L’organisation du baccalauréat fait face à d’énormes difficultés d’ordre matériel, financier et administratif. Épreuves de qualité, centres d’examen, présidents de jury… tout est presque un luxe au moment où les autorités traînent les pieds dans la réforme du bac engagée depuis 4 ans.
Le baccalauréat reste encore le diplôme le plus populaire au Sénégal et au-delà, y compris auprès de ceux qui n’ont pas fait les bancs. Comme en témoigne cette chanteuse qui organise un concert à l’université et qui prie pour que les étudiants aient le bac. Pourtant l’organisation de cet examen demande une réforme en profondeur attendue depuis des années au Sénégal.
En 2017, le premier diplôme universitaire a connu une énorme fuite aux examens. Le bac a failli chavirer cette année-là, au point que certains réclamaient la reprise intégrale de l’examen. Si cette option n’a pas été retenue par le gouvernement, les fuites ont emporté l’emblématique directeur de l’office du bac, Babou Diaham qui quitte le poste en avril 2018, après 17 ans de magistère.
Cependant, avant le remplacement de Diaham par Sossé Ndiaye, le ministre de l’Enseignement supérieur, à l’époque Mary Teuw Niane, avait convié les acteurs de l’Éducation à un atelier sur la réforme du baccalauréat du 07 au 09 décembre 2017 à Saint-Louis. Lors de cet atelier, les problèmes qui gangrènent l’organisation du baccalauréat, ont été passés en revue.
Beaucoup de mesures devaient être prises pour réformer en profondeur le baccalauréat. Notamment la création d’un Office national du baccalauréat (Onab), doté d’une personnalité juridique et d’une autonomie financière. Un des ateliers avait même travaillé sur un projet de décret portant création de l’Onab.
Mais depuis lors, le chantier semble à l’arrêt. Beaucoup d’acteurs interrogés par Seneweb disent n’avoir plus de nouvelles depuis la fin de l’atelier. « Je n’ai plus entendu parler de ça depuis cet atelier », lance le Pr Mamadou Youry Sall qui y a participé. Du côté du Saes également, le SG Malick Fall déclare avoir délégué quelqu’un pour le représenter, mais n’a pas eu de retour jusque-là.
« Très lent, mais c’est toujours d’actualité »
Si l’on en croit le Directeur de l’Office du bac, le processus suit son cours. « C’est un processus très lourd, parce qu’il s’agit de transformer d’abord la structure qui organise le bac. Cette transformation institutionnelle prend du temps, ça implique beaucoup d’acteurs qui ne sont pas forcément de l’éducation », précise Pr Sossé Ndiaye.
Après, cette étape, vient la réforme pédagogique. « C’est vrai que c’est très lent, mais c’est toujours d’actualité », ajoute-t-il. D’après lui, les recommandations sont en train d’être suivies.
Aujourd’hui, soutient-il, il y a une feuille de route et un chronogramme, ce qui n’était pas le cas après l’atelier. « Il ne reste qu’à mettre les acteurs au travail. Il y a une volonté réelle d’aller vers ça », assure Pr Sossé Ndiaye qui renvoie vers le Directeur général de l’enseignement supérieur pour plus de détails. Mais nos tentatives pour joindre le Pr Amadou Abdoul Sow ont été vaines.
Pourtant, de sérieux problèmes qui entachent l’organisation pédagogique, matérielle et financière du baccalauréat ont été soulevés durant l’atelier de Saint-Louis. Parmi ces écueils, un local adapté et sécurisé pour l’office, du personnel suffisant, du matériel informatique et un budget qui couvre les charges.
Mauvaise qualité des épreuves
Sur le plan pédagogique, il y a la mauvaise qualité de la majeure partie des sujets proposés, ce qui fait qu’il est difficile d’avoir une banque de sujets bien fournie. Il y a également la pertinence des évaluations. Le constat a été fait que le mode d’évaluation, « centré sur les contenus », favorise la restitution aveugle des leçons à la place d’une maîtrise des programmes.
