La polémique va bon train à propos du rapport de la Mission d’observation de l’Union européenne sur la présidentielle de 2019.
Après le communiqué du Ministre de l’Intérieur, des cadres de l’Alliance pour la République (Apr), parti au pouvoir, en l’occurrence Mor Ngom et Abdoulaye Diouf Sarr, tous deux Ministres, ont parlé d’ingérence réagissant aux recommandations notamment sur le point lié au parrainage.
Le pouvoir a estimé que l’Union européenne a ainsi outrepassé ses pouvoirs.
Une réaction en cascade contre l’UE qui peut se comprendre par le fait que cette position rejoint celle d’une partie de l’Opposition, mais qui ne se justifie.
En effet, quand une organisation ‘’supervise’’ des élections, elle est fondée à en faire des ‘’recommandations’’. Surtout qu’ici, nous avions permis à l’Union d’auditer même notre fichier électoral. C’était de l’ingérence ou non ?
Mieux, nous les sollicitons quand il s’agit de financer certaines opérations liées au processus électoral et nous les écoutons dire que ‘’le scrutin s’est bien passé malgré…’’. Est-ce de l’ingérence ou non ?
Nous ne comprenons pas cette subite envie d’affirmer notre souveraineté dès lors que nous admettons, nous-même, ces ‘’ingérences’’ dont on parle.
En effet, toute supervision est, en soi, une ingérence. Et le fait de faire des recommandations est une suite logique à un travail qui nécessite des moyens financiers et matériels, des efforts de techniciens. Et si, au final, on n’a pas le droit de faire des recommandations, à quoi serviraient alors ces missions ?
Ce qu’il aurait fallu faire, en amont, c’est de refuser ces supervisions et arguer le fait que le Sénégal est mature et capable d’organiser des élections en endossant ses conséquences sur le processus, notamment la suspicion des candidats de l’opposition et des contentieux post-électoraux certains.
Mais, dès lors que l’on accepte la présence de superviseurs ne serait-ce que pour faire bonne figure, ces derniers vont devoir faire des rapports avec des recommandations. Et ce n’est ni la première fois ni le premier pays où ça se produit.
En réalité, ce qui dérange, c’est moins les recommandations que leur pertinence ou non et l’usage que l’on en fait. Le Sénégal sait parfaitement que l’UE ne peut rien lui imposer en la matière, du moins en théorie. Alors, pourquoi s’offusquer de leurs recommandations ? Ces dernières ne pouvant pas être imposées, elles sont à analyser comme un avis d’expert dont la pertinence pourrait aider à améliorer le processus et à mettre fin aux nombreuses suspicions en la matière.
Nous osons croire que les autorités n’en veulent pas à l’Union européenne du fait du reportage fait par la BBC sur le pétrole et le gaz. Le ton et la multiplicité des attaques cachent mal une incompréhension qui frise la crise diplomatique.
En effet, du côté du pouvoir, c’est la cacophonie dans la communication et même une certaine panique car le travail fait par la chaîne anglaise a créé les conditions d’une révolte interne qui ne fait que de commencer.
Alors, si dans ce contexte de gestion difficile de cette crise, l’UE publie son rapport, cela n’a pas manqué d’être analysé comme une façon d’enfoncer le clou, de chercher noise au pouvoir.
Qu’à cela ne tienne, nous estimons que l’attitude qui sied, pour les autorités de ce pays, c’est de s’inscrire toujours et dans tous les dossiers, dans la dynamique de la bonne gouvernance.
Car, le jour où le peuple en aura vraiment marre de se faire gruger par le pouvoir, aucune puissance ne pourra empêcher la révolution, qu’elle soit brutale ou pacifique.
Les exemples du Burkina Faso, de l’Algérie, du Soudan et de tant d’autres pays montrent que seule la bonne gouvernance peut aider un régime à sauver sa tête.
Or, cette vérité, nous en avons besoin pour ce qui est de la gestion du pétrole et du gaz, mais aussi du processus électoral qui fait actuellement l’objet d’un dialogue politique.
En clair, nous devons, en Afrique, travailler à compter sur nous-mêmes et à éviter d’indexer les autres à chaque fois que les chosent ne marchent pas.