Le Haut-Commissariat aux droits de l’homme des Nations unies a rendu mercredi soir 31 août les conclusions de son enquête sur le Xinjiang. Un rapport de l’ONU très attendu dans lequel sont évoqués de possibles « crimes contre l’humanité » dans la région autonome ouïghoure. Ce rapport est un véritable camouflet pour Pékin qui parle d’accusations « sans fondement ».
De notre correspondant à Pékin,
Pékin a tout fait pour bloquer la sortie de ce rapport et la longueur de la réponse chinoise en annexe des conclusions de l’ONU témoigne de sa colère à ne pouvoir changer les choses. Dans une sorte de contre-rapport de plus de 120 pages, le pouvoir communiste accuse le Haut-Commissariat des droits de l’homme des Nations unies (OHCHR) d’ignorer les « réalisations en matière de droits humains faites par tous les groupes ethniques au Xinjiang ».
« Mensonges des forces anti-chinoises »
« Sur la base de désinformation et de mensonges fabriqués par les forces anti-chinoises, écrit la représentation permanente de la République populaire de Chine au bureau des Nations unies à Genève, cette soi-disant évaluation vient s’immiscer dans les affaires intérieures de la Chine. »
Il y eut les pressions et intimidations : c’est au nom de la lutte contre le terrorisme et les affaires intérieures que de nombreux observateurs étrangers ont été empêchés de circuler librement dans la région depuis les émeutes de 2009. Propagande, mobilisation des « blogueurs utiles » aussi, racontant un Xinjiang souriant.
Il y eut ensuite un semblant d’ouverture des portes et l’invitation : une fois les centres de rééducation, de formation professionnelle ou de déradicalisation (selon les termes employés), partiellement refermés, les visiteurs ont été autorisés à assister au « ramadan dansant » de Kachgar, puis à toute une série de webinaires ouverts à la presse par les autorités de la région. Il s’agissait de présenter les témoignages de membres des minorités ethniques, de parler de lutte contre la pauvreté et de familles réinstallées dans de nouveaux appartements avec « canapé et frigo » fournis par le gouvernement local, d’apporter aussi des témoignages allant à l’encontre des alertes lancées par la diaspora et les ONG des droits de l’homme avec de jeunes musulmans de l’Ouest chinois présentés comme des délocalisés « volontaires » par les autorités, qui se font embaucher dans les usines de la côte orientale.
« Détentions arbitraire et torture »
Des « politiques transfrontières séparant les familles » justement pointées du doigt par le rapport de l’OHCHR, le rapport parle aussi de « détentions arbitraires », de « tortures », de « traitements cruels et dégradants » et, plus généralement, d’une politique fondée sur la « discrimination des minorités », qui a entraîné une chute de la natalité dans la région.
Démenti une nouvelle fois de Pékin qui réfute le « travail forcé » et reprend l’argument de la lutte contre le terrorisme dans le « respect de l’État de droit », comme il a été répété à de nombreuses reprises par la partie chinoise lors de la visite de Michelle Bachelet au Xinjiang, lancée pendant les Jeux olympiques d’hiver. Le voyage a fini par se faire au printemps dernier. Une visite pendant laquelle la Haut-commissaire aux droits de l’homme de l’ONU a semblé limitée dans ses mouvements et dans ses propos, la visite ayant été négociée contre l’abandon du terme « enquête ».
Mais au final, les pressions pour empêcher la publication d’un document qui conclut sur de « graves violations des droits de l’homme » au Xinjiang, n’y ont rien fait. Un rapport dont n’ont pas entendu parler les Chinois pour l’instant. Aucun média d’État n’en a fait mention ce jeudi matin 1er septembre. Les autorités chinoises préférant appeler l’ONU à enquêter sur « les nombreux crimes commis et les désastres en matière de droits de l’homme causés par les États-Unis et par certains pays occidentaux, sur leur territoire et à l’étranger. »
Et maintenant ?
Après la publication de ce rapport, une question revient : quelles seront les suites ? Le Conseil des droits de l’Homme doit se réunir dans une dizaine de jours à Genève, en Suisse. « Le cas du Xinjiang ne devait pas y être forcément abordé, ou alors de façon indirecte, avec des discussions générales sur la détention arbitraire et les disparitions forcés. Mais maintenant, c’est quasiment certain que le sujet sera au menu des discussions, si ce n’est à l’assemblée, en tout cas dans les couloirs », explique Jérémie Lanche.
Sur place, le correspondant de RFI indique que « les ONG espèrent que le Conseil ira encore plus loin et lancera une enquête internationale ». « Mais c’est encore trop tôt pour le dire », précise-t-il. RFI