500 francs par devers moi. Mes parents sont très âgés et ont besoin de leur fils pour les aider…”
Ibrahima Hann : “Nous vous remercions pour la sérénité dont vous avez fait montre. Nous ne remercierons jamais assez les avocats, car ils nous ont assistés au delà de nos espérances (…) Dès les premières heures de mon arrestation, on m’avait pourtant faire croire que je serai relâché parce qu’ils n’avaient rien trouvé contre moi. Il ne faut pas jouer avec la liberté des gens”.
Alioune Badara Sall : “Louange à Allah! Je ne retiens aucune rancune contre qui que ce soit car je suis convaincu que c’est Dieu qui me soumet à cette épreuve. Ceci étant, je clame toujours mon innocence. J’ai toujours montré patte blanche. J’ai toujours voulu être exemplaire. Dans mon travail, je n’ai jamais été pris en faute et je n’entends pas dévier de ce chemin. Ma famille a besoin de moi. Que Dieu vous assiste dans les décisions que vous serez emmenés à prendre”.
Boubacar Decoll Ndiaye : “Je vais terminer par là où tout a commencé. Je suis là pour soi disant une aide financière que j’envoyais à ma mère. Mon père est décédé en 2013 et ma mère est alitée. Pour dire quoi au tribunal ? Il m’incombe de continuer d’entretenir ma mère…”
Omar Keïta : “Nous remercions tous nos proches et les avocats qui ont été là pour nous”
Omar Yaffa : “Après m’avoir entendu, le commandant Diack est venu dans ma cellule et m’a interrogé sur le maniement des armes. Il a essayé de me tirer les vers du nez, mais je lui ai fait savoir que je n’avais rien à ajouter. Je n’ai pas varié dans mes propos (…) Je voulais dire à ma soeur que j’ai toujours rêvé au développement économique de la famille, mais le destin en a décidé autrement pour le moment. Cependant je tiendrai ma promesse inchallah. Peut être qu’un jour j’aurai la chance de le faire. En dernier lieu, j’implore Dieu d’avoir de l’endurance.
Ibrahima Mballo : “Il est vrai que j’ai été au Nigéria mais je n’ai pas pris les armes comme l’ont soutenu certains. J’y suis allé pour parfaire mes connaissances en religion. On a été arrêté pour détention de faux billets et on a été emprisonné au Niger dans des conditions atroces. C’est d’ailleurs dans ces circonstances que Moussa Aw est décédé. Nous continuons de prendre sur nous alors que nous croyions qu’une fois au Sénégal, on en aurait terminé avec la souffrance. Hélas, nous continuons de souffrir. Nous demandons au président de comprendre. Je ne suis mêlé à aucun projet d’installation de cellule terroriste”.
Mor Mbaye Dème : “C’est mon destin, mais j’estime qu’il reste très léger d’appréhender un individu sur la base d’informations fallacieuses. Depuis deux ans, je suis dans les liens de la prévention et cela a des conséquences fâcheuses chez mes proches. Mais nous nous félicitons du réquisitoire du procureur”.
Mamadou Moustapha Mbaye : ”Pour être concis, je vais essayer de m’exprimer un peu. Je remercie les personnes venues durant tout ce temps pour nous soutenir et particulièrement ma famille, ma tendre épouse que j’affectionne Oum Kalsoum. Je dirai pour relativiser que c’est une épreuve d’Allah. Dans la sourate d’Anqabout, Dieu dit : est ce que vous croyez que nous allons vous laissez vivre sans vous éprouver ? Donc, c’est une épreuve et ce qui ne vous tue pas vous rend plus fort. J’espère être plus fort pour ce qui m’attend et faire de mon mieux sans rancune”.
Ibrahima Ndiaye : “Nous rendons hommage au président et à ses assesseurs. Que la paix soit sur le Sénégal et nos concitoyens. J’ai été très peiné d’apprendre que j’ai été affilié par l’accusation à une association de malfaiteurs. Ma grande soeur m’a cuisiné en prison pour en avoir le cœur net. Elle n’a pu retenir ses larmes après avoir entendu ma réponse (il craque). Si nous avons projeté quoi que ce soit contre notre pays, que Dieu ne nous laisse pas l’occasion”.
Pape Kibily Coulibaly : “Je vais commencer par dire que je ne suis pas un terroriste. Je suis un musulman et je pense qu’un musulman ne peut être un malfaiteur. Ce qui me tracasse le plus, c’est ce que ce n’est pas moi qu’ils étaient venu chercher. Je demande à la justice de me relâcher pour que je puisse poursuivre mes études et aider mes parents”.