De ce fait, « les épreuves sont toujours soit trop simples soit trop difficiles », sans compter le manque de précision dans la formulation des questions. Autant de facteurs qui expliquent sans doute le faible taux de réussite moyen de 36% au bac dans la décennie 2010-2020.
S’agissant de la sécurité des épreuves, le nombre d’intervenants dans le processus de sélection et d’acheminement des épreuves reste une véritable limite. Ainsi, lors du séminaire sur la réforme du bac, les participants ont préconisé « la dématérialisation du processus d’élaboration, d’impression et de convoyage des sujets ».
Les acteurs proposent l’utilisation de clés Usb remises directement au Président de Jury, « ce qui suppose que ce dernier aura à sa disposition une petite unité d’impression » dotée d’une alimentation en énergie.
Mais il faudra au préalable revoir la moralité de certains examinateurs et surveillants qui, selon l’office du bac, favorisent même la tricherie. « Au lieu de surveiller les élèves, ils surveillent les présidents de jurys pour que les candidats puissent tricher », disait un jour un président de jury.
Sur le plan matériel, l’Office du bac est confronté à un déficit de personnel, d’équipements. S’y ajoute le retard et la mauvaise qualité des fournitures. Sur le terrain, se pose le problème de centres d’examen appropriés, surtout dans les grandes villes où les tables-bancs des écoles primaires ne sont pas adaptés.
L’absence de mur de clôture, d’eau, d’électricité, et de connexion dans les établissements sont également autant d’obstacles qui font que trouver des centres en nombre suffisant reste un exercice très difficile.
Il en est de même pour les présidents de jurys. L’Office du bac peine chaque année à en trouver, particulièrement dans les « centres enclavés ou éloignés ». Ceci s’explique en partie par le fait que le baccalauréat, premier diplôme universitaire, n’est pas inscrit sur le calendrier académique.
Des moyens financiers colossaux
Pendant ce temps, les enseignants du supérieur réclament le passage de la prime de responsabilité de 100 000 F Cfa actuellement à 500 000 F Cfa. Pour remédier à ce problème, il est préconisé entre autres solutions, de mobiliser les enseignants chevronnés du secondaire, mais aussi de faire passer la prime de responsabilité à 500 000 F Cfa.
En vérité, c’est tout le système de rémunération du bac qui demande à être révisé. A l’issue de l’atelier, les acteurs recommandent le passage à 1 500 F Cfa par copie, 1 000 par candidat interrogé à l’oral, 5 000 F par demi journée pour les surveillants, 500 000 F Cfa pour les IGEF, 350 000 F Cfa pour les membres de la commission des tris, 200 000 F Cfa pour les enseignants dont les sujets sont retenus, 100 000 pour les secrétaires de jury, une prime de responsabilité de 100 000 pour les chefs de centre et 50 000 F pour leur adjoint.
Bref, une meilleure rémunération à tous les niveaux. Y compris les agents de l’office du bac pour qui il est suggéré une indemnité de responsabilité et une prime de risque.
Une telle rémunération suppose un budget conséquent. Parmi les propositions, il y a l’augmentation de la subvention de l’État, le passage des frais d’inscription de 5 000 à 10 000 et la révision des textes y afférents. Les candidats devront payer par les opérateurs de transfert d’argent, car beaucoup de détournements et de pertes sont notés dans ces frais d’inscriptions
S’agissant du diplôme, il est signé aujourd’hui par le recteur de l’Université Cheikh Anta Diop, alors que le Sénégal compte 8 universités à ce jour et bientôt 9 avec celle de Matam. Les acteurs préconisent que la signature soit déléguée au futur directeur de l’Office national du bac (Onab) et/ou aux recteurs des différentes universités publiques.
Il y a également un besoin d’améliorer le format du diplôme « en renforçant les paramètres de sécurité ». Mais aussi la possibilité d’avoir un duplicata de l’attestation ou du diplôme en cas de perte, moyennant 5 000 pour la première et 25 000 F Cfa pour le deuxième.
En résumé, le chantier reste colossal, mais les autorités ne semblent pas pressées d’aller vers sa réalisation.