Refonder nos économies au lieu de relancer des problèmes !

Présidentialisme et clientélisme nous ont fait tourner en rond durant toutes ces 61 années écoulées après l’indépendance. La stagnation (ou même le recul) économique du Sénégal, et de l’Afrique, tient en effet sur ces mêmes causes qui ont produit les mêmes effets, à travers un système de gouvernance noyé dans les récurrentes querelles autour de l’accession et de la conservation du pouvoir depuis l’indépendance.

Léopold Sédar SENGHOR, Abdou DIOUF et Abdoulaye WADE, malgré quelque mérite reconnu sur le plan socio-politico-administratif, sont passés par ces calculs politiciens incapacitants. La maigreur des moyens du pays ne s’est ainsi jamais accommodée de l’entretien d’une clientèle politique. Les actions de ces régimes successifs depuis 1960 n’étaient que pour stabiliser la surface d’une économie prostrée dans ses fondements et ses structures. C’est de là que jaillit la pertinence d’avoir évoqué l’idée de transformation structurelle de l’économie dans le Plan Sénégal Emergent (PSE). Il faut donc retourner aux fondements et repenser de fond en comble les structures de nos économies.

Le dénouement de nos problèmes économiques passera par la réponse à deux questions contextuelles et essentielles. D’abord, pourquoi ces blocages persistants qui ont récemment fait avouer au Président Macky SALL l’échec des politiques en faveur de la jeunesse ? Ensuite, qu’est ce qui explique cette grande vulnérabilité du PSE face aux chocs exogènes comme on vient d’en vivre l’expérience avec la pandémie de la Covid 19 ? L’évidence fondamentale à laquelle il faut se rendre est que l’entêtement de nos gouvernants à reconduire les mêmes pratiques stériles depuis 1960 est la bête à abattre. Cet entêtement sonne de plus en plus comme une haute trahison préméditée.

Refonder nos économies au lieu de relancer des problèmes !
lundi 19 avril 2021 • 273 lectures • 0 commentaires

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Refonder nos économies au lieu de relancer des problèmes !

Présidentialisme et clientélisme nous ont fait tourner en rond durant toutes ces 61 années écoulées après l’indépendance. La stagnation (ou même le recul) économique du Sénégal, et de l’Afrique, tient en effet sur ces mêmes causes qui ont produit les mêmes effets, à travers un système de gouvernance noyé dans les récurrentes querelles autour de l’accession et de la conservation du pouvoir depuis l’indépendance.

Léopold Sédar SENGHOR, Abdou DIOUF et Abdoulaye WADE, malgré quelque mérite reconnu sur le plan socio-politico-administratif, sont passés par ces calculs politiciens incapacitants. La maigreur des moyens du pays ne s’est ainsi jamais accommodée de l’entretien d’une clientèle politique. Les actions de ces régimes successifs depuis 1960 n’étaient que pour stabiliser la surface d’une économie prostrée dans ses fondements et ses structures. C’est de là que jaillit la pertinence d’avoir évoqué l’idée de transformation structurelle de l’économie dans le Plan Sénégal Emergent (PSE). Il faut donc retourner aux fondements et repenser de fond en comble les structures de nos économies.

Le dénouement de nos problèmes économiques passera par la réponse à deux questions contextuelles et essentielles. D’abord, pourquoi ces blocages persistants qui ont récemment fait avouer au Président Macky SALL l’échec des politiques en faveur de la jeunesse ? Ensuite, qu’est ce qui explique cette grande vulnérabilité du PSE face aux chocs exogènes comme on vient d’en vivre l’expérience avec la pandémie de la Covid 19 ? L’évidence fondamentale à laquelle il faut se rendre est que l’entêtement de nos gouvernants à reconduire les mêmes pratiques stériles depuis 1960 est la bête à abattre. Cet entêtement sonne de plus en plus comme une haute trahison préméditée.

