Quand avant-hier la polémique a flambé sur les propos tenus par le Ministre de l’Intérieur, Aly Ngouille Ndiaye, sur le processus électoral et surtout sur la volonté ferme de délivrance des cartes d’électeurs à ceux dont il sera sûr qu’ils voteront pour Macky, je n’y ai pas du tout cru. J’ai pensé à la déformation de propos de quelqu’un qui, investi de responsabilités aussi importantes, ne saurait verser dans une telle légèreté verbale.
Il a fallu la pugnacité de notre mon monteur qui, au moment où je pliais bagage pour rentrer, a déclenché le son de la vidéo pour nous faire écouter un speech d’une autre époque.
Si le Ministre, avec le crédit de bonne foi que nous lui avons accordé surtout après le départ de son prédécesseur Abdoulaye Daouda Diallo, ose parler de cette façon, c’est qu’il y a manifestement anguille sous roche.
En conséquence, l’opposition, pour une fois, à raison de s’inquiéter. Macky serait le premier à ruer sur les brancards, si jamais il était actuellement dans l’opposition. Il y a des limites à ne pas franchir. Et après Mbagnick Ndiaye sur les pouvoirs supposés de la Première Dame à nommer et à dégommer des Ministres, voici un autre qui verse dans la déraison, aveuglé certainement par son désir de rendre l’ascenseur à son mentor qui l’a porté à une stature aussi élevée dans la hiérarchie des responsabilités publiques.
Mais c’est là seulement sur la forme. Si l’on s’amuse à scruter le fond du discours, on y perçoit un aveu de taille. Le Ministre nous renvoie aux législatives avec la suspicion qui a entouré les résultats, surtout dans certaines localités comme Touba où, manifestement, la désorganisation semblait bien volontaire.
Cette déclaration rappelle les batailles de Dakar, les chiffres avancés par les uns et les autres. Elle rappelle la tortuosité qui a entouré la délivrance des cartes d’identité numérisées. Elle rappelle à bien des égards la difficulté que les citoyens ont eu à voter qui, parce que sa carte était introuvable, qui parce que doté d’une ordonnance, n’a pu trouver son nom sur les listes.
Il fallait vraiment fermer les yeux pour ne pas se rendre compte qu’il y avait, quelque part, la volonté manifeste de faire en sorte qu’il en soit ainsi.
Aujourd’hui, tous ceux qui en doutaient semblent avoir la preuve qu’il y avait quelqu’un désireux de tout faire pour que Macky gagne.
Aly Ngouille Ndiaye semble dire qu’il ne fera pas moins qu’Abdoulaye Daouda Diallo à ce propos.
En conséquence, seule la victoire de son mentor l’intéresse. A-t-il subi des pressions au point de devoir s’arranger pour faire une telle sortie ? Nous n’en savons rien. Mais ce qui est sûr, c’est que le fait de dire après qu’il ne posera aucun acte qui pourrait ternir son image ne suffit pas, dès lors qu’il vient de faire une déclaration inadmissible pour celui sur qui pèse la responsabilité d’organiser des élections.
Toutefois, cela peut ne pas vouloir rien dire si Macky lui-même s’inscrit dans une dynamique de transparence. On se rappelle en effet des résultats de la présidentielle de 2012 où des proches de Wade, qui semblaient être en mission, livraient des chiffres donnant leur mentor vainqueur au premier tour. Ils envahissaient les rédactions pour avaliser les résultats préfabriqués. Il a fallu que le lendemain, Wade lui-même organise une conférence de presse pour remettre les pendules à l’heure. Et ainsi, le second tour avec Macky eut lieu.
C’est pourquoi, personne ne peut nier qu’il y a de la part de certains, le désir de gagner y compris par la fraude. Mais c’est au Président de la République, régulateur des institutions et garant de leur fonctionnement, de se mettre au-dessus des ambitions démesurées de proches et d’accepter l’exercice du libre jeu démocratique.
Aujourd’hui la confiance est définitivement rompue entre le Ministre de l’Intérieur et la classe politique.
Il faudra alors penser à la restaurer par une mesure drastique comme celle de nommer un patron neutre des élections comme Wade l’avait fait.
dakarmatin