El Hadji Mamadou Bâ : “Je ne cesse de me poser des questions sur les velléités d’association à un groupe de malfaiteurs que l’accusation me prête. De tous les accusés, je n’ai d’affinité qu’avec deux personnes. Mais je puis vous dire tous les autres ont un amour incommensurable pour leur pays. Ils l’ont montré en prison. Je demande qu’on me restitue mon ordinateur, une clé USB appartenant à l’Université virtuelle et mes 2.500F”.
Moustapha Diatta : “C’est une épreuve divine. Nous ne pouvons que nous soumettre. Je fais partie des plus grandes victimes. J’implore le pardon du Président. Ma mère est presque paralysée car elle entend tout et n’importe quoi sur moi. Le procureur a requis 20 ans, mais dans mon fors intérieur, je suis tranquille. C’est comme si j’étais acquitté. C’est l’occasion de remercier mon employeur qui continue de me verser mon salaire.
Alpha Diallo : “Je remercie le président et ses assesseurs. De même que les avocats. Ma mère est meurtrie. Mon honneur a été atteint, mais je sais que Justice sera rendue. Le droit sera dit. Je le crois”.
Cheikh Ibrahima Bâ : “C’est une épreuve divine. J’accuse le coup d’autant plus que je n’ai rien à me reprocher. Je ne me suis pas rendu au Nigéria pour me battre, mais plutôt pour poursuivre mes études”
Matar Diokhané : “Nous vous remercions de votre sérénité. Nous n’avons rien à redire par rapport à la manière dont vous avez conduit les débats. Mais je cesserai d’avoir confiance en la justice si nous sommes condamnés. J’ai été diabolisé par la presse, mais vous constaterez avec moi que la montagne a accouché d’une souris. Je ne manquerai pas de remercier mes épouses Amy Sall et Coumba Niang qui sont en train de subir des épreuves très difficiles. Des soi disant experts en terrorisme soutiennent des thèses farfelues et colportent des ragots sur des innocents. Mais en ce qui me concerne, je peux vous assurer que rien de ce qui m’est reproché n’est fondé. Des hommes de Dieu seront toujours traînés devant le tribunal car les mêmes causes produisent les mêmes effets. J’ai représenté le peuple digne et rien ne m’y obligeait (…) Je suis allé au Nigéria pour enseigner. Lorsque les sénégalais ont eu un différend avec Shekau, j’ai accepté de le rencontrer par patriotisme. Grâce à mes recherches sur le sujet qui a l’a opposé aux Sénégalais, j’ai pu les délivrer. A mon retour au Sénégal, j’ai été appelé au secours par les mêmes personnes. Disons la vérité aux Sénégalais. Du fond de ma cellule, j’ai tout entendu alors que je suis innocent sur toute la ligne (…) La frustration et la religion vont de pair. Parmi ces accusés, il y a beaucoup de frustrés (…) Je n’ai rien promis à Shekau. Je prends à témoin le peuple sénégalais au cas où il m’arriverait quelque chose à ma sortie de prison. Car nous ne sommes pas dupes. Je ne souffre d’aucune maladie et je ne suis pas suicidaire non plus. Si je meurs en prison, qu’ils sachent que j’ai été martyrisé”.
Imam Alioune Ndao : “Notre créateur nous avait prévenu quant aux épreuves auxquelles, Il nous soumettrait. Cette association de malfaiteurs, que Dieu la décuple au Sénégal. Si tous les malfaiteurs devaient ressembler à ces hommes, on aurait que des bienfaiteurs. À l’endroit des juges, je veux dire que j’ai constaté des hommes sereins. S’il m’était offert l’occasion de choisir à nouveau un métier, je serai avocat après ce que j’ai vu ici. Quant aux accusations portées à mon encontre, je me fie à la volonté divine (…) Nous devons renforcer nos acquis en matière de justice. L’Islam est une religion universelle. Encore une fois, j’invite tout le monde autour d’une table pour discuter du meilleur instrument à même de développer notre pays. Avant de terminer, j’aimerai que le tribunal sache les dures épreuves auxquelles j’ai été confronté par mes geôliers. A Saint Louis, j’ai été mis dans une cellule où mes codétenus m’insultaient à longueur de journée. Jusqu’à présent, je suis confronté à ce genre de torture. Au camp pénal, j’ai été mis dans une cellule où il faisait extrêmement chaud. Je mettais de l’eau sur ma tête et je mouillais mon écharpe que je reposais sur ma tête. Une odeur nauséabonde, pestilentielle que je devais supporter se dégageait non loin de ma cellule. À cela s’ajoutent des ondes qui font vibrer une partie de mon corps et je suis persuadé que celui détient cet objet est dans la salle, car depuis le début du procès, je ressens des vibrations. Je tenais à ce que vous le sachiez”.