Sommet tripartite ce mercredi 9 mai 2018 à Tokyo, entre le Premier ministre japonais Shinzō Abe, le président sud-coréen Moon Jae-in et le Premier ministre chinois Li Keqiang. Bien des sujets semblent diviser les trois puissances asiatiques, allant des bisbilles historiques aux conflits territoriaux, mais aujourd’hui, ils cherchent à coopérer plus étroitement, notamment sur le dossier nord-coréen.
Avec nos correspondants à Pékin et Tokyo, Heike Schmidt et Frédéric Charles
Pour leur premier sommet a Tokyo depuis trois ans, Pékin, Tokyo et Séoul affichent leur unité dans l’intense activité diplomatique en cours afin de convaincre la Corée du Nord de renoncer à son arsenal nucléaire et de mettre en place un processus de paix susceptible d’aboutir à une péninsule coréenne dénucléarisée.
C’est la 7e fois que les dirigeants du Japon, de la Chine et de la Corée du Sud sont réunis. Et pour la première fois, une paix durable sur la péninsule coréenne semble possible. Il faut dire que la proposition de Kim Jong-un pour une dénucléarisation est une demande de longue date de Tokyo, Pékin et Séoul.
Mais quelles seront les modalités d’un démantèlement de l’arsenal nucléaire nord-coréen ? Les trois puissances asiatiques ont tout intérêt à trouver un terrain d’entente avant le sommet entre Kim Jong-un et Donald Trump, prévu fin mai ou début juin, pour ne pas se retrouver dans une position de simple spectateur.
Dans un éditorial, l’agence Chine nouvelle remet sur la table les propositions de Pékin. Premièrement, il faut négocier la dénucléarisation en parallèle avec un traité de paix ; deuxièmement, la Corée du Nord met fin à ses essais nucléaires et obtient en échange l’arrêt des exercices militaires menés par la Corée du Sud et l’armée américaine.
Le sommet de Tokyo sera l’occasion pour le Premier ministre chinois Li Keqiang d’obtenir le soutien du Japon et de la Corée du Sud sur les propositions de son pays. Problème : tous deux sont des alliés de Washington. Or, les Etats-Unis ne sont pas favorables aux solutions mises en avant par la Chine.
De son côté, le Japon se sert de ces pourparlers pour sortir de son isolement dans le jeu diplomatique autour de la péninsule coréenne. Il a été pris de court par la décision de Donald Trump d’accepter une rencontre avec le maître de Pyongyang. Le Japon était partisan des sanctions les plus fermes contre le régime.
Aujourd’hui, le Premier ministre Shinzō Abe se dit prêt à normaliser ses relations avec la Corée du Nord moyennant un démantèlement vérifiable de son programme nucléaire et balistique. Et si un accord intervient sur la question des Japonais enlevés par des agents nord-coréens dans les années 1970 et 1980.
Quant au président sud-coréen, il souhaite que le Japon et la Chine approuvent la déclaration de Panmunjeom, signée à l’issue de la rencontre entre les dirigeants des deux Corées. Cette dernière a pour objectif d’aboutir à une dénucléarisation totale, mais ne dit rien sur les mécanismes de vérification pour y parvenir.
Le Premier ministre chinois est tout aussi vague. La Chine craignait-elle aussi d’être isolée avant le sommet Trump-Kim ? Kim Jong-un vient de rencontrer une deuxième fois en Chine en moins d’un mois et demi le président Xi Jinping. Mais rien de concret n’est sorti de leur rencontre.
A noter que Mike Pompeo, secrétaire d’Etat américain, effectue sa seconde visite en quelques semaines à Pyongyang. Lui aussi cherche à convaincre la Corée du Nord de renoncer à ses bombes atomiques. Mais quelques heures après la décision de Donald Trump de renoncer à l’accord avec l’Iran, à Tokyo, personne ne croit que Kim Jong-un va renoncer à son arsenal nucléaire et balistique.
■ Un peu mis à l’écart du rapprochement inter-coréen, le Japon a une position particulière : ancienne puissance colonisatrice, il est toujours plutôt mal vu dans les deux Corées et en Chine. Mais comme l’explique Guibourg Delamotte, maître de conférence à l’Inalco, à Paris, Séoul a conscience d’avoir besoin de Tokyo, notamment financièrement.