La Coupe d’Asie des nations de football a commencé aux Emirats arabes unis le 5 janvier. Une compétition particulière pour le pays organisateur, car sont également qualifiés l’Arabie saoudite, Bahreïn… et le Qatar. Les trois premiers pays cités et le petit émirat s’opposent dans une crise diplomatique profonde. Et cette Coupe d’Asie n’échappe pas aux tensions, alors que se profile dans quelques jours un match entre l’Arabie saoudite et le Qatar.
Première compétition traditionnelle et internationale d’envergure depuis la Coupe du monde 2018, la Coupe d’Asie 2019 a débuté aux Emirats arabes unis le 5 janvier. La finale est programmée au 1er février au stade Cheikh Zayed d’Abou Dhabi. L’Australie, tenante du titre, compte parmi les favoris, au même titre que le Japon, pays le plus titré (quatre sacres), et que la Corée du Sud, qui a perdu ses quatre dernières finales depuis ses deux seules victoires en 1956 et 1960. La compétition a démarré très fort avec une grosse surprise dimanche 6 janvier lors de la 2e journée, avec la défaite des Australiens contre la Jordanie dans le groupe B (0-1).
Voilà pour l’aspect uniquement sportif de cet événement… sportif. Car cette 17e édition de la Coupe d’Asie se joue aussi dans un contexte diplomatique tendu. En juin 2017 éclatait ce qu’on appelle la crise du Golfe. L’Arabie saoudite, Bahreïn, les Emirats arabes unis et l’Egypte rompaient leurs relations diplomatiques avec le Qatar. Ces quatre nations accusent l’émirat de soutenir le terrorisme et d’être trop proche de l’Iran.
Un an et demi plus tard, le conflit perdure et s’est même durci. Les effets du boycott politique et économique se manifestent de bien des façons. Les pèlerins qatariens souhaitant se rendre à la Mecque sont entravés, Doha a quitté l’Opep, la chaîne de télévision qatarienne BeIN Sports subit un piratage massif organisé depuis l’Arabie saoudite, l’embargo sur le Qatar ne faiblit pas…
Fâcherie autour de l’arrivée d’un dirigeant qatarien, affiche bouillante entre l’Arabie saoudite et le Qatar
La crise du Golfe ne peut être mise de côté dans cette Coupe d’Asie organisée aux Emirats arabes unis. D’autant plus que les sélections d’Iran et du Qatar sont qualifiées. Et si les Iraniens sont dans le groupe D avec l’Irak, le Viêt Nam et le Yemen, les Qataris sont tombés dans le groupe E et vont donc affronter au premier tour le Liban, la Corée du Nord… et l’Arabie saoudite. La rencontre face aux Saoudiens pourrait avoir des allures de finale dans ce groupe, puisque ces deux nations s’affronteront lors de la dernière journée, le 17 janvier.
Ce contexte délicat, Felix Sanchez, sélectionneur du Qatar, « en a discuté avec (ses) joueurs ». « Ils sont tout à fait conscients et je suis convaincu que durant la compétition, ils seront capables de maintenir leur concentration sur le sport et de s’isoler de tout le reste », a-t-il déclaré.
Mais l’arrivée de l’ensemble de la sélection à Abou Dhabi samedi 4 janvier s’est faite dans la tension. Vendredi, Saoud al-Mohannadi, vice-président de la Fédération qatarienne de football et de la Confédération asiatique de football (AFC), a pu poser pied aux Emirats arabes unis après 24 heures difficiles. La veille, l’AFC déclarait que son vice-président n’était, selon ses informations, « pas en mesure de voyager aux Emirats depuis Mascate (capitale d’Oman, ndlr) ». L’instance ajoutait qu’une enquête était en cours car, d’après elle, tout était en règle côté visas pour que les dirigeants voyagent librement.
Le Comité d’organisation de la Coupe d’Asie a, lui, nié toute interdiction visant Soud al-Mohannadi, finalement arrivé vendredi…. « Il n’y a aucune preuve que Mohannadi s’est vu refuser l’entrée. La preuve, c’est qu’il est là aujourd’hui », a ironisé Aref Hamad al-Awanih, directeur du Comité d’organisation. Ambiance… Dans le même temps, cinq journalistes qatariens affirment qu’ils ont été interdits d’entrer aux Emirats arabes unis alors qu’ils voulaient couvrir la Coupe d’Asie. Selon leur version des faits, ils ont été détenus pendant 13 heures à l’aéroport de Dubaï avant de pouvoir rebrousser chemin.
Comment Infantino voudrait se servir du football pour apaiser la crise du Golfe
Ces dernières semaines, Gianni Infantino, président de la Fifa, s’était engagé sur ce sujet conflictuel. Dans un entretien accordé au Guardian en novembre, le dirigeant confiait sa volonté que la prochaine Coupe du monde, prévue en 2022 au Qatar, soit l’occasion d’apaiser les tensions entre le pays organisateur et ses voisins émiratis, bahreïniens et saoudiens : « Le football est peut-être un moyen de construire des ponts. Nous l’avons vu avec le choix des organisateurs de la Coupe du monde 2026 (Canada, Etats-Unis et Mexique, ndlr), qui je crois n’ont pas les meilleures relations politiques et diplomatiques. Mais le football peut faire des miracles. »
Début janvier, lors d’une conférence à Dubaï aux Emirats arabes unis, Gianni Infantino avait évoqué une idée surprenante : certains matches de la Coupe du monde 2022 pourraient être joués dans les pays voisins du Qatar, toujours dans le but d’apaiser les querelles si la Coupe du monde passait déjà à 48 équipes (prévue pour 2026, ndlr). « Si cela peut aider les habitants du Golfe et des autres pays du monde à développer le football et à apporter un message positif sur le football, alors nous devrions essayer », martelait l’Italo-Suisse, en poste depuis bientôt trois ans.
Le football pour ramener plus de diplomatie entre nations en colère ? C’est le credo de Gianni Infantino. Pas sûr que cela suffise à calmer une crise du Golfe tenace. Le début de cette Coupe d’Asie montre qu’il ne sera pas facile d’apaiser les relations entre le Qatar et ses adversaires géopolitiques. Le choc Arabie saoudite-Qatar du 17 janvier permettra peut-être de mesurer une nouvelle fois le degré de tension encore présent. La suite de la compétition aussi.
Rfi