De la même manière qu’ils ne croient pas au potentiel local de développement endogène, nos gouvernants méprisent souvent l’expertise locale, au point d’aller faire coordonner l’élaboration du PSE à un cabinet étranger. De même que le parti avant la patrie, le népotisme, le clientélisme sont autant de gangrènes qui ont constamment gêné l’allocation optimale des ressources humaines dans la gouvernance du pays. Il s’agit d’un système qui arrange ceux qui sont censés le combattre, tant le niveau intellectuel d’une frange majoritaire de la classe politique sénégalaise est terriblement médiocre. Il faut regretter la participation des médias à l’entretien de cette médiocratie politique en constatant le défilé régulier de certains politiciens incultes dans les plus grandes émissions télévisées du pays.

La résilience à la Covid 19 est malheureusement arrimée aux mêmes méthodes ayant généré les vulnérabilités constatées. L’option choisie dans le cadre du Plan d’Actions Prioritaires Ajusté et Accéléré (PAP 2A) est donc de relancer des moteurs qui n’ont donc pas été adaptés, alors qu’il nous faudrait inventer d’autres moteurs et opérer une véritable refondation de nos économies. Dès lors, deux mutations en profondeur doivent être préalablement opérées dans l’action publique.

Premièrement, il est indispensable de réhabiliter le culte du savoir et de la compétence auquel Senghor s’était pourtant bien exercé. Comme disait Confucius (-570 ans avant JC) « rien ne l’emporte sur le respect dû au savoir et à ceux qui le portent ». Le défaut d’utilisation des résultats des études scientifiques et le cloisonnement de la recherche universitaire vis-à-vis des sphères de décision sont également des anomalies incapacitantes à éradiquer.

La prospective doit servir de boussole pour piloter le décollage économique. L’utilisation des données probantes dans les choix publics est une nécessité implacable pour atteindre les objectifs escomptés. Depuis les années 1980, le Sénégal a subi d’importants préjudices économiques et financiers sur des partenariats public/privé conclus sans réelles études prospectives d’appui à la contractualisation et à la prise de décision. C’est le cas de la privatisation avortée de la Sénélec et de la licence bradée à 50 millions F CFA à Sentel GSM en 1999. De même que le contrat, resté sans effets, conclu en 2004 avec Arcelor Mittal ou la construction sur dix longues années de l’aéroport international Blaise Diagne avec 5 avenants.

Deuxièmement pour une cohérence vis-à-vis de la dynamique d’harmonisation et de coordination de l’action économique dans le cadre communautaire, l’émergence doit être pensée suivant une dimension intégrée en Afrique et non de manière cloisonnée comme le font les actuels dirigeants africains (Gabon Emergent, Sénégal Emergent, etc.). Dans ce cadre il est, tout de même, impératif que l’Afrique songe à remodeler ses liens de coopération avec l’occident et les pays dits émergents. Génératrice de l’essentiel des matières premières de la cuisine économique mondiale, l’Afrique doit tirer le meilleur parti de son utilité pour l’humanité en s’extirpant dorénavant de la fausse image et de la stigmatisation hégémoniste qu’on lui colle. L’Afrique est traitée comme insignifiante dans l’économie mondiale, de par ses 4% de part dans le Produit mondial brut et ses 2,1% de part dans le commerce international.

Mais il s’agit d’un terrible amalgame qui cache la manne importante de richesses qui lui échappent et faisant vivre une bonne partie de la planète. Si je suis obligé d’accepter que tu me paies 10 000 FCFA pour un produit que tu vends ensuite à 1 000 000 FCFA en le valorisant, la richesse générée est de 10 000 FCFA pour moi et 1 010 000 FCFA pour la planète. L’Afrique est donc beaucoup plus contributrice dans l’économie mondiale que l’on ne le considère dans les mentalités occidentales. Le chemin est encore long pour que les alternatives de coopération proposées par la Chine et les autres pays émergents, comme la Turquie, l’Inde et le Maroc, revêtent une configuration qui puisse permettre d’éviter à l’Afrique de demeurer un réservoir de matières premières, un déversoir de produits finis et une destination d’aide et de crédits massifs, mal absorbés et sources de problèmes d’endettement public de plus en plus ressentis. La refondation de nos économies doit ainsi être élargie au remodelage de tous nos liens de coopération.

Dr El Hadji Mounirou NDIAYE, Economiste
Enseignant-chercheur à l’Université Iba Der THIAM de Thiès
Billet d’Al Mounir (BAM N°2) du lundi 19 avril 2021 sur ECONEWS.SN