Hier, juste après l’écrasement d’un hélicoptère de transport de type Mi-17, immatriculé 6WHTA, ralliant Dakar en provenance de Ziguinchor, le président de la République a instruit le gouvernement et le chef d’état-major général des Armées de mettre en place une commission d’enquête afin de déterminer les circonstances de l’accident.
Déjà, le ministre de la Défense, Augustin Tine, se prononce sur les circonstances de la catastrophe, qui a fait 8 morts et 12 blessés, quand il affirme que l’appareil était bien entretenu. Que cache cet empressement à vouloir expliquer les causes du drame qui s’est produit en l’absence de conditions météorologiques défavorables ? En réalité, malgré les assurances du ministre, la qualité de la maintenance est au centre de toutes les interrogations au lendemain du crash.
La suspicion est légitime, d’autant plus que des Etats de l’ex-Urss vendent au marché noir des armes qui étaient utilisées durant la guerre froide. Or, le Mi-17 est un hélicoptère de transport russe qui a effectué son premier vol en 1970.
Dans quelles conditions l’Armée nationale a-t-elle acquis cet appareil ? A-t-on vérifié le kilométrage de l’hélico avant de l’acheter ? Y a-t-il des mécaniciens sénégalais suffisamment formés pour assurer l’entretien, pour un pays qui n’utilisait pas ces hélicoptères avant l’arrivée de Macky Sall au pouvoir ? Existe-t-il un bon stock de pièces de rechange dans une industrie où le niveau de recyclage des déchets est presque nul ?
En attendant d’obtenir des réponses claires à ces questions, c’est l’omerta conservatrice qui est érigée en loi au Sénégal autour des équipements militaires alors que même en Egypte (?) et en Algérie, les deux plus puissantes armées africaines, pays dirigés par des militaires depuis leur accession à la souveraineté internationale, on lève le voile sur les livraisons.
Récemment, les révélations de notre confrère Les Echos relatives à la commande de véhicules anti-émeutes et de véhicules blindés ont suscité un malaise au sommet de la gendarmerie nationale, où on traque des fantômes alors que, selon les sources de Dakaractu, la société de défense privée turque, « Nurol Makina », a vendu la mèche en se glorifiant de cette prouesse commerciale.
Qui plus est, la société AD-Trade, « qui accompagne depuis de nombreuses années nos forces armées par la fourniture » (selon le ministre Augustin Tine), a été citée dans le scandale des contrats d’armements surfacturés, qui avait valu au Mali la suspension des aides budgétaires de ses bailleurs internationaux en 2014. AD-Trade n’avait pas livré trois hélicoptères de combat après avoir encaissé un acompte de 30%.
Pour en revenir au crash du Mi-17, il faut rappeler que l’entretien d’un hélicoptère coûte extrêmement cher. En février 2017, il a été déploré le niveau « médiocre » de disponibilité des flottes d’hélicoptères militaires français pour des raisons liées, principalement, aux coûts d’entretien. Le coût de maintenance d’un seul hélicoptère (de nouvelle génération) peut facilement toucher la barre d’un milliard de F Cfa.
Parlant de commission d’enquête, pour conclure, deux ans après le crash de l’avion de Senegalair, aucune tête n’est tombée, alors que la responsabilité de l’Agence nationale de l’aviation civile et de la météorologie (ANACIM) est nettement établie. C’est pourquoi il est nécessaire de connaitre la composition de la commission chargée d’élucider ce désastre. Sera-t-elle exclusivement composée de militaires ? Va-t-on impliquer la société civile ou l’Assemblée nationale ? Ce n’est pas parce que ce crash n’a pas fait de victimes françaises comme cela a été le cas avec le naufrage du Joola et l’écrasement de l’avion de Senegalair que la vérité doit tarder à se manifester.
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